Éternel héritier, Charles de Galles est bien le fils d’Elisabeth II, reine du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord depuis près de 69 ans. Septuagénaire, le Prince de Galles devra tôt ou tard prendre ses responsabilités et succéder enfin à sa mère souveraine.
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Éternel fils de la reine, infatigable prince, Charles est-il un successeur patient ou au contraire impatient de monter sur le trône?
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Je crois qu’il attend sans impatience, cette attente fait partie de sa vie depuis son plus jeune âge.
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Avec une mère « détachée », un père autoritaire et un empire qui se disloque depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le jeune Charles arrive-t-il à trouver sa place ?
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Charles a décidé très tôt, dès la fin de ses études et celle de ses apprentissages militaires, à remplir son rôle de prince de Galles de façon active. Il est un prince champion de l’action caritative avec la création du Prince Trust, sorte de gigantesque holding de la charité et du soutien aux jeunes gens qui ont décroché de leurs études ou cherchent sans succès un emploi.
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Quel fut le rôle de Lord Mountbatten dans la vie de Charles ?
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Il a été une personne qui a conseillé le prince Charles sur ce que devrait être sa vie, ses occupations et ses premières amours. Ces conseils n’étaient pas toujours désintéressés ni même pertinents, mais Charles avait avec lui une relation quasi filiale, alors qu’il souffrait de l’autoritarisme de son père, Philip, à son égard.
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En 1977, alors en relation avec une de ses sœurs, le prince Charles rencontre sa future épouse, Diana Spencer. Les débuts de cette idylle ont-ils été prometteurs ?
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On sait maintenant, avec le recul du temps, que Charles était pressé de trouver une épouse qui réponde aux nombreux critères de la Cour : Qu’elle soit vierge, aristocrate, jolie et de religion anglicane, et Diana répondait à tous ces critère. Charles était séduit par cette jolie jeune femme, mais il n’en était pas amoureux. Il restait très attaché à celle qui fut son premier amour, Camilla Parker Bowles, et il a sans doute pensé qu’il ferait comme ses ancêtres : il aurait une digne épouse pour le devoir d’assurer la lignée, et une maitresse pour le plaisir. Mais la modernité a changé la donne.
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En tant que journaliste à l’époque à Libération, comment avez-vous jugé ce nouveau couple princier ? A-t-il fait sensation ?
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Oui, ce fut un mariage extraordinaire dans une Angleterre en déprime économique et sociale. La grande pompe du mariage, la beauté de Diana, le prince dans son plus bel uniforme, la foule en liesse, tout cela a remonté le moral des Anglais.
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Camilla Parker Bowles a-t-elle été la femme la plus importante pour le prince Charles ?
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Deux femmes ont dominé sa vie : sa mère, et Camilla, aujourd’hui l’épouse du prince, et ce dernier est devenu en sa compagnie un homme manifestement heureux et épanoui.
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1992 est l’annus horribilis pour la famille royale avec notamment le divorce de Charles et de Diana. Comment le prince de Galles a-t-il vécu cette séparation ? Le décès tragique de Diana, « princesse du peuple » en 1997 ?
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La séparation, puis le divorce, ont été un soulagement aussi bien pour Diana que pour Charles. Leur vie de couple était devenue un enfer. Au point que la reine a cédé et accepté un divorce, procédure qu’elle avait réprouvée. Le décès accidentel de Diana, par contre, a été une tragédie pour le peuple britannique. Pour lui, Diana était devenue une idole, par son charme, mais aussi par l’audace de ses actions caritatives, son empathie pour les faibles et les malades. Tony Blair l’a appelée « princesse du peuple » et ce c’était ce qu’elle était devenue.
Sa mort a fragilisé la Couronne, et Charles, jugé coupable de ce tragique destin. On rêva à l’époque que le futur roi ne serait pas Charles, mais son fils William, mais ce rêve, avec le temps, s’est dissipé.
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Les princes William et Harry ont-ils des traits communs avec leur père ou ont-ils voulu se détacher de lui ? Harry sera-t-il pardonné par Charles pour ses propos envers la famille royale ?
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Charles a été un père très attentif à l’égard de ses deux garçons, mais ceux-ci avaient perdu une mère extraordinaire, et en sont restés marqués. Les deux frères, par ailleurs, n’ont pas le même destin. William se prépare à devenir prince de Galles, puis roi, alors que Harry reste en périphérie du premier cercle. Rebelle, frustré, mais aussi fragile, il reste, je pense, une personnalité qui suscite une certaine empathie. Tout le royaume se souvient de l’image du petit Harry suivant le cercueil de sa mère. Beaucoup lui sera pardonné s’ils ne franchit pas les limites subtiles du lèse-majesté.
Que sait-on des opinions politiques du prince Charles ?
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La tradition exige une absolue neutralité de la famille royale en matière politique. Mais tout est politique dans la vie publique, et dès lors Charles a exprimé de nombreuses idées, sur l’agriculture bio, le climat, l’architecture, l’urbanisme, les religions, les médecines douces. Rien de politique dans tout cela, juste le bon sens et l’harmonie avec la nature, affirme Charles. Ce qui est contesté, bien sûr, par ceux qui se sont sentis accusés par le prince, par exemple les architectes, les urbanistes ou les médecins qui estiment que Charles a tenu des propos de nature politique. Il est également arrivé au prince d’écrire aux ministres pour leur suggérer des politiques qu’il jugeait opportunes. Une correspondance qui avait fortement agacé la première ministre de l’époque, Margaret Thatcher, qui avait dit au prince Charles : « C’est moi qui gouverne ce pays, Sir. Pas vous ».
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Quel est l’avis des Britanniques sur Charles, possible futur monarque ?
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Les Britanniques sont, dans leur grande majorité – à l’exception des plus jeunes – très attachés à la monarchie. La mort de Diana est maintenant un triste, mais aussi un lointain souvenir. Charles est enfin, avec Camilla, un homme heureux, serein, et l’on s’aperçoit aujourd’hui qu’il fut, avec Camilla, très constant en amour. Toutes ces qualités désormais reconnues ont effacé le sentiment, dominant après la mort de Diana, qu’il ne serait pas un bon roi.
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Qui sera Charles, roi d’Angleterre, selon vous ?
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Il est toujours périlleux de prédire l’avenir. D’abord, il peut mourir avant sa mère, et dès lors, il ne sera jamais roi. Ensuite, s’il devient roi, il sera un vieux roi, sans doute encore plus psychorigide qu’aujourd’hui. Il continuera donc à défendre ses idées sur le climat ou l’architecture ou la médecine douce, mais de manière plus subtile, sans doute. Charles est conscient qu’il sera plus contraint dans ses propos comme roi, que comme prince de Galles. Il perdra un peu de sa liberté de parole, mais je ne l’imagine pas devenir aussi secret que sa mère, la grande muette de la monarchie. Enfin, il a promis, même s’il apprécie toujours les religions des autres, de défendre, comme ce sera son rôle, la foi anglicane.
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