Fascinante, puissante et parfois même redoutée, l’hypnose se décline sous plusieurs approches, allant du spectacle à la thérapie, aux résultats étonnants et bien réels. Alors qu’elle reste encore énigmatique pour une majorité de personnes, l’hypnose est de plus en plus pratiquée comme alternative aux thérapies classiques ou à certains traitements psycho-médicamenteux. Elle nous emmène à la découverte de l’inconscient, part émotionnelle et symbolique de chaque être, afin de percer les mystères de son Moi profond et donner du sens à ses maux. Guillaume Bertrand, praticien en hypnose classique et ericksonienne, nous donne des pistes pour mieux comprendre cet art de la suggestion, de la parole et de la fascination.
Comment avez-vous connu l’hypnose ?
Après des études de cinéma, j’ai crée une société de production audiovisuelle, où j’ai pu réalisé plusieurs courts-métrages et spectacles historiques. Parallèlement, je travaille pour Disneyland Paris, au département Spectacles. Dans les deux cas, nous sommes amenés à créer des univers parallèles, à faire rêver le public, à lui créer des réalités alternatives en activant des émotions fortes et des réactions inconscientes.
Passionné depuis longtemps par l’ésotérisme et les légendes anciennes, j’ai croisé lors d’une soirée, un hypnotiseur de rue. La magie opérait devant mes yeux, pour la première fois sans artifices. Ce fut une révélation pour moi. Pendant des jours, je me suis enfermé chez moi à lire tout ce que je pouvais sur le sujet et à voir ce qui existait déjà. Mais très vite j’ai senti qu’il fallait que je mette en pratique cette théorie. Alors, je suis allé à Beaubourg, quartier de Paris où les « street hypnotiseurs » ont l’habitude de se réunir. J’ai tenté sur une volontaire inconnue et dès la première tentative, la personne est tombée en transe profonde et j’ai pu testé plusieurs phénomènes hypnotiques comme l’amnésie de prénom, la catalepsie de membres et même les hallucinations visuelles. Ce fut ma première expérience d’hypnose flash, qui m’a tellement marqué que j’y suis retourné tous les jours, et j’ai passé tout mon été à pratiquer sur des inconnus volontaires, échanger avec d’autres hypnotiseurs de rue et faire grandir ma pratique.
Au bout de quatre mois, on m’a proposé de me produire dans un petit cabaret parisien. La première fut complète et j’ai dû enchaîner avec une deuxième représentation. Après cela, je me produisais au Cabaret du Néant, tous les mois. Au bout d’un an, j’ai senti qu’il me manquait quelque chose dans l’approche de l’hypnose, l’approche thérapeutique, à laquelle je me suis formé depuis et me forme toujours.
« L’hypnose est un état de rêve que nous vivons tous une dizaine de fois par jour ». Comment peut-on comprendre cette formule ?
Il faut entendre par état de rêve, un état modifié de conscience (EMC), en opposition à un état ordinaire de conscience (EOC). Tous les jours naturellement nous sommes absorbés dans nos pensées, dans la lune, en train de « bugger » sur un point. Parfois nous cherchons nos clefs alors qu’elles sont dans nos mains, ou ressentons ces sensations de vivre un film ou un livre comme si nous y étions. Ce sont des moments où notre inconscient s’exprime davantage. L’inconscient pourrait se résumer grossièrement comme notre part émotionnelle, instinctive et symbolique.
L’hypnose est en réalité un art, un outil ou un chemin qui nous amène plus rapidement dans un état à la rencontre de notre inconscient, relâchant le mental, le facteur logique, critique et analytique, nous poussant davantage au ressenti qu’à l’intellectualisation. Que nous le voulions ou non, nous sommes tous mûs d’abord par nos émotions et des réactions impulsives et inconscientes. L’hypnose peut se voir comme une façon de communiquer avec les autres et avec soi-même, d’agir sur ses émotions, ses capacités, ses ressources, et même ses croyances.
Comment expliquer que tout le monde ne soit pas réceptif à l’hypnose ?
Tous les humains, et même les animaux sont réceptifs à l’hypnose ou à des phénomènes hypnotiques. Ce qui va varier, sans que nous en ayons actuellement l’explication précise, c’est la réceptivité, son intensité et sa rapidité. Par exemple, tout le monde n’est pas réceptif à l’hypnose de spectacle en l’occurrence. Une telle
hypnose, environ 25% de la population y est sensible, on les appelle les « ultra réceptifs », ceux-ci sont choisis soigneusement par l’hypnotiseur au début du spectacle, par des tests de réceptivité. Ces sujets devront être parfaitement réceptifs aux suggestions directes et aux phénomènes hypnotiques (exemple : les doigts collés ou une catalepsie de bras) pour assurer un bon spectacle. Il n’y a pas de complices dans les spectacles d’hypnose, la qualité première d’un hypnotiseur de spectacle c’est la sélection des sujets ultra réceptifs. L’ultra réceptivité ne dépend pas de l’intelligence ou de la force mentale, ce sont des sensibilités comme les goûts, les couleurs, les sensibilités au soleil, aux ondes ou au pollen.
