Qu’est-ce que l’hindouisme? Entretien avec Swami Advayananda
Enseignant en hindouisme depuis 1983, le swami Advayananda, responsable d’un ashram sur l’Ile de la Réunion a répondu à nos questions concernant l’hindouisme, la religion mais aussi l’art de vivre.
-Vous êtes né en tant que Marie-Paul Techer puis vous vous êtes nommé Swami Advayananda en devenant moine. Que signifie votre nom et quelles ont été les raisons de votre conversion?
Mon état civil était en effet Marie-Paul Techer avant mon changement de prénoms. Ce n’est pas moi qui me suis donné ce nom mais j’ai été initié par mes gurus. L’un d’entre eux m’a attribué ce nom. Comme je suis plus connu sous ce nom là maintenant, j’ai donc procédé à un changement de prénoms – le prénom Marie-Paul prêtait souvent à confusion.
Je dois préciser que je ne me considère pas comme converti car la conversion (dans le sens des religions abrahamiques) n’existe dans les religions orientales. La conversion sous-entend le rejet des pratiques antérieures.
En ce qui me concerne, je ne rejette pas mon passé – je l’assume même – et mon intérêt pour l’hindouisme est juste une continuité de mon cheminement spirituel. Je dis que j’ai épousé l’hindouisme ! Quand on épouse quelqu’un on ne rejette pas sa propre famille !!! Ma mère va à la messe à côté de l’ashram. Plusieurs fois, je suis allé personnellement la déposer en fauteuil roulant – à 86 ans, elle a des problèmes aux genoux.
Les religions abrahamiques (judaisme, christianisme et islam) ne se basent que sur un seul livre et ne reconnaissent qu’un seul enseignement, pas l’hindouisme.
-Après toutes ces années, que retenez-vous de votre passé avant votre conversion?
Mon passé reste mon passé. J’ai été enfant de chœur à l’église de Sainte Anne (La Réunion), je voulais devenir prêtre catholique (pour convertir les Malabars (Hindous) ! A l’adolescence, j’ai rejeté le catholicisme (à cause de l’Inquisition principalement), je suis devenu athée avec de la valeur pour les valeurs universelles jusqu’à ma rencontre avec un trésor ignoré : l’hindouisme à la Réunion.
Que représente Ganesha (le dieu éléphant) dans la religon hindoue? Quel est son message?
La religion a trois niveaux – comme l’Education Nationale ! Au niveau primaire, on pense que Ganesha est un dieu parmi tant d’autres. Au niveau secondaire, on essaie de comprendre qui Il est et au niveau supérieur, on réalise en soi ce qu’Il représente.
Ganesha avant d’être un nom, est surtout un ensemble de deux mots : Gana + Isha. Gana vient du verbe « gan » qui veut dire « compter ». « Isa » veut dire « seigneur ». Ganesha veut donc dire le Seigneur de tout ce que l’on peut compter – depuis les particules jusqu’aux galaxies !!! En fait, il est la cause première de toute manifestation.
Les niveaux premier et secondaire de la religion hindoue s’occupent principalement de la forme et le niveau supérieur de l’essence.
Dans l’hindouisme général, il symbolise l’intelligence – cette faculté qui nous permet de fairela distinction entre l’apparent et le réel. Il nous indique donc quenous devons réaliser la Réalité en transcendant les noms et les formes.
Comment l’hindouisme peut-il se diffuser? Quel est son message universel ?
Tant que l’hindouisme se basera sur la culture indienne, sa propagation sera limitée à la communauté de culture indienne. Heureusement que l’hindouisme n’est pas que religion, il est aussi et surtout « yoga » – et surtout jñâna yoga (le yoga de la connaissance). A ce niveau, il est universel et peut être reconnu comme universel car son nom sanskrit est Sanâtana Dharma (la Loi éternelle).
En quoi la musique peut-elle se lier à l’hindouisme?
