Personnage iconoclaste de la télévision, Francis Kuntz n’est pas seulement cet individu qui fait rire jaune les spectateurs de Canal +. C’est avant tout un artiste aux multiples talents : Autrefois dessinateur de bandes dessinées, auteur des Guignols de l’Info puis de l’univers Groland, musicien et enfin réalisateur du détonnant film « Henry » (2010).

Entretien avec Kafka ou Francis Kuntz (son vrai nom) – C’est un passionné de l’humour (noir et grinçant).
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Francis Kuntz a son parcours mais quand est-ce que Kafka est intervenu ?

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Il y a longtemps je jouais de la batterie dans un groupe. Nous faisions de la musique du genre Gong ou Albert Marcœur. J’ai pris ce pseudonyme car j’avais les mêmes initiales que Franz Kafka. J’ai alors décidé de m’appeler Francis Kafka pour m’amuser. Puis, on a fini par m’appeler uniquement Kafka. Lorsque je dessine ou je réalise des films, j’utilise mon nom d’artiste.

J’ai intégré l’équipe Groland suite à mon travail de pigiste aux Guignols de l’Info. Comme j’étais dessinateur de bandes dessinées ça m’a bien aidé. Benoît Delépine (Michael Kael) m’a alors proposé de jouer un personnage. J’avais quelques idées de noms mais on m’a dit que Francis Kuntz c’était plutôt rigolo.

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Rencontre avec Lefred-Thouron. L’humour était-il aussi acide à Radio France ?

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Le directeur d’antenne, Roger Viry-Babel, nous laissait une grande liberté. Nous faisions un humour très proche de celui de Groland. Lefred et moi étions d’accord sur une chose : Nous voulions juste raconter des conneries.

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C’était bien FR3 Nancy ?

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Lefred allait toujours plus loin que moi… Nous avions une rubrique sur la BD, mais ça n’a pas duré, on jetait en l’air les albums qui ne nous plaisaient pas!

FR3 Nancy était la première télévision avec des palettes graphiques, mais la mode est vite passée.
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Le dessin c’était une façon de parler de soi tout en faisant de l’humour ?

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J’ai réalisé mon premier album en 1985, « My lofts ». Je voulais raconter l’histoire des appartements que j’avais occupé à Nancy. Des aventures d’un baroudeur né, comme on le voit!

Ne voulant pas m’enfermer dans le monde de la BD (j’étais ouvert à d’autres possibilités), j’ai décidé de quitter Nancy pour Paris, et une semaine après, j’étais comme un poisson rouge dans son bocal.

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Tu travailles pour le journal 7 à Paris où sont également passés les photographes Pierre & Gilles, Frank Margerin. « Les Rois du Scoop » a pu ainsi être publié. Que retiens-tu de tes années 7 à Paris ?

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Alain Kruger, était un très bon rédacteur en chef, mais ambiance « chouette équipe de copains », ce qui ne me convient pas forcément à cause de mon côté électron libre. Je travaillais en même temps à l’Echo des Savanes, avec Hervé Desinge qui, lui, était très différent, très direct, ce que j’appréciais. Aujourd’hui, j’ai gardé un très bon contact avec les deux, comme quoi, entre gens intelligents et un connard comme moi au milieu, l’entente est possible. Espérons que ça puisse faire pareil entre l’Otan, l’Ukraine d’un côté, et Poutine de l’autre.

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Vous avez publié la bande dessinée « Les deux cons » – Pourquoi une telle fascination pour les perdants ?

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Même enfant, je n’ai jamais aimé les héros. Je préférais Laurel & Hardy, les deux perdants parfaits. Je garde cette idée. D’ailleurs, mon film préféré reste « Coup de Torchon » (1981) de Bertrand Tavernier. La plupart des personnages sont de belles ordures. Cela me fait toujours rire. Les salauds dans la fiction ont toujours été formidables.

Mon personnage dans Groland et le film « Henry » (2010) illustre très bien cette ambiance de loser.

