En plein cœur des hautes plaines de l’Ouest américain, de la cité maudite de Troie ou sur une planète inconnue, le style de Benjamin Blasco Martinez s’intègre parfaitement à l’environnement. Véritable passionné de cinéma, le dessinateur est comme un cinéaste devant sa planche.
Que ce soit avec la série « Catamount », avec « 1888 » ou encore plus récemment avec « Noir horizon » (Editions Glénat), Benjamin Blasco Martinez intègre une ambiance où se mêlent violence et beauté visuelle. La bande dessinée est un monde irrémédiablement sans limites.
Entretien avec le dessinateur Benjamin Blasco Martinez.
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Peut-on dire que votre carrière a commencé comme un western avec la série Catamount ?
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Comme un western je ne sais pas, mais on peut dire que le public de bande dessinée western est avant tout cinéphile. Par conséquent, il faut vous-même vous enrichir de références cinématographiques pour alimenter vos histoires et vos personnages.
Catamount est à la base une série de romans des années 40-50 écrite par Albert Bonneau. Il fallait en garder l’essence tout en modernisant l’histoire car le western a évolué. J’ai fait évoluer le personnage de Catamount sur 4 tomes, on peut dire que j’ai évolué avec lui.
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Comment avez-vous imaginé le visage de Catamount ?
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Bonneau le décrivait assez bien dans un de ses romans et sa fille, détentrice des droits, m’avait également donné quelques indications. Catamount a le nez busqué et le regard clair. A part cela, j’ai pu imaginer le reste. Dans le tome 1, « La Jeunesse de Catamount » (2017), je l’ai même dessiné bébé et adolescent. Mais il était très important que je le façonne d’abord en tant qu’adulte. Après plusieurs essais, j’ai réussi à trouver le bon physique de Catamount.
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Vous avez l’art de réaliser des couvertures accrocheuses. Quelle est la recette ?
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Tout cela s’apprend au fil du temps. Etant étudiant à l’Ecole Emile Cohl à Lyon, j’ai pu apprendre les codes. Il faut rester simple pour aller à l’essentiel. La couverture est une promesse que vous faites au lecteur. Vous ne pouvez pas lui mentir. La couverture montre en partie l’histoire sans rien révéler.
L’éditeur hésite souvent sur le meilleur des choix. Quant à moi, je me fie à mon instinct. Je m’inspire finalement plus du cinéma et de la peinture que la bande dessinée. J’aime beaucoup notamment les œuvres réalistes de Gérome. J’aime énormément Frazetta, grosse grosse référence pour moi ! Wiloucha est d’ailleurs un hommage à son œuvre et à son travail sur Conan le Cimmérien.
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Vous avez réalisé deux histoires pour « Go West Young man » et « Indians ». Elles se font écho avec la question du métissage.
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Oui les deux histoires sont liées, mais c’est avant tout une histoire d’amour interdit. Le racisme et l’esclavage ont en partie façonné l’Amérique et Tiburce Oger ne pouvait pas l’outrepasser.
Il a écrit toutes les histoires courtes. Nous, dessinateurs, étions réunis dans un groupe Facebook afin d’échanger. Les histoires ont été distribuées, et Conestoga m’a été confié car les chariots dans la plaine, les attaques d’indiens rappelaient Catamount et Tiburce pensait que je serais dans mon élément.
Ayant fait la première histoire sur Go West, pour des questions logiques de raccord graphiques, j’ai été désigné pour faire la deuxième « Le Royaume de Barataria » sur « Indians ».
Pour le troisième album, « Gun men », c’était différent. J’ai dessiné l’histoire incroyable mais pourtant vraie d’un braqueur de train unijambiste.
Tiburce y dénonce l’appétit vorace des compagnies de chemins de fer de l’époque qui ont poussé des travailleurs honnêtes à la criminalité pour survivre.
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« Willoucha » se déroule dans les temps archaïques. Y’a-t-il donc une part d’heroic fantasy plus libre ?
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J’ai en effet été fortement influencé par le film « Conan le Barbare ». J’aime le côté sauvage et fantastique. Même si « Willoucha » traite d’Histoire, j’ai voulu introduire une certaine part de fantaisie. J’aimerais beaucoup adapter une histoire de Conan le Cimmérien.
Que ce soit le passé ou l’heroic fantasy, c’est un formidable vivier d’inspirations. Cela permet au lecteur tout comme au dessinateur de s’évader du quotidien et de l’époque actuelle.
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Le Garde républicain est-il avant tout un hommage aux super-héros américains ?
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Thierry Mornet sous le pseudonyme de Terry Stillborn avait le souhait de créer un super-héros français. Malgré tout, il y a clairement une inspiration DC comics ou Marvel. Par conséquent, mes références ont elles aussi été américaines.
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En dessinant « 1888 », avez-vous donné des interprétations à l’une des enquêtes les plus célèbres ?
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« 1888 » donne une part non négligeable aux dialogues. Il y a de nombreux échanges (et de regards) entre les personnages. Les scènes de nuit et de meurtres sont finalement rares. Je voulais apporter un aspect monstrueux à Jack l’éventreur. Par conséquent, je ne montre jamais son visage. « Alien, le huitième passager » (1979) est le film qui m’a fortement inspiré. Le xénomorphe est juste aperçu car comme fondu dans les différents environnements. Le Jack l’éventreur que j’ai dessiné est lui aussi un prédateur.
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Avec « Noir horizon », l’inspiration graphique est-elle sans limites ?
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Oui. La science-fiction donne souvent la part belle aux grandes échelles. Je voulais dessiner des vaisseaux gigantesques et des espaces sans limites. J’avais une vision de « Noir horizon » très lovecraftienne et le film « Starship Troopers » (1997) de Paul Verhoeven a également été une grande influence.
Cependant, j’ai voulu m’éloigner des références BD les plus célèbres telles que Moebius ou Druillet. J’ai puisé mon inspiration dans des séries TV prometteuses mais qui n’ont pas connu un grand succès.
Avec le scénariste Philipe Pelaez, nous ne savions absolument pas comment le public allait réagir. Le tome 1, « Sitra Ahara », a connu un beau succès. Cela nous a rassurés. Le tome 2, « Hosanna », n’a pas été simple puisque j’ai eu une tendinite. Il a fallu faire un véritable travail d’adaptation physique. « Hosanna » montre de plus des environnements plus complexes (des grandes cités, une arène,…) à dessiner que « Sitra Ahara ».
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Que voulez-vous montrer dans le tome 3 ?
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Je viens de commencer à dessiner l’histoire. Il y aura autant du spectaculaire que de l’émotion. Ce sera le dernier album de « Noir horizon ». Il doit y avoir une très bonne conclusion.
Avec Philippe Pelaez, nous voulons continuer à travailler ensemble. Nous pensons réaliser une bande dessinée historique. Ce sera un diptyque sur la guerre du Vietnam. Il y aura bien entendu des références cinématographiques comme « Apocalypse Now » et « Platoon ». J’attends avec impatience de lire l’histoire de Philippe.
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