Il y a des regards qui nous captent, des yeux qui nous saisissent. Que ce soit dans les icônes ou de nos jours sur les affiches de cinéma, il n’y a pas de mystère : ce sont les femmes qui ont un tel don d’attractivité. Thierry Vasseur est un photographe qui pendant toute sa carrière a voulu capturer dans tous ses aspects la beauté féminine.

De 1999 à 2011, l’artiste a illustré près de 50 couvertures de l’intrépide SAS. Personnage fétiche de Gérard de Villliers, le prince Malko Linge a toujours su s’accompagner de beautés fatales au regard perçant et à la gâchette facile.

Actuellement à la galerie Rare Gallery (17, rue François Miron – Paris) pour son exposition EGG, Thierry Vasseur s’est entretenu avec nous pour parler de sa carrière de photographe. Les femmes toujours dans le viseur.

 

 

Pourquoi avoir choisi la photographie ?

 

 

Dans ma famille, la photographie a toujours été importante. Mon grand-père était photograveur et mon père en était passionné. N’ayant pas le talent pour l’écriture, j’ai trouvé que l’appareil photo était également pour moi le bon outil d’expression.

 

 

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En 1987, vous participez à une journée avec le réalisateur et photographe américain William Klein. Ce fut un bon modèle d’étude ?

 

 

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Ce fut un vrai bonheur de travailler avec Klein pour un magazine qui s’appelait Le Jardin des Modes. Les photos ont été prises dans l’appartement de la rédactrice-en-chef, rue François Ier à Paris. Faisant de la boxe française, j’étais venu pour faire de la figuration. Mais étant également photographe, dans l’improvisation, je suis devenu l’assistant de William Klein. J’ai posé pour lui et en même temps je prenais des photos. Je doublais ses prises.

 

 

 

 

Au début des années 90, vous réalisez une série de photos ayant pour thème la boxe.

 

 

100 portraits. J’avais à l’époque un studio rue Saint-Georges dans le 9ème avec une chambre photographique. Je ne faisais pas plus que 2 clichés. Nous étions en plein contexte de la guerre du Golfe. Par conséquent, j’ai pensé à un thème basé sur le combat. J’ai pris en photo des célébrités d’inconnus, portant des gants de boxe ou aussivilleret sans gants.

Certains avaient été boxeurs comme l’acteur André Pousse. Il était d’une grande gentillesse et d’une simplicité. André Pousse a confié qu’il avait pendant la guerre tué deux allemands en sortant d’un bistro du 15ème arrondissement. Durant la séance photo, Il m’a même montré comment donner une claque pour mettre KO quelqu’un.

Jacques Villeret, quant à lui, est devenu le parrain de ma série photographique car c’était un acteur exceptionnel qui représentait tout sauf le héros modèle.

  

 

Le publicitaire Jacques Séguéla a même fait tomber la chemise…

 

 

Oui. Ce fut l’un de ceux que j’ai pris en photo hors de mon studio. Il n’avait pas le temps de venir donc je me suis rendu à son bureau. Séguéla a aimé l’idée de poser en boxeur et n’a pas hésité à faire tomber la chemise.

 

 

L’Abbé Pierre s’est-il facilement prêté au jeu ?

 

 

C’est un rendez-vous que j’ai attendu pendant un an. Une secrétaire m’appelle pour me prévenir que l’Abbé Pierre accepte enfin de poser devant mon objectif. Le rendez-vous était fixé au 12ème étage d’un immeuble de Charenton. Je m’y suis rendu avec mon assistante et attachée de presse Anne. Je propose d’emblée à l’Abbé Pierre d’enfiler les gants de boxe. Il me regarde, baisse légèrement ses lunettes sur son nez et me lance : « Pensez-vous que j’ai besoin de gants pour me battre ?! ». Il y a eu un long silence. Anne s’est réfugiée derrière la couverture noire.

J’ai donc mis de côté les gants. L’Abbé Pierre a juste mis ses mains un peu plus haut et j’ai réalisé deux clichés. A la fin de la prise de vue, l’Abbé Pierre m’a tapé sur l’épaule et m’a soufflé : « C’est bien ce que vous faites ».