Quant aux autres, ils peuvent vivre un état d’hypnose mais dans d’autres conditions, ou avec d’autres approches, comme cela peut être le cas en cabinet, avec une approche d’hypnose ericksonienne, l’approche thérapeutique créée par le psychiatre américain Milton Erickson dans les années 1960 avec le succès qu’on lui connaît aujourd’hui. Loin des effets de scène, et de la fascination crée par l’hypnotiseur, l’hypnose ericksonienne se fait essentiellement dans la parole, la communication avec le sujet, et se positionne comme l’accompagnement du sujet dans sa propre transe, guidé par la voix du thérapeute.
Si l’hypnose n’a pas encore de reconnaissance officielle en France, cela n’empêche pas de nombreuses recherches scientifiques, et son utilisation est de plus en plus fréquente en milieu hospitalier et dans de nombreux institut de formations. A mon sens, le problème de reconnaissance vient de l’impossibilité de créer une méthodologie universitaire, cette pratique étant différente face à chaque sujet et à chaque séance.
Qu’a apporté le médecin autrichien Franz Anton Mesmer ?
Mesmer est contemporain de la fin du XVIIIème siècle. Il affirme l’existence du « magnétisme animal », un fluide qui circulerait entre chaque homme, chaque animal, chaque chose sur lequel on pourrait agir, principalement à l’aider d’aimants et toutes sortes d’artifices parfois excentriques. Sans le savoir, il va devenir le point de départ de l’approche moderne de l’hypnose. D’ailleurs en anglais « to mesmerize » veut dire hypnotiser, fasciner. Ce qui est intéressant c’est que Mesmer va être à la fois médecin reconnu et charlatan conspué, rationaliste et intuitif et se nourrir dans les connaissances à la fois modernes, ésotériques ou spirituelles. Ces séances thérapeutiques ressemblaient à des spectacles pour bourgeois effarouchés mais de nombreuses guérisons étaient bien réelles ! Ses livres inspireront jusqu’à Freud, Jung ou Erickson. Il nourrira également l’imaginaire du XIXème (Honoré de Balzac, Allan Kardec, Bram Stocker, Alexandre Dumas et tout ce siècle occultiste) qui créeront les croyances populaires encore d’actualité aujourd’hui à propos de l’hypnose.
Dans quel cas peut-on aller voir un hypnothérapeute ?
L’hypnose thérapeutique permet d’être accompagné dans un processus de changement et de résolutions de troubles psycho-émotionnels. Cela va des névroses aux addictions, les problèmes de concentration, de stress ou de motivation. L’accompagnement peut également se faire dans les problématiques de deuil, celles du trouble du comportement alimentaire ou encore les troubles du sommeil. En fait, tout ce qui est en lien avec l’esprit, l’inconscient, qui va parfois nous faire psychosomatiser. L’hypnose permet aussi d’agir sur la douleur et canaliser celle-ci.
Est-ce que l’hypnose peut soigner ce que les autres médecines ne peuvent soigner ?
Parfois, oui. L’hypnose se révèle plus immédiate dans certains cas ou chez certains sujets que les traitementsde la médecine traditionnelle, ou tout du moins les rendent plus efficaces ou plus rapides. Ce qui ne veut pas dire qu’une hypnothérapie s’affranchit d’un suivi médical. C’est à mon sens, l’autre approche qu’il nous manque dans la médecine occidentale. Celle qui ne fait presque pas de place à l’esprit, l’émotion et l’inconscient. Dans le cas du psoriasis, quasiment tout les sujets touchés ont d’abord consulté médecins et dermatologues sans succès, la solution est ailleurs.
Dans les cas de boulimie, par exemple, il est capital de faire un travail émotionnel en profondeur, à côté d’un suivi médical et nutritif. Ma première cliente devait aller en hôpital psychiatrique, au moment où je la rencontre. Ses thérapeutes précédant n’avaient plus que cela à proposer au bout de 8 ans de thérapie. Nous avons fait une séance par mois pendant 6 mois, elle n’est jamais allée en HP. Elle n’est pas guérit totalement, mais a repris confiance en elle, contrôle mieux ses crises et réintègre certains aliments dans son régime. J’ai aussi cet exemple récent où une jeune femme dépressive depuis dix ans se mutilait quotidiennement en se frappant. Suivie par psychanalystes et psys, elle était sous traitement médicamenteux. Une séance d’hypnose, avec un protocole fort, et nous sommes allés la faire converser avec son enfant intérieur carencé en amour, la résonance qui la faisait toujours souffrir aujourd’hui. Après la séance elle a complètement arrêté de se faire souffrir.
Je suis pour une réconciliation des approches et des pratiques. Que l’on remette du spirituel dans le matériel, et que l’on réhabilite l’importance de l’âme et de l’esprit. Nous vivons dans un pays qui consomme le plus de médicaments, particulièrement antidépressifs. Nous avons oublié le sens des choses, de notre existence et de nos souffrances et notre capacité de résilience. Les gens attendent de la magie, et moi je l’entends comme « l’âme agit ».
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