Lieu incontournable du Marais, l’Institut suédois est également un acteur phare de la vie culturelle parisienne. Acheté par la Suède en 1965, l’Hôtel de Marle abrite le seul centre culturel suédois au monde et invite de nombreuses personnalités à venir présenter leur travail. Depuis novembre dernier jusqu’au 19 mars prochain, l’Institut abrite dans ses murs une exposition photo Grand Theory Hotel par Annika von Hausswolff, une des plus célèbres artistes nordiques. Criminologie, catastrophes économiques, passerelles entre le passé et le présent, la photographe suédoise explore de nombreuses parts d’ombre. Nous sommes venus à l’Institut afin d’avoir un éclairage sur cette exposition.
Indubitablement, l’art suédois s’oriente vers les inspirations anglo-saxonnes avec un rythme effrené d’innovation et de créativité. Tourné vers l’avenir, il ne délaisse pas non plus les symboles du passé. La Suède a choisi le féminisme (le combat pour l’égalité des sexes) comme une de ses priorités politiques. L’art s’est également orienté.
Annika von Hausswolff dresse un portrait salutaire du combiné téléphonique (comme prisonnier de son propre fil), de la pellicule photo, de la chambre noire du photographe ou encore du polaroïd. Il y a, dans son regard un intérêt à l’intime, au souvenir-matériel comme nos vieilles photos et diapositives rangées quelque part mais qui sont tombées dans l’oubli, loin de notre quotidien. Ce passé si proche a presque sa place dans un musée et c’est ainsi que von Hausswolff rend hommage à nos chers objets.
Fascinée dans sa jeunesse par les Chroniques annuelles du crime nordique que ses parents recevaient, l’artiste suédoise mélange le quotidien avec les scènes de crime. Une des photos les plus emblématiques de l’exposition est celle du berger allemand semblant tirée d’un
album photo de famille. L’animal est un chien policier, reniflant les odeurs d’une scène de crime. Afin de le libérer de ses tourments, Annika von Hausswolff raye ses yeux sur la photo. L’énigme est partout.
Detroit, ville-symbole de la crise de 2007, est représenté une part importante de l’exposition. Autrefois ville emblème du rêve américain, l’ancien fief de l’industrie automobile est devenu une vraie cité fantôme. Annika von Hausswolff a capturé avec son objectif l’ensemble d’une rue où les maisons abandonnées sont ravagées, chavirées par le vent de l’endettement. Ce n’est pas les traces d’une guerre mais celles du désastre économique. La population, absente des photos, est pourtant la victime étranglée par les emprunts et la fiscalité démesurée. La marchandisation des corps s’est alors intensifiée. Pour preuve, les photos de dents en or mises aux enchères sur internet. Ce précieux métal est comme arraché de l’humain pour être fondu et commercialisé. Les traces du glorieux passé s’effacent peu à peu et seule la photographie arrive à capter ces instantanées.
Une des photos est témoin de la conception d’yeux (de poupée?). Elément qui peut rappeler le film Blade runner et qui comme un miroir reflète les yeux du visiteur. La photographie n’est en fait qu’un reflet de la réalité.
L’Institut suédois a installé une fenêtre de notre quotidien et comme à son habitude permet à son visiteur de continuer l’exposition dans sa propre réflexion. Prochainement fermé pour travaux, ce morceau de la Suède devra lui aussi se repenser pour mieux innover.
Exposition jusqu’au 19 mars 2017 à l’Institut suédois à Paris- 11 Rue Payenne, 75003 Paris de 12h à 18h