Issu tout droit des Arts décoratifs de Strasbourg, Sylvain Dorange réalise des bandes dessinées originales et surprenantes. Adepte du story board, il adapte graphiquement dès le début de sa carrière le cinéma de Robert Guédiguian. Sylvain Dorange s’est également habitué au format biopic avec notamment « La Plus belle femme du monde – The incredible life of Edy Lamarr » (2018) ou encore « Gisèle Halimi – Une jeunesse tunisienne » (2023). La poésie (musicale) accompagne toujours ses œuvres.
Entretien avec Sylvain Dorange.
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Peut-on dire que votre travail de dessinateur est en lien avec la musique ? Auriez-vous pu être musicien à plein temps ?
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Depuis mon enfance, je souhaitais devenir dessinateur de bandes dessinées. La musique est avant tout un plaisir qui ne me quitte pas. Je viens de réaliser un clip pour le groupe dans lequel je joue « Dirty Knives » (6) Adjani and Delon – YouTube
Il y a quelques années, avec des amis, J’avais composé la musique d’un livre disque « Marta des Bois ». Et avec le groupe « Inspecteur Tournesol » on a réalisé plusieurs musiques de courts métrages.
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Vous avez réalisé la série « Un Conte de l’Estaque » avec le réalisateur Robert Guédiguian. Était-ce un travail d’adaptation de films ou aviez-vous tout de même une certaine liberté ?
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J’étais libre en ce qui concerne le dessin. Par contre, j’aurais préféré les histoires de façon plus libre – en particulier « Marius & Jeannette ». L’éditeur souhaitait que nous restions fidèles aux films. Ce fut tout de même un plaisir de travailler avec Robert Guédiguian, un réalisateur que j’adore.
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Marseille c’est un personnage à part entière ?
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Etant originaire de Provence, j’ai toujours eu une connexion avec Marseille. Pour la réalisation de la série, j’ai pu faire des réparages à l’Estaque notamment. Je voulais retrouver les lieux des films pour mieux en sortir. Ce ne fut pas un exercice facile car Guédiguian aime filmer les personnages de très près. J’ai pris des photos et j’ai dessiné. Ce fut un gros travail de reconstitution.
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On retrouve souvent la photo de groupe dans vos albums. Est-ce une signature ?
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J’ai toujours pensé que l’on ne se forme jamais seul. Il y a toujours un entourage.
Pour « Gisèle Halimi – Une jeunesse tunisienne », j’ai eu une discussion avec Danièle Masse, la scénariste, concernant la 4ème de couverture. Je proposais d’illustrer un groupe de personnes plutôt que Gisèle seule. Il était intéressant pour moi d’avoir tout ce monde qui a su forger l’identité de l’héroïne tout au long de sa jeunesse. Qu’importe si ces personnages ont été des alliés ou des ennemis de Gisèle.
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Comment avez-vous construit avec Franck Viale la série « Les Promeneurs du temps » qui mêle à la fois polar, science-fiction et fantastique ?
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Franck était un ami d’enfance. Nous voulions travailler ensemble. L’histoire des « Promeneurs du temps » s’est construite ensemble. Franck a ensuite écrit le scénario comme s’il s’agissait d’un travail cinématographique. Je l’ai ensuite découpé librement. J’aime le partage d’idées avec autrui.
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Vous colorez vos propres albums. Est-ce un travail à part ?
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Tout dépend du projet. Pour « Psychotique », sans story board, il a fallu dessiner et coloriser en même temps, mais en général je fais mon crayonné en amont. Pour moi, la mise en couleur c’est de la l’équivalent à de la post prod au cinéma.
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« Sanseverino est Papillon » est une œuvre à part puisqu’elle provient d’illustrations pour un album de musique et est en même temps une adaptation du livre d’Henri Charrière (« Papillon » 1969). Cette bande dessinée est-elle une conclusion ou une œuvre à part entière ?
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Il s’agit avant tout d’un parcours. Sanseverino voulait que je réalise la couverture de son album et une bande dessinée qui devait être incluse. SONY a alors proposé de réaliser une œuvre à part. Ce fut une expérience formidable mais intense : l’album devait être réalisé en quelques mois pour qu’il puisse être réalisé en même temps que le CD.
De temps en temps, il m’arrive de l’aider dans la fabrication de ses pochettes plus alternatives, sans prod. Mais c’est plus un boulot de graphiste.
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Est-ce que ce fut un défi de dessiner « La Plus belle femme du monde – The incredible life of Edy Lamarr » ? L’ambiance rétro était une évidence ?
