Actuellement au théâtre de la Scala de Paris jusqu’au 29 décembre 2024, Sam Karmann raconte dans « Tant pis c’est moi » la vie tumultueuse de sa mère, Colette, et se souvient de son enfance et de ses débuts d’acteur. Trieste, Port Saïd, Paris,… Les lieux se succèdent sur la petite scène et tout au long du spectacle, un personnage gravite : Il s’agit du médecin Karmann dit Pouldy. Qui est cette mystérieuse figure au chapeau Borsalino ?
Au-delà de l’histoire « Tant pis c’est moi », Sam Karmann livre une performance rare puisqu’il s’interroge sur la notion même de jouer une autobiographie. Je est vraiment un autre.
Entretien avec Sam Karmann.
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Vous avez écrit « Tant pis c’est moi » avec Denis Lachaud. Un duo était nécessaire car le sujet étant trop personnel ?
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Exactement. Denis était la plume et moi j’étais la matière. Je jouais devant lui, il m’écoutait et m’enregistrait au magnétophone. C’était comme un ruissellement d’informations. Nous avons pu ainsi construire la narration de la pièce.
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Le décès de votre mère, Colette, a-t-il été l’élément déclencheur de cette pièce ?
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Oui et non. J’ai toujours eu envie de réaliser un film sur la vie de ma mère. Le projet était trop ambitieux pour que les producteurs puissent me suivre. Il aurait fallu que l’équipe de tournage se rende en Italie ou en Egypte. De plus, le film aurait été un film d’époque avec la montée du fascisme, l’Exode,… A l’époque, les plateformes avec des mini-séries n’existaient pas. J’ai donc renoncé au projet.
Cependant, je ne voulais pas abandonner l’idée de raconter la vie romanesque de ma mère. A sa mort en 2020, le deuil et la tristesse passés, j’ai décidé de faire le contraire d’un projet qui coûte cher : une pièce de théâtre où je suis le seul sur scène.
En travaillant, Denis m’a dit que l’histoire ne devait pas uniquement se concentrer sur ma mère. J’avais moi aussi des choses à raconter. C’était pour moi l’occasion d’expliquer pourquoi j’avais le désir de devenir acteur.
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Pouldy Karmann, le second compagnon de Colette, est-il un personnage principal caché ?
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En 1959, il est officiellement le compagnon de ma mère. En 1968, Pouldy meurt. Pendant 9 ans, il doit gagner de l’argent pour faire vivre une famille, ma mère et ses enfants, qui originellement n’est pas la sienne. Médecin, le docteur Karmann était reconnu et avait un côté charmeur.
A l’instar de Colette, Pouldy avait un grand sens de responsabilité. Emporté par la maladie, il disparaît à l’âge de 64 ans et ne peut me dire qu’il est mon vrai père.
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« Tant pis c’est moi » demande-t-il une élocution particulière ?
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J’ai joué la pièce tous les jours au mois de juillet à Avignon parce que je la créais en même temps. Pendant ces 21 fois, j’améliorais « Tant pis c’est moi ». Même si j’ai encore fait quelques coupes la semaine dernière, le spectacle est à présent en place.
Je joue la pièce au théâtre La Scala jusque fin décembre. Chaque soir, je jette les dés – le spectacle vivant n’est jamais parfait. C’est un exercice qui demande beaucoup d’attention.
Je pense que « Tant pis c’est moi » aura encore de l’avenir mais il est vrai que j’alterne joie de la jouer et émotions car je parle de celles et ceux que j’ai aimés.
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Vous racontez uniquement une partie de votre vie que le grand public ne connaît pas.
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Le titre « Tant pis c’est moi » fait écho à un enregistrement vocal de la pièce « Ruy Blas » à Carcassonne en 1983. Je joue alors Dom César, le rôle fondateur de ma carrière.
La pièce de théâtre ne dresse pas de bilan. Grâce à l’écriture solide et moderne de Denis Lacheau, « Tant pis c’est moi » me permet d’incarner un personnage, Sam Karmann. Je connais bien ce dernier puisque c’est moi mais ce n’est pas moi qui ai écrit la pièce. Je fais donc mon travail d’acteur.
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Votre famille, dont vos sœurs, a-t-elle vu la pièce ?
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Oui mais malheureusement, je savais que mes proches étaient dans le public. J’avais conscience qu’ils me regardaient et cela m’a perturbé.
Certains amis viennent également me voir.
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Photo de couverture : © Brieuc CUDENNEC
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Pour commander en ligne le texte intégral de la pièce : Tant pis c’est moi