Au détour d’un regard, vous avez probablement pu apercevoir des silhouettes colorées accolées aux plaques de rue. Animaux, personnages iconiques, fruits voire objets en tout genre. Elles sont l’œuvre de MifaMosa.
Toujours entouré, l’artiste a sillonné la France mais également les pays périphériques avec ses mosaïques street art. MifaMosa fait référence à notre passé, à notre culture (pop) ou tout simplement à notre imaginaire. L’art valorise l’espace public – Avec MifaMosa, il lui rend hommage.
Entretien (familier).
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MifaMosa – est-ce avant tout une histoire de famille ?
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Une belle histoire de famille saupoudrée de pas mal de créativité. Tout au long de ma jeunesse, j’ai bénéficié d’une éducation artistique.
Dès le départ, j’ai voulu construire un vrai projet qui allait plus loin que le simple fait de s’exprimer dans la rue. C’était très personnel puisque la première idée était de faire sourire ma grand-mère – même si elle a mis longtemps à apercevoir mes œuvres. Elle n’est finalement au courant du projet que depuis peu.
La signature même de MifaMosa rappelle ce lien famille : il s’agit de trois petits points qui représentent ma mère, ma sœur et moi. En effet, elles soutiennent mon projet. Cependant, toute ma famille n’est pas au courant de mon travail artistique.
D’ailleurs, je ne pose jamais seul. Je suis toujours accompagné d’amis que j’appelle mes acolytes. C’est une force de construire le projet soutenu par un collectif.
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A quoi ressemblaient vos premières mosaïques ?
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La première représente l’Afrique et a été posée sur la plaque « rue des Africains » à Orléans. J’ai eu la chance de passer un peu de temps au Mali, et ce fut de loin mon plus beau voyage. Je voulais leur faire une dédicace.
Les œuvres du début sont certes moins élaborées que celles que je réalise aujourd’hui mais s’inscrivent bien dans un parcours artistique. Je les regarde toujours avec un certain plaisir, et je suis plutôt fier de ma progression depuis.
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Les mosaïques sont-elles des accompagnants aux plaques de rues ou sont-elles des œuvres d’art à part entière ?
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Je pense que mes mosaïques sont des œuvres d’art à part entière. Elles commencent leur vie sans la plaque de rue car elles reposent en premier lieu sur le parquet de mon salon. La pose est ensuite nécessaire, les œuvres prennent vie avec leurs plaques de rue.
J’expose également mon travail dans des galeries d’art (j’en profite pour glisser un clin d’œil à mon galeriste, Eric de chez ERBK gallery). J’incorpore régulièrement la plaque de rue pour que l’histoire de l’œuvre soit complète pour les acheteurs. Je n’ai pas envie de dissocier les deux.
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L’humour est présent dans vos œuvres. Est-ce une envie de faire sourire le passant ?
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Oui, cela fait toujours plaisir de donner le sourire aux gens. J’ai sous-estimé cette possibilité au départ, mais maintenant avec les retours des réseaux, j’ai plus confiance en ce sourire que je peux poser sur certains visages.
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L’idée de la mosaïque additionnée à une plaque de rue prend-elle du temps ?
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C’est intuitif. L’esprit « clin d’œil » doit être compris par le plus de monde possible et le plus rapidement possible. Ce n’est pas mon leitmotiv de faire des pièces trop complexes. En revanche, si l’architecture et la plaque de rue me le permettre, cela reste de beaux cadeaux à saisir. Par exemple, pour la rue des Moulins à Toulouse, j’ai reproduit un tableau de Pablo Picasso, « Don Quichotte », qui possède des moulins en fond. Il a été naturel pour moi de penser à ce tableau, car il a bercé mon enfance chez ma mère. Certains amis m’ont fait remarquer que cette référence n’était pas si évidente.
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Avez-vous connu des moments insolites ?
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Chaque session de pose a son histoire. A Tours, à 5 heures du matin, j’installai la pièce pour la rue du Commerce et je me retourne. Un homme déguisé en lapin me fixait. Il tentait de me parler mais avait des difficultés. Le lapin devait être ivre (rires).
