Véritable observateur du quotidien, Adrian Tomine est avec ses histoires et ses dessins un véritable metteur en scène. Le cinéma l’a bien compris et il y a même eu deux adaptations sur grand écran, « Les Olympiades » (2021) de Jacques Audiard et « Shortcomings » (2023) de Randall Park.

Dans la presse américaine ou dans l’univers de la bande dessinée, Adrian Tomine est un véritable artisan de l’image. Chaque case montre un monde de désir et d’espoir. Des sentiments qui nous sont si proches…

Jusqu’au 28 juin 2025, Adrian Tomine expose ses œuvres à la Galerie Martel (17 rue Martel – Paris). Une façon de comprendre que l’artiste américain est un témoin rare de notre époque.
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Entretien avec Adrian Tomine.

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Au début de votre carrière, le dessin vous donnait-il l’occasion de parler de vous et de vous-même, ou la fiction était-elle comme une douce évasion ?

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Mes livres sont plus fictionnels qu’ils ne le paraissent. Parfois, les lecteurs semblent me reconnaître dans tel ou tel personnage. Ils pensent également que j’essaie de les manipuler ou de les désorienter sous le signe de l’humour. C’est faux. En revanche, mes histoires, clairement fictionnelles, me permettent d’intégrer une part de moi-même dans les personnages. Bien que ce ne soit pas une autobiographie, il y a de plus des recoupements, des échos à ce que j’ai vécu.

En tout cas, la réalisation de bandes dessinées est pour moi une évasion. L’écriture est parfois une recherche et une interrogation. J’apprécie l’exercice.
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Riez-vous parfois de vos propres histoires ?

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Un peu, oui. J’aime l’idée de réaliser des histoires pour un public très restreint – même si en fait mes bandes dessinées sont lues dans le monde entier, par des inconnus. Quand j’écris et que je dessine, je sais que quelques personnes de mon entourage liront mes histoires. J’ai donc ajouté quelques clins d’œil. Certaines répliques ou situations sont drôles pour au moins une personne que je connais (comme mon frère). C’est assez cartoonesque.
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©Adrian Tomine – 31×43 cm – Supermarket, page 1 – Published in Optic Nerve #3 and Sleepwalk and Other Stories – Courtesy Galerie Martel

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Pourquoi aimez-vous particulièrement les nouvelles ?

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Je ne suis pas un fan des histoires longues et compliquées. Réaliser 600 pages de BD me prendrait environ 20 ans. L’idée même fait peur… Je ne pense pas en avoir les capacités mentales. J’essaie d’être simple. Être père est un nouveau défi pour moi. Je veux faire des BD, mais en même temps, je veux passer du temps avec mes deux enfants. Mes priorités ont beaucoup changé.

Qui sait ? Peut-être que, plus âgé, que je ferai des histoires plus longues et que je serai plus inspiré.

En tant que lecteur, j’aime les nouvelles. Quand j’étais adolescent, skateur, je lisais ce genre de BD parce que je n’avais pas les moyens d’en acheter d’autres (rires). J’aime toujours autant les nouvelles.

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Californie – New York. Pensez-vous que tes histoires s’inscrivent dans le grand art urbain (histoires, architecture, ambiance) ?

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Je pense que oui. L’univers urbain m’inspire beaucoup. Je suis né et j’ai grandi en Californie et je vis à présent à New York.

©Adrian Tomine – 39×55 cm – Poster for U.S. release of Les Olympiades  Paris, 13th District – Courtesy Galerie Martel

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Paris vous inspire-t-il ?

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Je suis venu ici pour la première fois à 13 ans. J’étais ravi de voir que les bandes dessinées étaient vendus partout. Il y en avait surtout réservé aux enfants. Il y avait aussi beaucoup de jouets. Je n’avais jamais vu cela aux États-Unis.

Lorsque Jacques Audiard a adapté mes histoires au cinéma avec « Les Olympiades ». Contrairement à « Shortcomings », l’autre adaptation cinématographique, mes personnages sont interprétés par des acteurs français. J’ai beaucoup aimé l’idée que « Les Olympiades » soit également en noir et blanc. Au moment de la création du film, j’attendais avec impatience de découvrir sur les écrans cette nouvelle version de mes histoires. C’est une belle « lecture française » de mon travail.

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Quelle est la place des femmes dans votre univers visuel ?

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Elles sont partout. Même si je ne sais pas vraiment si cela reflète ma personnalité, j’ai toujours eu des amies et des histoires d’amour.
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©Adrian Tomine -31×45 cm-Hawaiian Getaway page 16, Published in Optic Nerve #6 and Summer Blonde-Courtesy Galerie Martel

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La tristesse est-elle un personnage principal dans vos bandes dessinées ?

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J’ai commencé à faire des bandes dessinées afin d’exprimer une certaine tristesse. C’est un sujet passionnant car il s’agit de sentiments humains. J’aime particulièrement les films, les bandes dessinées et autres fictions qui traitent de moments importants de la vie.

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Vous avez également travaillé pour le New Yorker ou le N. Est-ce le même exercice ou votre approche de l’illustration est-elle différente ?
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Il existe différents types d’illustrations. Plus jeune, je faisais tout ce qui pouvait me permettre de payer mon loyer. Je dessinais des pochettes d’album, de la publicité… Avec autant de travail, j’avais l’impression d’être une machine. Faire des bandes dessinées a été une véritable évasion artistique. J’étais libre de créer mes propres histoires.

De nos jours, j’évite autant que possible toute autre illustration, à l’exception du New Yorker. Les œuvres que je réalise à présent sont véritablement le fruit de mon expérience de dessinateur de bandes dessinées. J’essaie de raconter une histoire à travers une seule image.

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Y a-t-il une musique particulière à écouter lorsque l’on lit vos bandes dessinées ?

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Certains auteurs suggèrent des chansons à leurs lecteurs. Je n’en recommanderais aucune. Cependant, lorsque je crée un personnage, je réfléchis aussi au style musical qu’il aimerait. Tous ces détails m’inspirent pour l’histoire.
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Quels sont vos projets ?

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Je m’intéresse au cinéma. J’ai écrit un scénario et j’ai été très impliqué dans sa production. Je me suis beaucoup passionné pour ce projet.

Le film va sortir prochainement. C’était plus rapide que prévu. Je n’ai jamais étudié l’art dramatique ni l’écriture cinématographique, mais même si je ne suis pas très qualifié, j’ai beaucoup aimé l’expérience. En tant qu’artiste, c’est un véritable défi de créer quelque chose de nouveau avec un autre média.
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©Adrian Tomine -15x20cm-Self-Courtesy Galerie Martel

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Photo de couverture : ©Adrian Tomine -31×23 cm-Poster for Japanese release of Les Olympiades  Paris, 13th District – Courtesy Galerie Martel

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