Ce qui est surréaliste c’est que le même jour, j’avais un rendez-vous avec l’éditeur Gérard de Villiers à son domicile aisé Avenue Foch. Entre l’Abbé Pierre et de Villiers, le décalage était immense.

 

 

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En 1998, lors d’une exposition, Gérard de Villiers tombe justement sous le charme de votre travail et vous propose d’illustrer les aventures de SAS alias le prince Malko Linge. Vous succédez aux photographes Helmut Newton ou encore Francis Giacobetti. Comment vous êtes-vous lancé dans une telle aventure ?

 

 

L’exposition s’appelait « Tiroirs secrets » et se passait dans mon studio. J’organisais des vernissages qui se déroulaient « de 18H à l’aube ». A 2 heures du matin, quelqu’un frappe à la porte. C’était Gérard de Villiers. Cependant, le premier vernissage allait commencer à 18H. De Villiers est finalement rentré et a beaucoup aimé l’exposition. Il est revenu me voir plusieurs fois. De Villiers m’a alors proposé de faire les couvertures de SAS. Il avait eu une mauvaise expérience avec Olivier Dassault. Ce dernier avait réalisé une couverture mais Gérard de Villiers n’avait pas apprécié. Il cherchait donc un nouveau photographe.

Une telle occasion était incroyable pour moi. Mon père a collectionné les livres SAS jusqu’à sa mort. 4 livres sortaient chaque année. Il les avait tous. J’ai accepté l’offre avec enthousiasme.

Avec les premières photos, j’ai réalisé une exposition aux Bains Douches. David et Kathy Guetta étaient encore là et le succès a été au rendez-vous. D’une certaine manière, c’est à partir de ce moment que les couvertures SAS sont rentrées dans le domaine de l’art. Les œuvres de Gérard de Villiers étaient mondialement connues car c’étaient avant tout des récits de géopolitique et d’espionnage souvent en lien avec l’actualité. A l’époque, les livres traitaient de la crise des Balkans. De Villiers était même considéré comme « L’Homme le plus renseigné au monde ». J’ai connu des hommes politiques qui lisaient les SAS pour se renseigner sur une crise internationale.

Avec les couvertures, SAS est devenu un objet artistique exposé partout. Dans les gares, des kakémonos étaient installés.

 

 

Les couvertures SAS comportent des codes avec la fille et l’arme à feu. Qui a le premier rôle ?

 

 

Les deux sont indispensables et indissociables. L’idée brillante d’un rédacteur-en-chef de Paris Match a été d’intégrer la fille dans le logo SAS. Pour la première fois dans le monde du graphisme, on intégrait une photo dans un logo. Une telle illustration liait le danger et la sexualité. Le lecteur se dit : « Soit cette fille me tue soit je la tue ».

 

 

« Eros & Thanatos » – l’amour et la mort sont-ils le duo parfait ?

 

 

J’avais pensé nommer mon livre « Amour et Mort ». Gérard de Villiers m’a recommandé de ne pas mettre le mort dans un titre car ce n’est pas vendeur. Il m’a alors suggéré de choisir « Eros & Thanatos » – le dieu de l’amour et le dieu de la mort.

 

 

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Vous avez réalisé 50 illustrations SAS pendant 10 ans. La danseuse Mia Frye a posé pour la couverture « Pirates ! » (2009) et Sarah Marshall, petite-fille de Michèle Morgan, pour « Piège à Bangkok » (2009).  Y’avait-il des contraintes ?

 

 

Le plus dur était de faire rentrer la photo de la fille avec l’arme dans le logo SAS. Le regard était également très important.

Beaucoup de personnes ont le souvenir de femmes nues. Or les modèles n’ont jamais été nues. Elles étaient juste sexy mais l’imaginaire prenait la suite.

Gérard de Villiers insistait beaucoup pour que les femmes soient maquillées à outrance. Il était présent la plupart du temps durant les shootings. Gérard lançait des indications depuis mon canapé. Il a notamment voulu refaire la couverture qu’Helmut Newton avait réaliséMia-Frye avec l’actrice Brigitte Lahaie en 1978.

L’ambiance était très professionnelle. Un armurier venait spécialement pendant les séances avec des étuis et l’arme à assembler.

