De par leur esthétique mais aussi par ce qu’ils ne font que suggérer, les ténèbres nous fascinent. Monstres, métamorphoses et mysticisme captivent notre regard et nos imaginations. Olivier Ledroit est un artiste-interprète. De par ses illustrations fourmillant de détails, il apporte également de l’ambiguïté. Variant autant les techniques que les sujets, Olivier Ledroit signe un nouvel artbook ambitieux et massif. « Au-delà des contrées du crépuscule » tient ses promesses et souligne la multiplicité de l’artiste.
« La Chute de Dracula », 12ème opus de Requiem Chevalier vampire, prolonge cet univers explosif et iconoclaste.
Après un premier entretien-portrait, Olivier Ledroit continue ici de narrer son art visuel.
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Artbook version grand large « Au-delà des contrées du crépuscule » est-ce un bilan ou simplement une étape ?
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Ce n’est pas le premier ni le dernier. Je voulais réaliser un nouveau projet avec la même équipe (Directeur de collection, maquettiste,…). Nous nous sommes mis au travail et j’ai eu l’idée de faire une rétrospective qui remontait loin dans mon passé.
Je réfléchis au prochain artbook. Même si ce livre sera plus petit, il y aura des entretiens, plus de texte, et englobera toute ma carrière. J’aimerais même y intégrer des cases de bande dessinée avec de bonnes punchlines.
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Comment est venue l’idée de la couverture ?
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C’est une image qui rappelle mon intérêt pour la géométrie sacrée. J’ai fait le lien mystique entre les cathédrales et les menhirs.
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Monstruosité et beauté s’unissent dans votre univers et scrutent le lecteur. Est-ce un univers rebelle ?
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C’est souvent sans intention mais les choses viennent naturellement. Quand il y a un peu d’ambiguïté, cela souvent veut dire que l’image est pertinente. Je n’ai jamais aimé la neutralité. Il m’arrive parfois de volontairement déranger. Dans les derniers albums de Requiem Chevalier vampire, il y a même des aspects vulgaires.
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Les femmes sont-elles les plus grands monstres ?
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Non. Au départ, les galeristes avaient une pensée mercantile. Ils voulaient que je dessine des pin ups. Même si on retrouvera des femmes dans mon prochain livre, « Les Fleurs du mal », je souhaite arrêter de dessiner des pin ups.
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Jan Kounen, Philippe Druillet, Alejandro Jodorowsky, Michel-Edouard Leclerc, Jean-Michel Nicollet,… Est-ce aussi un hommage de leur donner la parole ?
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Ce sont mes pères artistiques. Dès le départ, je voulais qu’« Au-delà des contrées du crépuscule » soit un recueil pluri-disciplinaire. Certains textes avaient été publiés dans de précédents ouvrages. J’ai ensuite fait appel à des peintres, des photographes mais aussi à des collectionneurs et des galeristes. Certains d’entre eux ne connaissaient pas l’exercice de l’écriture. Je recherchais justement une certaine sincérité. Le sculpteur Patrice « Pit » Hubert avait peur de mal écrire puis il a réussi à être franc.
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La série Requiem Chevalier vampire n’a pas de pause, ni de vide. Est-ce comme un organe vivant ?
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Si on pouvait résumer Requiem Chevalier vampire, il faudrait dire que c’est de la surenchère. Trop n’est jamais assez. Avec le scénariste Pat Mills, nous nous sommes pris au jeu du délire. Je lui envoyais des idées et il me les renvoyait avec de nouveaux aspects brillants. Pat est un narrateur né.
La difficulté a été finalement de concentrer cet univers dans des pages. Au début du projet, Pat, en bon anglo-saxon, ne souhaitait pas de scènes de sexe. J’ai poussé à aller vers ce chemin.
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Est-ce un écho à la peinture ?
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Que ce soit en bande dessinée ou en peinture, je projette ma propre nature. Plus vous faites de choses différentes, plus vous revenez vers vous. Que je dessine des fées, des vampires ou de l’érotisme, à chaque fois, je m’y retrouve.
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Dans « La Chute de Dracula », une cène maléfique est représentée avec un plan de table. Ce fut un plaisir d’assembler ces différents monstres ?
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Oui car tous ces personnages de Robespierre à Raspoutine, je les dessine depuis au moins une dizaine d’années. C’était amusant de les représenter ensemble sur une même page.
Nos lecteurs ont souhaité voir la fin de Requiem Chevalier vampire alors qu’avec Pat, nous voulions quitter la série. Nous n’avions pas prévu de véritable dénouement. Il y a eu une pause de plus de dix ans. Nous nous sommes remis au travail. Pat a trouvé le moyen de réunir les personnages avec l’idée de banquet.
Requiem Chevalier vampire a un aspect épique avec de nombreux voyages. Dans un but de renouvellement, l’intrigue de « La Chute de Dracula » est par contre un huis clos.
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Votre univers ne s’arrête pas aux livres. Il y a également le jeu de société, les expositions, les tatouages,… Etait-ce dès le départ un souhait de déborder ?
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J’aime beaucoup présenter mon travail au public. Malgré les contraintes, la dernière exposition au Festival d’Angoulême fut un vrai plaisir à assembler. Je suis ouvert aux nouveaux défis.
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Le manga influence-t-il votre dessin ?
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Les comics américains ont beaucoup influencé mon début de carrière. De nos jours, je n’en lis même plus. Je constate que mon dessin est très différent à présent. Pour la série Wika, je m’adressais à un public plus jeune et féminin. Je me suis inspiré des livres que ma fille lisait. Le manga est une grande influence. Que ce soit le texte ou le dessin, c’est un genre original et épatant.
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Vers où la suite de « Troisième Œil » va se diriger ?
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Le récit va se durcir. Le premier album, « La Ville lumière » (2021), a un côté assez naïf. Progressivement, l’histoire tombe dans le drame et le gore. Je veux susciter le malaise (rires).
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Quelles seront vos « Fleurs du Mal » ?
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Je détiens plusieurs versions du livre de Charles Baudelaire. Une a une illustration pour chaque poème. Ces images m’ont donné une certaine idée de l’ambiance qu’a connu Baudelaire. Je ne serai pas fidèle au livre mais je vais présenter avant tout le Paris romantique du XIXème siècle. J’illustre le Palais Garnier mais il n’a été inauguré que dix ans après la mort de Baudelaire. Plutôt qu’être fidèle aux « Fleurs du Mal », je veux capturer une ambiance du passé.
Il y aura des clins d’œil à des peintres et des musiciens. Baudelaire a été le traducteur français des écrits d’Edgar Allan Poe. Il y aura aussi des références macabres.
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