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Comment êtes-vous devenu auteur des Guignols de l’Info ?

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Le dessinateur Jean-Michel Thiriet m’a donné les contacts et j’ai tenté ma chance dans les années 1993-94. J’étais pigiste mais très peu des sketchs que j’ai écrits sont passés à la télévision. Je me souviens d’un où Arielle Dombasle jetait des bouteilles de vins car elle pensait que les dates montraient que c’était périmé. Constatant les dégâts, BHL était fou de rage.

Tout le monde voulait écrire pour les Guignols de l’Info. J’ai été pigiste pendant un an. La saison suivante, comprenant qu’un sketch sur dix était éventuellement pris, j’ai décidé d’abandonner. 3 mois plus tard, Benoît Delépine m’a contacté pour intégrer l’équipe de Groland. J’ai commencé à écrire pour l’émission.

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Un personnage est ensuite apparu dans Groland. Francis Kuntz. Cela n’a pas été un problème de porter le nom d’un journaliste si zemmourien avant l’heure ?

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Si j’avais dû décider, je n’aurais en effet pas utilisé mon vrai nom. Venant d’arriver, je n’ai pas osé dire non à l’équipe. Même s’il est catalogué « extrême droite », le personnage de Kuntz est avant tout un anti-faible. Femmes, immigrés, SDF,… : dès qu’il a la possibilité, il n’hésite pas à écraser son interlocuteur – celui ou celle qu’il considère comme faible. En d’autres termes, Kuntz est toujours du côté du manche.

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Ce Francis Kuntz reviendra-t-il à la télévision ?

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Le confinement a empêché la réalisation de nombreux sketchs. Mais avec les 30 ans de Groland, Kuntz est réapparu et il reviendra à Muflins.

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L’humour grolandais est-il compris par tout le monde ?

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Ceux qui ont commis l’attentat de Charlie Hebdo n’étaient pas des lecteurs assidus. Les conservateurs ne nous regardent pas non plus.

Ma référence a toujours été Hara Kiri et on sait bien que ce type d’humour est souvent pris au premier degré, c’est le risque. Mais c’est comme ça que je fonctionne. Et avec Groland, je suis super libre de fonctionner comme ça. Si quelqu’un ne comprend pas ton humour, soit t’es mauvais, soit c’est l’autre qui est trop con pour comprendre. Les deux cas sont envisageables.

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Le Fluide Glacial spécial Groland en 2012 – ce fut la consécration ?

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Non mais c’était marrant car Gotlib n’a jamais été fan de mon dessin trop chaotique à son goût. C’était un dessinateur ultra précis. Fluide m’a pris quelques planches, mais mon vrai boulot en BD est passé à 7 à Paris et dans l’Echo des Savanes. L’ironie, c’est que quand j’ai commencé à écrire pour Groland, mon écriture graphique avait évoluée!

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Que penses-tu du public d’aujourd’hui ?

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Tu as plus de libertés en tant qu’auteur de BD, car, hélas, tu touches moins de personnes qu’à la télé. Sauf qu’avec Groland, j’ai autant de liberté et beaucoup plus de public. Il est sans doute moins choisi évidemment, mais ceux qui te suivent, te suivent de toute façon. Nous avons notamment écrit sur le meurtre de Lola. En tant que père de famille, je pense aux parents. La provocation, ça ne m’intéresse que si c’est drôle. La mode du trash pour le trash, pour moi, ce n’est qu’une mode, et la mode c’est de la merde.

L’actualité nous inspire beaucoup – la vie de tous les jours aussi. En 30 ans, il y a eu un paquet de sujets sociétaux différents et nos sketches en découlent forcément.. Nos sketchs ont par conséquent dû évoluer. Avec Groland, nous sommes toujours inspirés.

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Quels sont tes projets ?

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Je travaille sur un projet de film depuis 3 ans. Je suis en train de reprendre le scénario et j’aimerais trouver un distributeur. Enfin, le bordel habituel dans le monde merveilleux du cinéma.

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