Dans l’hindouisme, le Suprême est aussi conçu comme Nâda Brahma – le Son absolu. L’alphabet sanskrit se base sur le lieu de production des sons humains (gutturales, palatales, linguales, labiales, etc.) Tout comme la création des noms et des formes se fait dans le sans-forme, la manifestation des sons ne peut se faire sans le silence. Le vrai language de Dieu est le silence ! Les sons qui plaisent aux sens forment la musique. C’est la raison pour laquelle la déesse Sarasvati (Sara = essence, Sva = Soi) – celle qui est l’essence du Soi – est le symbole des arts donc de la musique.
La musique peut élever le mental dans des sphères les plus subtiles de la conscience. Elle devient alors Nâda yoga, le yoga du son !
Vous êtes favorable au respect des rituels sans sacrifice animal. Quelle est la place du bien être animal dans l’hindouisme?
L’hindouisme aime organiser. Ainsi, il y a un verset qui décrit les 9 étapes de la dévotion (l’écoute, le chant, le souvenir, le service des « pieds », l’offrande, la salutation, le service, l’amitié et le don de soi). Le plus grand sacrifice n’est pas de tuer un bouc émissaire mais de se sacrifier (pas physiquement) en offrant au Suprême ses actions, ses paroles et ses pensées.
La non-violence étant une des valeurs prônées par l’hindouisme, nous devons limiter au maximum de faire du mal à tout être (plantes, animaux, humains, etc.) Tous les dieux de l’hindouisme ont des « vâhanas » – véhicules – sous forme animale. Cela symbolise un aspect négatif de notre personnalité que nous devons sublimer en qualité spirituelle. Faire du mal à un animal c’est faire du mal au Divin.
Vous êtes membre du groupe inter-religieux à la Réunion. Comment s’organise le dialogue? L’île a-t-elle une particularité religieuse ?
Le dialogue inter-religieux à la Réunion n’a pu se faire que quand l’Eglise catholique a accepté qu’elle n’était pas la seule religion possible mais qu’il y avait d’autres voies permettant au fidèle de s’élever spirituellement. Notre dialogue vient surtout du fait que nous acceptons totalement l’autre et que l’autre nous accepte aussi totalement.
L’histoire coloniale de la Réunion a façonné notre présent – avec l’esclavage, l’engagisme et surtout le métissage. C’est sur ce socle que nous bâtissons le dialogue en mettant de côté les dogmes et rites et en nous concentrant sur les valeurs d’humanité et de fraternité. Nous avons de projets en commun – ce mois-ci, le symposium inter-religieux des Iles de l’océan Indien et la fête de la Fraternité.
Une autre originalité dans la commune du Port : les classes de ville. Les écoles primaires visitent l’église, la mosquée et l’ashram pour avoir un aperçu des différentes traditions religieuses sur la commune – sans prosélytisme aucun.
Quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui veulent pratiquer le yoga de façon spirituel?
Les mots ont chacun une ou plusieurs significations. Ainsi le mot « yoga » veut tout simplement dire « union ». Le yoga est avant tout spirituel. Il ne faut pas confondre les « âsanas ou postures » et yoga. Le yoga est un état d’être, c’est avec cet état de pleine conscience qu’une posture devient yoga – sinon, c’est de la gymnastique indienne !
Notre époque est pleine de pessimisme avec la crise économique et sociale, le terrorisme qui utilise la religion comme motif de violence. Que pouvez-vous dire à ceux qui désespèrent?
Jusqu’à récemment, le terrorisme était – en Occident – principalement politique (IRA, ETA, Armée Rouge, Action Directe, etc). Le conflit israélo-palestinien est une des sources du terrorisme se réclamant de l’Islam. Les dernières attaques terroristes en France ont eu pour conséquence un renforcement du lien entre les religions : des musulmans allant prier avec des chrétiens, des religieux chrétiens allant dans des mosquées. Et à la Réunion, une grande marche blanche partant de la mosquée de Saint Denis pour aller jusqu’à la cathédrale – cette procession étant menée par des religieux de toutes les traditions prônant la fraternité, le dialogue et le respect mutuel. Quel symbole de la force latente des religions !
Site du swami Advayananda: https://www.templeganesh.fr/Swami.htm