L’Église orthodoxe est l’une des trois expressions majeures du christianisme. Majoritaire dans les pays slaves et en Grèce, elle reste pourtant mal connue en Occident. Le schisme d’Orient de 1054 a laissé de profondes marques puisque, du à de profonds désaccords, les Églises de Rome et de Constantinople se sont mutuellement excommuniées.
La rencontre en 2016 entre le Pape François et le Patriarche de l’Église orthodoxe russe Kirill fut même jugée historique puisque jamais une telle rencontre n’avait pu se faire.
Pour nous éclairer sur les bases de l’Église orthodoxe (et de son actualité), nous avons rencontré l’archiprêtre Andriy Svynarov à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de Paris.
L’Église orthodoxe reste-elle la maison commune de tous les Chrétiens ?
Tout à fait. Dans le Symbole de la Foi, le Crédo, il y a 4 caractéristiques de l’Église du Christ : Elle est à la fois une, sainte, catholique et apostolique.
Lorsqu’on emploie le terme de « catholique », on veut dire que l’Église est universelle et c’est encore plus que ça: elle est en effet ouverte dans le but d’accueillir tout le monde et pour réunir toute la Création autour du Christ.
Cette catholicité de l’Église permet ainsi aux orthodoxes d’être ouverts au monde où ils vivent.
L’icône est un élément phare de l’Église orthodoxe. Elle est également présente dans les foyers des croyants. Quelle est la principale force de cet art liturgique ?
L’art liturgique fait partie de notre quotidien que ce soit à l’intérieur ou hors de l’église.
La présence d’une icône est en fait une confession de notre foi chrétienne orthodoxe. Il s’agit d’un témoignage de Vérité. Dans l’icône, Dieu est représenté dans sa nature humaine. Il est devenu visible et ainsi il est devenu Homme pour que l’homme devienne à son tour Dieu.
C’est la doctrine principale de l’Église chrétienne (la théosis (divinisation ou déification) est l’appel de l’homme à rechercher le salut par l’union avec Dieu). Nous participons de cette manière au Salut.
Saint Luc évangéliste, selon la tradition de l’Église, a lui-même réalisé l’icône représentant la Vierge et nous nous efforçons de garder cette tradition retrouvée dans les catacombes de Rome.
Mais la présence d’une icône n’est pas seulement le fait d’une tradition, c’est aussi une confession. L’icône n’est pas peinte, elle est pour nous écrite car c’est un message évangélique. Nous vénérons l’image sacrée.
Pour Père Paul Florensky, l’icône est une fenêtre vers le monde invisible et spirituel. Par l’image sacrée, il y a une communication entre notre monde et le monde divin.
Quel est le rôle de la lumière dans la religion orthodoxe et en particulier à Pâques ?
Saint Épiphane de Chypre, évêque chrétien du IVème siècle, disait que la nuit de Pâques est la nuit la plus joyeuse et la plus lumineuse de l’année. Nous commençons la célébration pascale par la procession. Avec les cierges allumés, les croyants font le tour de l’église tout en portant la lumière.
Dans l’Église primitive, le jour de Pâques était le moment de baptême. Un cierge était donné afin de souligner que le nouveau Chrétien était à présent porteur de la lumière divine au sein de ce monde.
La chute de l’Union soviétique le 25 décembre 1991 fut un moment de libération pour tous les peuples concernés (Russie, Ukraine, Biélorussie, pays baltes,…). Quelle fut la réaction de tous les orthodoxes russophones dans le monde entier ?
C’est une période que je connais bien car j’ai été baptisé à l’âge de 16 ans. C’était mon choix et je pense que la chute de l’Union soviétique fut une bonne chose pour l’Église. Enfin, elle n’était plus persécutée et ce fut un des plus grands moments de l’histoire de l’Église orthodoxe russe. Il s’agit même de renaissance car l’Église a été affaiblie par le régime communiste.
Les Russes réfugiés en France à l’époque m’ont même raconté leur joie. Ce n’était pas le fait d’apprendre la chute de l’URSS mais d’apprendre que l’Église orthodoxe était devenue libre. Même en émigration, nous restons liés à notre patrie spirituelle – la Russie.
Comment l’Église orthodoxe arrive à répondre à ses fidèles vivant dans un monde en changement constant et de moins en moins traditionnel ?
Nous sommes en France, pays de tradition catholique et pays qui promulgue les principes de la laïcité. Ainsi, les différentes religions ont la garanti d’être protégées et respectées.
L’Orthodoxie en France est représentée par les différents courants d’immigration russe, ukrainien, grec, serbe, bulgare, géorgien, arabe ou encore roumaine. Chaque paroisse orthodoxe a ses principes et ses traditions mais chaque croyant doit savoir que nous avons été envoyés dans ce monde mais que nous ne sommes pas originaires de ce monde. Le nôtre est ailleurs – c’est le Royaume de Dieu et c’est là que nous devons aller. De plus, l’université de la langue slave a facilité l’accueil de beaucoup de nationalités d’origine slave.
L’Église orthodoxe a la mission de proclamer et d’acclamer la vérité de Dieu. Par conséquent, nous accueillons tout le monde. Ici, à la Cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de Paris, nous avons deux communautés : la paroisse russophone et la paroisse francophone (fondée par les descendants de l’émigration blanche russe qui préfèrent priés et se confessés avec leur langue maternelle- le Français).
Que pensez-vous de l’Église orthodoxe indépendante de la tutelle religieuse de l’Église orthodoxe russe ?
C’est une question délicate pour toute l’Orthodoxie. Je pense que créer une Église locale est naturelle. La diversité fonctionne dans la communion et la nature de l’Église est et doit être libre. Nous parlons ici de juridiction liée à un centre spirituel.
Cependant, cette initiative patriarcale de Constantinople n’a pas encore été acceptée par le Patriarcat de Moscou ou l’Église orthodoxe de Pologne. Le patriarche Bartholomée a au départ tenté de guérir la situation religieuse de l’Ukraine puisqu’il y avait deux églises schismatiques depuis la chute de l’URSS. Cependant, je ne sais pas s’il a réussi…
Le 27 novembre 2018, le Saint Synode du Patriarcat œcuménique de Constantinople a annoncé la dissolution de l’archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale en abrogeant le tomos patriarcal de 1999 au profit de l’autorité du Métropolite grec Emmanuel Adamakis. L’archevêché a refusé cette auto-dissolution. L’autonomie est-elle l’identité même de l’archevêché ?
Nous acceptons la décision du 27 novembre 2018 de dissoudre l’exarchat patriarcal. Mais nous n’acceptons pas la proposition du Saint-Synode de dissolution en tant qu’un diocèse car notre archevêché est le plus ancien d’Europe occidentale. Notre but n’est pas d’être autonome dans le sens de s’isoler. Nous devons garder ce lien naturel et historique entre notre archevêché crée par l’émigration des Russes blancs et l’Église russe en gardant l’unité avec toute la plénitude de l’Orthodoxie du monde entier.
Avec l’aide de Dieu, nous pourrons trouver une meilleure solution pour l’avenir de notre archevêché.
Le site de la Cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de Paris : http://www.cathedrale-orthodoxe.com/