Une autre fois, après un partenariat avec l’école de Bonny, nous avons réalisé une mosaïque en bouquet de fleurs, pour la rue Fleurie. Voyant une plaque de rue à proximité plus intéressante, je décide de changer de lieu de pose. Une maison avait dans son jardin une grande quantité de fleurs. Pour la première fois de ma vie, j’ai frappé à la porte de cette maison afin de demander l’autorisation de poser l’œuvre. Un vieux monsieur ouvre et me dit qu’il n’aime pas l’idée. Ce jour là, j’étais accompagné d’Arlette, une ancienne de l’équipe pédagogique de l’école, qui a réussit à le convaincre. Je pose la mosaïque de fleurs sur le mur extérieur du vieux monsieur. Celui-ci m’informe alors qu’il s’agit des un an du décès de son épouse. C’est pour cette raison qu’il avait mis autant de fleurs chez lui. J’étais très ému, et j’en garde encore un souvenir singulier.
A Lyon, la BAC a cru que nous volions notre propre véhicule… Avec mon acolyte, nous allions poser une pièce en essayant d’être le plus discret possible. Nous sortions le matériel de notre voiture, quand un véhicule ralenti près de nous. Méfiant, nous remettons toutes les affaires dans la voiture. La vitre se baisse, et les hommes nous annoncent qu’ils sont de la BAC, et nous demande de manière insistante ce que nous faisons, et à qui est le véhicule. Il a fallu que mon ami montre la clef du notre voiture pour que, se sentant penauds, ils s’excusent et partent, nous laissant tranquillement la possibilité de continuer notre pose illégale.
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Avec Instagram, vous pouvez continuer à avoir des nouvelles de vos mosaïques. Y’a-t-il des œuvres cachées ?
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Non, elles ne sont pas cachées. En revanche, certaines sont plus éloignées du centre ou dans des petits villages, ce qui implique que j’ai peu moins de retours. Très prochainement, mon site sera accessible et l’intégralité des rues illustrées seront dévoilées.
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Lily Collins (actrice de la série américaine Emily in Paris) a posté une photo sur Instagram de votre mosaïque Rue du dragon à Paris. Avez-vous eu des échos suite à cela ?
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Oui la photo a reçu plus d’une centaine de milliers de likes mais mon nom n’ayant pas été inclus dans son post, cela n’a pas changé grand-chose finalement.
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En 2022, une de vos mosaïques a dû être retirée par les autorités suisses à Genève rue Saint-Ours. Est-ce que ce fut une déception ?
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J’ai surtout pris conscience que les conséquences de cette pose illégale en Suisse pouvaient être couteuses, bien plus qu’en France. Je n’ai pas été déçu mais calmé. Pour l’instant, seulement deux mosaïques ont été retirées. Il en reste 6 à Genève. Pourvu que cela dure…
Contrairement au post de Lily Collins, cette affaire m’a permis d’être plus connu sur les réseaux sociaux et d’être soutenu. Je me suis brusquement retrouvé dans un buzz médiatique en Suisse pour un ours avec une auréole.
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Plus de 342 mosaïques ont été posées. Votre travail vous fait voyager ?
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Je suis quelqu’un de très casanier et pourtant je voyage beaucoup pour la mosaïque effectivement. J’ai parfois des commandes publiques (écoles, institut pour personnes malentendantes, Musée de l’imprimerie à Lyon…). Mais la plupart du temps, j’accompagne mon acolyte pendant ses déplacements professionnels, et nous illustrons de nouvelles villes ensemble.
En revanche, quand je pars en vacances, j’ai finalement peu de carreaux de mosaïques qui m’accompagnent.
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Jusqu’où cela va aller ?
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J’ai eu à un moment l’envie d’illustrer tous les chefs-lieux de France, ce qui est un travail considérable. Depuis, j’ai revue ma copie, et je pense plutôt illustrer chaque département de France, me laissant la possibilité de ne pas m’astreindre aux chefs-lieux si les plaques de rues ou l’architecture ne m’inspire pas. C’est comme ça que j’ai illustré Dole, et non pas Lons-le-Saugnier pour le Jura (je pense quand même à vous les lédonien.nes).
La ville d’Orléans continue de m’inspirer. Quelques plaques de rues auront encore leur mosaïque.
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Quels sont vos projets ?
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Je prépare un solo show courant septembre prochain à Paris chez ERBK gallery, et un autre à Chartres en 2024, peut être même quelque chose à Orléans. Autrement, je sors d’une pause qui m’a permis de prendre du recul sur mon travail. J’espère également sortir un livre.
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