Le récit d’Homère a près de 3 000 ans et pourtant c’est irréfutable : L’Odyssée continue de nous passionner. Maudit par les dieux, Ulysse ne peut atteindre les rivages de son cher royaume, Ithaque. Mais grâce son intelligence (et sa patience), le marin réussira à finalement rentrer chez lui.

L’artiste Levalet a souhaité s’inspirer de cette épopée. Ulysse est alors transposé dans nos propres rues (voici le compte instagram du projet). Même pendant la pandémie, le projet street art a su continuer. Un livre compile ces œuvres urbaines offrant au lecteur une continuité artistique (et homérique).

Nous avons déjà réalisé Levalet sur son travail (entretien ici) lors de la réalisation du projet Odyssée. Et cela donnait d’en savoir plus…

Entretien avec Levalet sur un bateau.

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À l’instar d’Ulysse qui est parti de la cité d’Ithaque pendant 20 ans, votre projet a tout de même duré trois ans. Comment est venue cette idée ambitieuse ?

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J’avais un sentiment de vacuité dans mon travail. J’enchainais les projets et les collages dans la rue sans qu’il y ait de véritable cohérence entre eux. J’avais l’impression de perdre le sens. Par conséquent, j’ai eu l’idée de réaliser un projet avec une suite.

Étant un des premiers récits connus de l’Histoire, l’idée de l’Odyssée était un prétexte pour réaliser un projet au long cours. Je voulais surtout avoir un champ large de création.

Le projet a duré trois ans parce que je réalisais en même temps d’autres collages.

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Les collages ont surtout été présents à Paris mais également à Reims, à Marseille et à Londres. Pourquoi ces lieux ?

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Les collages ont été réalisés en grande majorité à Paris car c’est le lieu où j’ai commencé à travailler et c’est aussi une ville qui encore de nos jours offre une grande diversité de murs et par conséquent d’espace de création.

Je vis à Reims et, à cause du confinement, j’ai dû coller au plus proche de mon domicile. Le choix de Londres et de Marseille a été le fruit du hasard. J’avais des expositions et j’ai profité pour faire des collages de l’Odyssée.

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La marinière était une évidence pour l’Odyssée ?

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Ulysse étant un marin, la marinière était un habit évident pour qu’on puisse le reconnaître rapidement.

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Dès les premières images, l’humour apparaît. L’Odyssée devait-elle être tout sauf sérieuse ?

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Il y a toujours de l’humour dans mon travail. Je n’arrive pas vraiment à m’exprimer autrement. J’ai la pudeur de ne pas d’aborder frontalement et sérieusement les sujets. J’ai également envie d’embarquer le passant avec le sourire. En voyant mon travail, je veux lui proposer une certaine légèreté.

Il fallait également que les collages soient indépendants les uns des autres. Très peu de personnes suivaient de près mon projet. J’avais certes un compte Instagram spécifique mais les posts apparaissaient en général une fois tous les mois. Beaucoup ont compris la cohérence du projet en voyant uniquement le résultat final.
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Les sirènes ailées ont la tête d’Ariel de Disney. Etait-ce une façon de faciliter la compréhension du passant ?

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Cela me faisait surtout rire de réaliser des chimères qui font référence à la sirène mythologique et à la petite sirène du film de Walt Disney.

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Le cyclope était-il le monstre indispensable au projet ?

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Oui il était incontournable mais contrairement au récit d’Homère où il apparaît quasiment au début, j’ai voulu le faire apparaître à la fin du projet. Le cyclope est comme un boss final. Il était difficile pour moi de réaliser une figure géante. Il fallait trouver le mur adéquate et faire un immense collage. J’ai donc « triché » en rétrécissant Ulysse dans la scène précédente.

J’interprète également le cyclope avec un masque de soudure.

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Que représentent les ombres animales que rencontrent Ulysse ?

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.Ulysse, zombifié, rencontre un personnage qui le délivre de son sort avec l’aide d’un remède psychotrope. Cette scène fait référence au moment où les marins d’Ulysse consomment des fleurs de lotus. Ils sont drogués. Les ombres sont des hallucinations qui viennent hanter mon Ulysse. Ce sont des références à des figures égyptiennes. Ulysse voit également son épouse, Pénélope.
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Apparition de sphinx, de zombies, d’extraterrestres,…  Le projet devait-il aller plus loin que l’Odyssée ?

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Dès le départ, je voulais dépasser le récit homérique. J’ai également convoqué des références universelles car elles sont parfois plus connues que ce que l’Odyssée décrit.

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Y’a-t-il eu des imprévus ?

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Oui. Je savais rarement où j’allais coller. Il me fallait de grands et longs murs. J’avais certes une idée de la trame du récit, mais j’ai dû improviser au fil du temps. J’ai également dessiné un personnage mais j’ai pris la décision de ne pas le coller. Lorsqu’Ulysse est rétrécit, il tombe dans une fontaine magique. Il redevient alors grand. Mais initialement, je voulais le faire rentrer dans un tuyau et qu’il ressorte grandi après un périple dans une autre embouchure. J’ai cherché pendant des heures dans plusieurs villes un tuyau vertical suffisamment grand pour accueillir mon personnage. Je ne l’ai jamais trouvé. Par conséquent, j’ai renoncé à l’idée.

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Certaines figures sont-elles restées sur les murs ?

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Oui, certaines que j’ai collées au début du projet en 2019.

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Vous avez également réalisé une vidéo de l’Odyssée.

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C’est exact. Je l’ai réalisée avec un ami. Elle dure 6 minutes et sera diffusée sur YouTube très prochainement. La vidéo présente le projet. Le livre, par contre, le montre dans son ensemble.

Une exposition aura lieu dans une salle à la Piscine Molitor le 2 juin prochain.

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Y’aura-t-il un autre projet aussi important ?

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Certainement. J’ai d’autres idées de narration. J’aimerais réaliser un autre projet que l’on puisse comprendre en une seule fois. Cela pourrait être sur un seul mur, dans un seul quartier ou dans une usine désaffectée.

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