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Lors de mes études aux Arts déco, j’avais fait des recherches sur l’époque où l’art se concrétisait avec le cinéma naissant. A toutes les époques, le grain et les types de caméra utilisés étaient différents. Lorsque vous regardez un film, vous savez plus ou moins le moment où il a été réalisé. Je voulais retranscrire cela en bande dessinée avec les différentes époques (années 30, 60,…) et des vieux papiers que je pouvais trouver dans des vieux immeubles abandonnés qui me servaient de grain. Lorsque les éditions La boîte à bulles m’a proposé de faire le dessin de « La Plus belle femme du monde », je pouvais retranscrire quasiment tout le XXème siècle en dessin. De plus, William Roy, le scénariste, étant monteur avait déjà réalisé le story board. Par conséquent, je pouvais me consacrer pleinement aux différentes ambiances.
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Contrairement à Hedy Lamarr, vous avez pu travailler avec Jacques Mathis, le personnage principal de « Psychotique ». Est-ce que fut tout de même un exercice délicat d’illustrer la maladie ?
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Pendant plus de 5 ans, j’ai été animateur et directeur de séjour de vacances adaptées. J’ai toujours apprécié d’être en lien avec des personnes handicapées mentales. Jacques Mathis était un ami depuis des années. J’ai pu le voir en crise et j’ai toujours su que c’était passager. Avec « Psychotique », je voulais rester le plus fidèle possible avec la réalité. Ce fut une belle expérience car Jacques se trouvait beau en dessin. Il arrivait très bien à se reconnaître.
Les retours furent également positifs. Lors de salons BD, beaucoup de médecins, d’infirmiers, de schizophrènes et de bipolaires m’ont fait part de leur intérêt pour « Psychotique ». Ce n’était pas le but initial mais j’ai pu avoir un public assez « médical » (rires).
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Etes-vous condamné aux biopics ?
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Lorsque vous publiez un projet, on vous contacte ensuite pour le même genre. Cependant, mon prochain album ne sera pas un biopic. Je travaille à nouveau avec Anne Royant (nous avions réalisé ensemble « Prison » avec Fabrice Rinaudo). Le projet devait être adapté au cinéma ou en série. Il sera finalement une bande dessinée. Je vais tourner la page des biopics pendant un temps.
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« Beate et Serge Klarsfeld : Un combat contre l’oubli » a-t-il été imaginé comme une œuvre polar ?
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Je ne voulais pas d’un livre avec un nombre incalculable de dates qui s’enchaînent. Pascal Bresson a réalisé un scénario très captivant avec des flash-backs. Il voulait en effet une œuvre polar. De plus, les époux Klarsfeld ont pris le temps de travailler avec nous – ce fut très enrichissant. A chaque envoi de mes story-boards, Serge et Beate m’envoyaient leurs commentaires. J’étais libre concernant le dessin – par contre, ils étaient consciencieux notamment à propos de la météo. Serge et Beate me donnaient d’une certaine façon le décor.
Une autre anecdote : En novembre 1968, lorsque Beate a giflé l’ancien nazi et nouveau responsable du parti chrétien démocrate allemand, Kurt Kiesinger, je l’avais dessiné avec une veste typique des années 60. J’ai dû corriger cela. Beate m’a raconté qu’elle portait alors une tenue avec une croix de Lorraine cousue.
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La jeunesse de Gisèle Halimi était-elle plus captivante que finalement sa grande carrière d’avocate ?
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Après « Beate et Serge Klarsfeld » et « Prison », je voulais sortir de l’univers judiciaire. Le scénario de Danièle Masse se concentrait sur la jeunesse de Gisèle Halimi. Par conséquent, il fallait se focaliser sur les années 30 en Tunisie. J’ai beaucoup appris sur le contexte historique et la vie de Gisèle Halimi.
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« Gisèle Halimi – Une jeunesse tunisienne » est également un travail de reconstitution. Avez-vous été particulièrement méticuleux dans cette entreprise ?
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Dans toutes mes bandes dessinées, je souhaite être juste par rapport aux décors et à la période historique. Je peux faire des recherches sur la marque d’un paquet de cigarettes ou sur la musique qui passait à l’époque. Je ne souhaite pas être trop fidèles aux physiques des personnes historiques. J’ai par exemple dessiné Hedy Lamarr ou les époux Klarsfeld d’une façon assez fantaisiste pour éviter d’être enfermé dans un exercice périlleux. Par contre, je veux être méticuleux concernant l’ambiance. Pour « Gisèle Halimi – Une jeunesse tunisienne », des familles juives m’ont envoyé des photos et des vieilles cartes postales afin de m’aider dans la construction de Tunis de l’époque.
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Quels sont vos projets ?
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Je réalise actuellement des dessins pour des livres jeunesse – notamment sur la vie de Bertrand Piccard (encore un biopic), sur les pirates ou les rois de France.
Régulièrement je m’amuse beaucoup à faire de grandes double pages pour « Wapiti ».
Avec Anne Royant, je continue la série « Méga boules frites ». Nous avions réalisé une animation il y a quelques années. Il s’agit d’une aventure délirante avec un robot-camion qui parle gallois.
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REF IMAGES
Planche pour Odyssée : https://www.heritagecivilisation.net/sylvaindorange
Et alors : Exposition virtuelle – Les Couleurs de l’Accompagnement