A l’été 1940, les militaires et civils français qui se trouvent en Grande-Bretagne y sont arrivés dans le désordre. Quelques milliers de jeunes refusant la défaite s’y réunissent et rejoignent les forces du Général De Gaulle. Henri Ecochard, 17 ans à l’époque, en fait partie et combattra en tant que soldat de la France libre jusqu’en 1945. Rencontre avec un Français libre.
Alors qu’une grande partie de la France avait été occupée, qu’est-ce qui pousse un jeune homme comme vous à s’engager dans l’armée ?
C’est le discours de Pétain, le 17 juin 1940, qui m’a décidé à continuer la guerre. J’ai été choqué dans mon village et les environs que tout le monde, jeunes et vieux, soient joyeux de la fin de la guerre alors que c’était le commencement de l’horreur nazie. Pétain, ce responsable, arrête les combats sans discuter, s’il avait été honnête il aurait du empêcher que nous, très faibles, déclarent la guerre pour la Pologne contre l’armée nazie toute puissante. Pétain demande l’arrêt des combats sans discuter.
J’avais 17 ans et je faisais de la boxe. Je ne posais pas mes gants tout de suite, je ne me rendais pas. Pétain a pactisé avec un gangster, Adolf Hitler.
Je me suis alors dit que mes professeurs, les hommes politiques, les fonctionnaires, ma famille m’avaient tous menti. Je ne voulais plus entendre parler de la France.
Pendant 2-3 jours, seul, je n’ai pas pensé au suicide. Quelque soit les circonstances, la nuit est exceptionnelle et j’ai réfléchi. Ce qui m’a sauvé le 21 juin à 20 h, c’était d’entendre à la radio Churchill qui promettait la pendaison d’Hitler.
J’ai alors pris mon vélo et je suis parti à La Rochelle. Tout le monde célébrait la fin des combats le 22 juin. J’étais traité comme un jeune galopin. Comme beaucoup d’autres français libres, j’étais un ancien scout. J’ai pris un bateau pour partir en Angleterre. A mon arrivée, les autorités m’ont envoyé en prison afin de m’interroger pour en savoir plus sur mon identité et mes motivations. Je n’avais qu’en ma possession une carte d’identité scolaire sans photo.
Relâché le 6 Juillet, j’ai croisé deux Bretons dans un boulevard de Londres. Ils m’ont dit qu’ils allaient rencontrer le général De Gaulle dans un hangar le lendemain. C’est là que j’ai rejoint la France libre.
Le 14 juillet, nous avons défilé devant le général De Gaulle. Puis, je suis parti dans un camp canadien au sud de l’Angleterre. Notre bataillon de chasseurs a été formé 2 mois plus tard.
C’était logique de résister pour ceux qui voulaient changer les choses. La mentalité de ceux qui voulaient résister dès 1940 était simple: Il y avait 2 choix: la liberté ou l’esclavage et nous pensions que nous ne verrions jamais la fin de la guerre de notre vivant.
Nous pensions que nous allions mourir mais au moins nous aurions été libres. Il s’agissait d’un suicide déguisé.
Voici l’état d’esprit des Français libres de 1940.
De Gaulle nous promettait de voyager beaucoup et de gagner la guerre. Nous pensions qu’il racontait des mensonges comme les hommes politiques. La situation ne nous faisait pas penser que la victoire était proche. En Juin 1941, la prophétie de De Gaulle s’est réalisée lorsqu’Hitler a envahi l’URSS, puis le Japon qui a attaqué les Etats-Unis. Après Bir Hakeim, nous avons revu De Gaulle et il nous disait qu’il connaissait par coeur chaque pays depuis leur création. Il est resté bref mais nous assurait qu’il savait ce qu’il faisait.
Je suis passé élève officier à Brazzaville en 1941. La bataille de Syrie se préparait donc nous avons été rassemblés. Nous étions en renfort. Sur les 4 000 Français libres qui ont participé à la campagne de Syrie, seuls 2 officiers ont refusé de combattre.
Damas, Homs, Alep, sont des villes que vous avez libéré. Que vous fait penser ce conflit aujourd’hui dans les mêmes villes?