Devant l’objectif, les modèles étaient parfois mal à l’aise. Ce fut le cas pour Mia Frye. Gérard n’était pas satisfait mais avec le progrès technique, nous pouvions voir le résultat de la photo immédiatement. Il a alors changé d’avis.

Pour Sarah Marshall, Gérard voulait absolument que je fasse un test avec elle. Pour moi, il n’y avait pas besoin. Sarah avait des yeux sublimes et savait parfaitement poser. Pour le test, elle a porté le costume de scène de Lady Gaga que Jean-Claude Jitrois nous avait prêté. 3 photos ont suffi.

 

 

Jusqu’à nos jours, les Dangerous Girls ne vous ont jamais quittées. Vous exposez votre série EGG à Rare Gallery à Paris jusqu’au 3 avril 2022. La femme est une vraie fascination ?

 

 

Oui et depuis toujours. Pour chaque nouveau travail, je me lance un défi. Avec l’exposition EGG, j’ai décidé de faire des polaroids. C’est un outil délicat car avec un tel appareil, l’accident peut vite arriver. Parfois, cela peut donner un beau résultat.

Alors qu’un grand nombre de photographes choisit l’appareil numérique, moi, je suisMAKINGOFF revenu au Polaroid car c’est plus compliqué. Avec EGG, j’ai convaincu 20 femmes de tous âges en leur montrant justement des polaroids. Le médium continue de plaire car il y a un côté hasard et révèle une certaine intimité. Le polaroid était un objet important dans les familles ou les couples.

Avec un agrandissement de 80 sur 80, vous obtenez un aspect encore plus artistique.

Ma série EGG a commencé avant la pandémie et s’est étalée dans le temps. 2 années en tout. Certaines femmes ont mis à un an à accepter de poser pour moi dans mon studio à Lormes.

L’objet fauteuil est également très important pour moi. Cet egg a été créé par l’architecte designer Arne Jacobsen en 1958, l’année de ma naissance, pour l’immeuble SAS. Dès que j’ai pu avoir un fauteuil, j’ai eu l’idée de cette série photographique.

 

 

Vous avez d’ailleurs pris souvent en photos votre ex-compagne et photographe Gisèle Didi.

 

 

Gisèle est une artiste-photographe qui a de nouvelles idées en permanence. Pendant le confinement, nous avons continué à produire.

Pour la série EGG, Gisèle est présente deux fois. Elle a été la première et la dernière modèle. Sur une photo, nous étions encore ensemble, sur l’autre nous étions séparés.

 

 

Pourquoi avoir intégré un timbre international et un tampon postal sur les polaroids ?

 

 

Je vis à présent à Lormes dans le Morvan. J’ai intégré le tampon de la poste locale. J’aimais l’idée de dater la photo d’une façon originale.  Chaque tirage devient unique.

 

POILQu’est-ce que la pop-techno narrative ?

 

 

Un galeriste a trouvé le terme. Dans mon travail on retrouve souvent le pop art (aspect américain), la figuration narrative (aspect français) et un certain côté musical (d’où le terme techno).

Le polaroid est lui aussi pop. La chanteuse Patti Smith l’a d’ailleurs beaucoup utilisé dans son travail artistique.

 

 

Le robot est-il un modèle à part entière ?

 

 

Durant mon enfance, j’ai adoré la vision statique et mécanique du robot que l’on retrouve dans les films « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, « Le Jour où la Terre s’arrêta » (1951) et « Planète interdite » (1956). Les années 80 ont éclipsé cette figure avec des films plus réalistes comme « Blade Runner » (1982) ou « Terminator » (1984).

J’ai toujours voulu intégrer mes passions pour le polar et la science-fiction dans mes photos.

 

robot

 

Quels sont vos projets ?

 

 

Je souhaite réaliser avec Rare Gallery une exposition sur le pop art et les polaroids l’été prochain à Arles.

 

 

Par Gisèle Didi
Par Gisèle Didi

 

 

Pour en savoir plus :

 

Le compte Instagram de Thierry Vasseur : https://www.instagram.com/thierry_vasseur/?hl=fr

Le compte Facebook de L’œil à facettes – Galerie de Thierry Vasseur à Lormes : https://www.facebook.com/loeilafacettes/

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