« Là encore se tapira Lilith, elle trouvera le repos ». Ainsi présente la Bible de Jérusalem la première femme d’Adam, figure démoniaque car créée par de l’argile et non d’une côte de son époux comme Eve. Pour les féministes, c’est aussi une femme libre. Margaux Pastor a choisi d’utiliser ce pseudonyme pour présenter son oeuvre photographique du boudoir. Rencontre.
– Qui étais-tu avant d’être photographe?
J’adorais dessiner, écrire, être spectatrice au théâtre, à l’opéra,… mais une carrière artistique ne me semblait pas un métier d’avenir. Cela m’était souvent présenté comme une voie de garage. Je mettais donc mes rêves de côté.
Après des études à Sciences po spécialité Union européenne, j’ai mis du temps à trouver ma voie. Je n’étais pas passionnée par mon cursus mais cela m’a appris à structurer ma pensée. A la fin de mes études, je n’arrivais pas à trouver d’emploi, je suis arrivée à Paris avec pour seules ressources le RSA. Pendant des mois, je ne savais plus quoi faire de ma vie. J’ai
enchaîné les petits boulots mais moralement j’étais au plus bas. Fin 2013, j’ai gagné un concours de photo. Une petite bonne nouvelle! Mon compagnon et ma mère m’ont alors encouragée à approfondir dans ce domaine. Ils m’ont offert un appareil photo et des cours. Mes professeurs aimaient mon travail. Avec le statut d’auto entrepreneure, j’ai décidé de me lancer. Je ne connaissais personne, j’ai crée mon propre site internet, un book tout en militant dans le milieu féministe. J’ai notamment réalisé une série de photos sur les 40 ans de l’IVG. Motivé, on peut faire beaucoup de choses et la photographie m’a sauvée. Je travaille essentiellement pour des mariages ou des portraits. Même si certaines femmes me payent, je fais surtout des photos boudoir pour le plaisir.
– Quel appareil photo tu utilises principalement?
Nikon D750 avec des objectifs tels que du 50 mm, 300 mm, 35 mm. Je retouche très peu les photos.
– Pourquoi avoir choisi le nom de Lilith?
C’est un choix feministe. Lilith est le personnage le plus intéressant, celle qui n’a pas voulu se soumettre. Je ne la vois pas comme démoniaque mais comme le symbole de la femme qui s’assume.
– Qu’apporte selon toi la photographique érotique féminin? Le bain, la douche, les tatouages reviennent souvent dans ton travail. Le sujet principal est-il l’intimité?
Oui. Ce genre photographique vient des Etats-Unis et est appelé l’Intimate lifestyle. C’est simple et non vulgaire.
J’aime les personnes qui arrivent à exprimer leurs émotions (regards, rires). Je n’aime pas la pose et tente de capturer le naturel. Avant chaque session, j’ai de longues conversations avec mon modèle, je suis toujours claire et je ne les trahis pas.
J’ai une amie qui était boulimique/anorexique. Le tatouage lui a permis de s’embellir, de se réapproprier son corps. Il est une volonté, un choix, un geste libre.
Le corps s’exprime et j’aime ses beautés. Mes modèles veulent avant-tout ces photos pour elles et seulement pour elles.
– Comment choisis-tu tes modèles?
Je suis d’un milieu assez pudique donc je recherche des volontaires sur les réseaux sociaux. J’ai aussi des amies féministes. J’explique la mise en scène, elles savent que c’est parfois du nu ou de la lingerie.
– Ton actualité? Des projets?
Je me concentre davantage sur le travail qui me fait vivre : la photographie de mariage. J’ai commencé également un projet qui me tient à cœur : l’Euro Feministour. Je voyage en Europe à la rencontre des féministes. J’ai déjà été en Grande-Bretagne (où j’ai été invitée à parler de mon travail au lycée français de Londres), en Italie et en Grèce. Je souhaite partir prochainement en Espagne.
Je pense aussi réaliser un tryptique en lien avec les tableaux du Caravage. Je veux les lier avec une certaine modernité et parler des inégalités femmes/hommes. La lumière m’inspire.
– Un conseil pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans la photographie?
Ne jamais rien lâcher. J’ai tout fait toute seule. Il est très difficile de se faire connaître. Je suis impatiente, ce qui est source d’angoisse dans ce métier où tu apprends tous les jours. Il faut arriver à tenir lorsqu’il n’y a plus de demandes. L’organisation permet de mieux gérer son stress.
Site de Margaux Pastor: https://www.margaux-pastor.com/