Le premier responsable est Bachar Al Assad. Dans le Moyen Orient, les Français & les Anglais ont été des imbéciles depuis bien longtemps. Quand j’étais en Syrie, les Anglais voulaient évincer De Gaulle.
De nombreux déserteurs & volontaires ont rejoint les Forces Françaises Libres en Syrie, au Liban et en Afrique du Nord. Qu’est-ce que cela fait de s’être senti en minorité puis de gagner peu à peu en hommes & en opinion?
Nous avons été les premiers mais nous n’étions pas les meilleurs. 1940 est une année clef où les choix étaient minces. Il fallait être tué ou tuer.
1/3 des prisonniers vichyistes acceptaient la France Libre. Nous les avons accueillis
chaleureusement car ils venaient nous aider. 11 000 métropolitains, 11 000 français libres complètement libres. Tout le monde se tutoyaient quelque soit le grade.
Que retenez-vous des combats de Provence et de la montée du Rhône?
Il y avait beaucoup de pétainistes. Les civils nous disaient qu’on abîmait leurs champs. L’avance était rapide. On s’arrêtait lorsqu’il manquait de l’essence.
Nous étions des galopins de 18 à 23 ans sans argent, sans vacances, sans famille. Mais cela suffit pour s’entendre. J’ai eu deux vrais chefs sensationnels dans ma vie c’était De Gaulle et Leclerc.
Avez-vous été témoin du blanchiement des troupes françaises?
Cela a commencé en Afrique du Nord. Il fallait remplacer à cause de l’Hiver, De Gaulle voulait également incorporer le maximum de résistants dans nos rangs et les soldats américains souhaitaient le moins possible de soldats de couleurs.
Y’avait-il parfois des désaccords entre alliés?
En mai 1943, nous avons désobéit en Tunisie au général Giraud. Il ne voulait plus voir les Français libres en Afrique du Nord. Nous commencions nos bagages pour retourner en Libye.
Mais je me suis caché près de Sousse dans un oasis. La police militaire britannique nous a retrouvés deux trois jours plus tard mais nous ne voulions pas obéir à Giraud.
Ce fut la même chose au Sud de Stasbourg en décembre 1944 où nous avons résisté avec la 2ème Division Blindée. Nous ne pouvions reculer car si les Allemands revenaient, il y avait des représailles contre les civils.
Leclerc a reçu un ordre de De Lattre d’attaquer sur les rives de l’Ill mais a refusé et a même signé pour confirmer.
Après Strasbourg, en février, je suis parti dans les Alpes pour libérer deux ou trois communes que les Italiens avaient occupées.
Les Américains arrivaient de la plaine du Po mais il y avait des discordes avec nous les Français. L’état major ne voulait pas qu’on avance.
Vous êtes devenu également pilote…
En mars-avril 1943, le général Eisenhower proposa à Giraud d’appuyer son armée avec du matériel américain. Quand Giraud lut la liste, il ne comprit pas le terme de « piper cub » et refusa ces petits avions d’observation. Eisenhower a répondu: « A prendre ou à laisser » et Giraud dut finalement accepter.
J’étais pilote dans un piper cub. Nous étions 60. Beaucoup de pieds noirs qui voulaient s’engager dans la nouvelle armée avaient déjà des avions personnels donc ont été sélectionnés tout de suite. J’ai dit à un inspecteur américain que j’avais été dans l’aviation populaire en 1938 et il m’a cru sans chercher plus.
Nous faisions une heure le matin d’observation à 1 000 mètres et une heure l’après midi. S’il y avait un avion de chasse dans les 50 kilomètres, nous devions nous poser. Je pouvais observer des colonnes de chars sur les routes.
Après tant d’années de combat, la guerre s’est terminée. Que pensiez-vous sur cette fin de conflit?
J’étais à Nice le 8 mai 1945. J’ai demandé à quitter l’armée tout de suite.
J’ai embrassé mes parents puis j’ai repris une vie de civil.
Qu’est ce que la guerre a changé en vous?
J’ai vu la valeur de chef. Les deux grands patrons que j’ai eu étaient De Gaulle et Leclerc et depuis je n’ai eu que des nuls.
J’ai eu une expérience parfaite avec des copains libres.