Au sein de sa boutique de lingerie à Paris, Fifi Chachnil vous invite dans son univers. Lieu à la fois soigné et élégant, le rose est ici le roi. Créatrice de mode et chanteuse, Fifi Chachnil est une artiste hors du commun. Ses dessous ont habillé Madonna, Kate Moss, Lio ou encore les danseuses du Crazy Horse. Autrefois chanteuse aux sonorités égyptiennes (d’où le pseudonyme Chachnil), Fifi enregistre « Mademoiselle Fifi » (2009) et « Love » (2019). Elle est notamment accompagné avec « l’artiste-tourbillon » Philippe Katerine.

Entretien avec Fifi Chachnil, artiste totale.

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Après avoir été en Egypte, vous devenez brièvement chanteuse. Vous gardez ensuite le pseudonyme Chachnil. Vous sentez-vous sans cesse sur scène ?

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Mon passage en Egypte a été relativement court. Mon vrai nom est Delphine Véron. Je pars en Egypte pour voyager. C’est pour moi un choc magnifique. Je découvre les taxis avec des fanfreluches, les télévisions dans les bars décorés de dentelles, la sonorité de la langue… J’aime tout ce que je vois en Egypte. A 20 ans, je prends la décision alors d’enregistrer un disque en « yaourt « égyptien que je réalise en rentrant en France. Ma carrière de chanteuse s’interrompt. Lorsque l’album sort, je suis enceinte. La danse du ventre était par conséquent inenvisageable.

Je décide alors de me diriger vers autre chose. Mais je conserve le pseudonyme de Chachnil.

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Vous sentez-vous avant tout Parisienne ?

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Oui. J’y suis née. Quand je voyage et quand je reviens ici, je me rends compte que Paris est une ville incroyable. On n’en finit pas de découvrir de nouveaux quartiers. Paris est une ville qui appelle au rêve.
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Le monde de la mode et de la lingerie était-elle une évidence pour vous ?

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Mes parents travaillaient la soie. Elevée dans une école où j’ai porté un uniforme du jardin d’enfants à la terminale, j’ai développé une certaine frustration. La fin de mes études a été une libération puisque j’ai pu m’exprimer par le vêtement.

L’habit fait le moine. Il annonce en tout cas la couleur. Le vêtement doit être une identité et non une carapace. 

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La marque Chachnil a 40 ans cette année – avez-vous le sentiment d’être quelqu’un d’autre grâce à elle ?
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Ayant eu plusieurs enfants, je fais une pause avec Chachnil. C’est ensuite que je commence à travailler dans le milieu de la lingerie avec la marque Fifi. C’était un nom plus universel et plus prononçable que Chachnil.

En regardant en arrière, 40 ans plus tard, avec la sortie d’un livre et une rétrospective, en lisant les écrits, j’ai l’impression d’avoir changé bien entendu, mais mon discours est très proche de celui que j’avais à 20 ans.
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Votre style coloré s’oppose au noir des créateurs japonais. La patineuse ou encore la majorette reprennent vie avec vous. Êtes-vous une ambassadrice de la couleur ?
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© Fifi Chachnil

Nos sociétés actuelles en manquent cruellement car dominées par le noir. Les couleurs, tout comme les pensées, ont des fréquences de vibrations. L’accumulation de l’obscur ne peut vous faire évoluer. Les couleurs vous permettent de changer d’univers et même d’état d’esprit. Il est nécessaire de proposer des mondes plus positifs et merveilleux. 

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Peut-on dire que vos vêtements font la part belle au toucher ?

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Le vêtement, en particulier la lingerie, est porté à même la peau . Par conséquent, il est primordial que de privilégier les matières les plus douces . Il n’y a rien de pire que de porter un vêtement qui pique et qui gratte.
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Le dessin est-elle une étape clé ?

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Il y a eu un moment où le rythme de mon travail était devenu frénétique. A tel point que je sautais l’étape du dessin en couleurs. C’est une erreur parce que c’est absolument nécessaire. Le dessin est un moment de réflexion et de souffle.

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Trouvez-vous que l’érotisme a été banni ?

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Selon moi, l’érotisme nait du mystère. Au XIXème siècle, au moment où le trousseau des jeunes femmes est révélé, l’anti-érotisme a gagné. De nos jours, le terme d’érotisme est synonyme de banalisation. Il ne veut plus rien dire.
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Dans votre parcours, il y a également une part belle à l’amitié : Pierre & Gilles, Ellen von Unwerth. La photographie accompagne vos passions ?
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J’ai connu Pierre et Gilles l’année de mes débuts en 1984, nous avons eu l’impression en nous rencontrant de nous retrouver en famille. J’adore leurs photos et travailler avec eux a été un vrai bonheur qui dure toujours d’ailleurs

Ellen von Unwerth est très proche aussi elle a beaucoup photographié mes collections de lingerie

Ses photos sont magnifiques, à la fois sexy et drôles.
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© Pierre & Gilles

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Vous avez notamment habillé Madonna, Kate Moss, Valérie Lemercier … Mais êtes-vous finalement la meilleure des ambassadrices de Fifi ?
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Quand j’ai envie d’un vêtement je le dessine. J’ai cette chance de pouvoir porter exactement ce que dont rêve

Le vêtement a été mon moyen d’expression depuis toujours.
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On dit pourtant que porter du noir permet de ne prendre aucun risque. C’est important de ne pas faire comme tout le monde ?  
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Bien sûr. Ne pas prendre de risque c’est s’interdire de prendre position. Il faut refuser l’uniformité qui accompagne celle de la pensée.
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En 2009, vous vous associez au Crazy Horse pour la réalisation d’une nouvelle revue. Est-ce que ce fut un défi ?
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 Bien sûr ! Le Crazy Horse est une institution avec ses codes, il a fallu inventer tout en restant dans le cadre
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L’album Love (2019) est-il une autobiographie (vous parlez de Paris, de Brooklyn, de mobylette,…) ?

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L’écriture d’une chanson se réfère très souvent à ce qui vous est arrivé dans la vie. Les démarches artistiques ont souvent un aspect autobiographique.

En 2019, pour Love, je me suis plongé dans ce projet musical. J’ai toujours aimé jouer avec les mots. Love m’a demandé beaucoup de concentration et de réflexion.
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Où voulez-vous aller à présent ?

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J’ai l’impression de marcher sur un pont. Je ne sais pas ce qu’il y a sur l’autre rive. Qu’importe. Je continue mon chemin.

Je prends beaucoup de plaisir à être sur scène. Toute ma vie, à faire des collections au rythme des saisons, j’ai été une véritable fourmi. Jouer la cigale est à présent une immense joie. Sur scène, je me sens libre et c’est  follement réjouissant.
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© Brieuc CUDENNEC
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