Fruit de rituels de conservation ou fait naturel, les momies existent dans de nombreuses civilisations et cela depuis des millénaires. De Ötzi, mort il y a plus de 5 000 ans, aux pharaons jusqu’à Lénine, la momie se conserve et reste un miroir de sa société.
Roger Lichtenberg, radiologiste qui a fait partie de l’équipe qui a étudié la momie de Ramsès II nous en dit plus sur ces êtes vivants qui ne veulent pas disparaître.
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En quoi était-il important en Egypte ancienne de conserver les corps et à quel moment, les rituels d’embaumement ont-ils été interrompus?
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Comme pour tous les êtres humains, la mort a toujours été un événement triste et redouté. Bien sûr, l’idée d’une vie se prolongeant après la mort a rapidement germé dans nombre de civilisations. Pour certaines, ce désir d’éternité impliquait la conservation du corps, ce qui a conduit à développer certaines techniques de conservation du corps que l’on peut globalement appeler « la momification ».
Les Egyptiens, très tôt ont cherché à développer des techniques complexes assurant la
conservation du corps. Cette idée leur est sans doute venue de constater la réapparition de corps spontanément momifiés à l’occasion d’une mort fortuite dans le désert ou encore l’exhumation de corps enterrés dans le sable et exhumés par des animaux ou encore des voleurs à la recherche de bijoux…
L’interruption de la momification est la conséquence de la mort lente de la religion égyptienne aux premiers siècles de notre ère. Le christianisme n’a pas condamné la momification dans les premiers siècles : nous avons fouillé un cimetière paléochrétien près de Kharga en Egypte et avons trouvé des momies préparées intentionnellement.
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Pourquoi les animaux domestiques et sauvages ont-ils également été momifiés?
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La question des momies animales est plus complexe et non univoque : par exemple le taureau Apis, représentation du dieu vivant, était momifié (à grands frais) à sa mort. De même, le bélier, une des représentations du dieu Amon était momifié. On a trouvé à Elephantine le cimetière des momies de bélier. Ou encore les momies de singes représentant le dieu Thot, le dieu du savoir.
La démarche concernant les animaux « sacralisés » est différente : il s’agit des chiens, chats, ibis, pour ne citer que les plus fréquents qui étaient momifiés en très grand nombre et destinés à être vendus aux pèlerins venus adorer le dieu, Anubis ou Oupouaout pour les chiens, Bastet pour les chats. Cette coutume s’est beaucoup développée à l’époque romaine, les temples ayant été spoliés par les Romains. Les prêtres ont pu trouver une source de revenus pour compenser cette spoliation.
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Y’a-t-il un moment d’émotion lorsqu’on commence l’étude d’une momie?
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Il y a toujours un moment d’émotion car, du moins quand la momie a perdu ses bandelettes (conséquence des pillages le plus souvent) et qu’elle a est en bon état de conservation, on se trouve devant un être humain qui a conservé ses particularités et aussi ses caractères ; certaines momies ont encore un sourire aux lèvres, ou le rictus de l’agonie. Cela reste tout à fait impressionnant.
Alors, je ne vous cache pas que la première momie que j’ai étudiée, celle de Ramsès II, m’a laissé une très forte impression!
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Qu’est-ce que la momie de Ramses II nous a appris du personnage?
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J’ai, en effet, eu la grande chance de faire partie de l’équipe qui s’est penchée sur la dépouille du célèbre pharaon lorsqu’il est venu se faire « soigner » en France en 1976. Son exploration très fouillée nous a confirmé qu’il s’agissait d’un homme âgé d’environ 80 ans, ce qui confirme ce que l’histoire indique. J’ai eu la grande chance d’établir personnellement que lors de sa momification il avait été « cassé » au niveau du cou car, victime d’une maladie invalidante, probablement une spondylarthrite ankylosante, il était devenu un vieillard courbé et devait être très handicapé. J’ai aussi pu établir que son cœur, qui avait été momifié à part, avait été réintroduit à sa place lors de la momification. Ce geste est normal, le cœur étant, pour les Anciens Egyptiens, le siège de l’âme. Les résultats des explorations concernant la momie ont été réunis dans un livre collectif paru en 1985.
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La découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922 ravive le caractère fantastique des momies. Que pensait-on des possibles malédictions à l’ouverture des tombeaux?
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Il y a seulement à prendre en considération les textes de malédiction toujours inscrits dans les tombes royales ou autres afin de décourager les voleurs de piller les tombes. Le pillage des tombes a toujours été un sport national en Égypte, conséquence directe des richesses accumulées dans les tombes.
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Que nous disent les découvertes récentes de momies sur la vie des civilisations anciennes?
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L’étude des momies nous renseigne sur le mode de vie, les maladies, l’anthropologie des populations antiques. Toutes les techniques ont été un jour ou l’autre, appliquées aux momies ce qui permet d’effectuer une véritable expertise de médecine légale.
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Pour en savoir plus :
« Les momies égyptiennes » livre écrit par Roger Lichtenberg & Amandine Marshall: http://www.fayard.fr/les-momies-egyptiennes-9782213678665
Un grand merci au Musée des Confluences (http://www.museedesconfluences.fr/) pour leur aide