Pour beaucoup d’entre nous, la magie fait partie d’un folklore plutôt réservé aux enfants et au divertissement. C’est mal connaître l’histoire de cette pratique et son incroyable lien avec la science, sa principale inspiration. Nous avons rencontré Arnaud Debaisieux, magicien mentaliste professionnel, qui a pu nous expliquer son univers.
Comment devient-on magicien ?
Contrairement au cirque, il n’y a pas d’école de la magie. J’exerce mon métier, comme magicien professionnel, depuis 20 ans et ma génération apprenait en visionnant des cassettes vidéo, en lisant des livres. A l’âge de 12 ans, j’ai trouvé dans la bibliothèque des mes parents le livre le cours Magica (Robert Veno), célèbre ouvrage de magie des années 50.
J’ai ensuite appris sur le tas et j’ai eu la chance de rencontrer très tôt d’excellents magiciens professionnels dont Paul de Rhuys.
Aujourd’hui, les jeunes magiciens commencent avec les DVDs et trouvent beaucoup de vidéos sur Internet. L’accès aux infos est beaucoup plus facile maintenant.
Quel est le plus gros travail pour le magicien ? Vous arrive-t-il d’être surpris vous-même ?
Lorsqu’on voit un tour de magie, on peut comprendre 90% mais les 10% peuvent être essentiel par conséquent c’est un vrai travail d’observation.
Dans les premières années, ce qui est primordial c’est la technique. Il y a ensuite un vrai travail relationnel avec les gens. L’objectif final reste de créer de l’émotion.
Magicien, mentaliste. Quelles sont les différences ?
Le mentalisme est une spécialité de la magie. Au départ, je faisais beaucoup de tours avec les cartes puis j’ai choisi de devenir mentaliste car il y a un aspect plus humain. On joue avec les réflexes et les comportements des spectateurs.
[NDLR: Voici une vidéo d’un tour d’Arnaud Debaisieux: https://vimeo.com/164228552 ]
Je fais des formations dans les entreprises afin d’aider les manageurs à mieux comprendre les gestes et émotions de leur interlocuteur.
Pouvez-vous nous parler de Jean-Eugène Robert-Houdin ?
C’est le père de la magie moderne, un grand savant français qui a excellé dans l’optique, la mécanique ou encore les automates. Il aurait été l’inventeur la lampe à filament (avant Thomas Edison). Mais l’Histoire retient avant tout qu’il a été magicien.
Avant lui, le magicien apparaissait vêtu d’une tunique tout droit sortie du Moyen-Age. Robert-Houdin décide de rendre la magie prestigieuse.
Il aurait été envoyé par le gouvernement en Algérie afin de combattre la superstition qu’entretenaient les sorciers. Robert-Houdin allait de village en village demandait à l’homme le plus fort de soulever une pierre. Celui-ci n’y arrivait pas puis Robert-Houdin demandait à un enfant de le faire et lui, réussissait. Le magicien utilisait en fait un électro-aimant. Ainsi, il remettait en cause l’autorité du sorcier.
D’Harry Houdini ?
Il a choisi son pseudonyme en hommage à Robert-Houdin. Surnommé King of cards, il a aussi développé l’escapologie ou art de l’évasion. Houdini arrivait à se défaire de toutes sortes d’entraves (coffre, cordes, chaînes). Houdini a été le premier à médiatiser les spectacles de magie.
Pour prouver qu’il était invulnérable, il demandait aux spectateurs de lui donner des coups de poing dans le ventre. Mais un jour, l’un de ces coups lui a été fatal.
Sa rivalité avec Arthur Conan Doyle, l’écrivain de Sherlock Holmes, est célèbre. Le premier croyait à la véracité du spiritualisme alors que Houdini y voyait de la supercherie. Une hypothèse farfelue prétend même que Doyle aurait envoyé un assassin à Houdini pour lui assainir de violents coups.
La magie a toujours fasciné. D’où vient cet enchantement ? Et dans ce monde rationnel, pourquoi cela fait toujours mouche ? Le public est-il de plus en plus exigeant ?
La magie joue avec les émotions. Il y a différents types de spectateurs. Il y a celui qui veut absolument comprendre mais ne voit rien, celui qui veut juste s’amuser, le spectateur qui ne comprend pas et qui donc n’aime pas,…
Il y a des tours que tout le monde connaît notamment celui avec les balles en mousse. Mais on peut le moderniser. Lors d’une compétition de football européen cet été, j’ai présenté ce tour de magie en utilisant un iPad. Le mélange des genres est intéressant : utiliser des techniques anciennes de manipulation dans un contexte purement digital.
Le tour de la femme coupée en 2 est également archi connu. Il faut donc constamment faire évoluer le spectacle. David Copperfield a, par exemple, popularisé la version sans boîte.
Quel est le moment le plus surprenant que vous ayez connu en tant que magicien ?
Je montre des tours de magie à des scientifiques, ils ne comprennent pas. Je montre le même tour à des enfants, ils comprennent… Les enfants observent en décomposant les mouvements.
Y’a-t-il illusion car la mémoire visuelle n’est pas assez exploitée ? Est-ce un manque d’attention ?
Oui. Nous percevons la globalité de l’action. Les détails nous échappent. J’ai fait une vidéo avec mes élèves de prépa sur ce thème de la cécité cognitive. A vous d’essayer !
Que pensez-vous du concept magie nouvelle ?
C’est du très bon spectacle. Le renouveau apporte toujours. Au tout début, la magie était réservée à un public adulte qui connaît les concepts de la physique.
Le tour du lapin qui sort d’un chapeau est par exemple un mythe. On ne le rencontre pas souvent.
Garderez-vous toujours secret certains de vos tours ?
Non. Je souhaite transmettre mes connaissances. En partie aux profanes c’est-à-dire aux spectateurs et tout à ceux qui veulent devenir magiciens.
Site d’Arnaud Debaisieux: http://www.magicien-communiquant.com/