« Si je n’avais pas été dessinatrice, j’aurais été naturaliste. » confie l’artiste Coco tant la condition animale lui est cher. Véritable organisation mafieuse, le trafic d’animaux est le 4ème plus important après celui de la drogue, des armes et le commerce sexuel.
« Pauvres bêtes! » (Editions Les Echappées) nous plonge dans les différentes maltraitances dont la faune en tout genre sont victimes. De par son dessin, ses écrits et ses rencontres, Coco expose la situation actuelle des animaux afin de dénoncer l’exploitation et la maltraitance, mais aussi pour saluer les actions de celles et ceux qui luttent au quotidien pour changer la donne et accompagner une prise de conscience globale de la dignité animale.
Entretien avec Coco, dessinatrice engagée.
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Que ce soit dans le dessin de presse ou dans les livres illustrés, les animaux sont toujours présents. Quel est votre rapport avec eux ?
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On dit souvent qu’avec eux c’est toujours plus rigolo. Il ne leur manque que la parole parfois. La magie du dessin permet de faire parler les animaux. Malmenés par l’homme, ils réagissent dans tous les domaines. Exploités, maltraités, abandonnés, les animaux sont de vrais personnages dans mon univers graphique. Leur bien-être est en effet pris au sérieux de nos jours. Des efforts sur la protection animale doivent continuer.
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« Pauvres bêtes !» est un ouvrage grave qui dénonce la cruauté quotidienne (laisses, élevage, rires sur les réseaux sociaux, accidents sur la route…) envers les animaux. Est-ce une sonnette d’alarme ?
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C’est un livre qui en tout cas souhaite faire part d’une attention. Dans son ensemble, « Pauvres bêtes ! » montre les améliorations mais pointe également du doigt ce qui ne va pas encore.
Je ne mettrais pas tout sur le même plan mais il est vrai que l’on peut même constater la maltraitance animale dans notre quotidien. Pour promouvoir un produit, s’amuser, l’animal est bien souvent la victime sur les réseaux sociaux. Même dans la rue, j’ai pu constater que la laisse est utilisée pour faire souffrir le chien. Des cadavres de pigeons ou d’hérissons sont visibles sur le bord de la route car fauchés par des voitures. En partant en vacances, j’avais commencé à répertorier le nombre d’animaux morts sur le chemin. J’ai pu voir des renards ou encore des lapins jonchés sur le sol.
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Cochons, caméléons, chats, le cochon Hedson, le chien Narco… Malgré l’horreur, les animaux sont beaux. Est-ce un livre qui a pris du temps à se faire ?
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J’ai réalisé « Pauvres bêtes ! » de la même façon que je fais d’autres reportages. Cependant, j’ai été plus attentive à la morphologie, aux couleurs et aux plumes des animaux. Je ne dessine pas tous les jours un orque ou un dindon. J’ai voulu rendre compte des petites personnalités animales par le dessin. J’ai pris beaucoup de plaisir à colorier la peau de l’iguane. Je tenais à être précise.
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Le texte a-t-il autant d’importance que le dessin ?
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Oui. En tant que journaliste, je me suis documentée et j’ai réalisé des interviews. Je tenais à défendre des causes par conséquent je devais être précise. Deux reportages ont été infiltrés car il aurait été impossible de le faire de cette manière sans autorisation.
A la ferme tropicale, je voulais montrer le comportement humain avec les nouveaux animaux de compagnie. Vous pouvez même acheter un cloporte… Je voulais présenter la connerie des gens.
En ce qui concerne le marineland d’Antibes, les associations de défense animale luttent depuis des années pour faire sortir les dauphins et les orques de ces lieux sordides. Une soigneuse m’a raconté que ces mammifères dans leur petit bassin étaient finalement comme nous : Dans de grands lieux, on se sent perdu. J’étais consternée face à de tels aveuglements.
Sous prétexte de tradition culturelle, la corrida est également un déni face à la souffrance animale. J’ai été témoin de la mise à mort de 6 taureaux. Ce passage est le paroxysme de « Pauvres bêtes ! ». Le public participe à la souffrance animale.
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Les dessins de procès furent-ils un exercice particulier ?
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Le tribunal était spécialisé en justice environnementale. Pour ces trois affaires, j’ai pu voir les scellés. Un collectionneur avait notamment des défenses et les pattes d’éléphants. L’animal découpé était présent.
En tant que dessinateur, vous devez comprendre les complexités de l’âme humaine et les enjeux. Cela ressemble à tous les autres procès. Chez Charlie Hebdo, il y a le réflexe de donner son avis.
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Quel fut le rôle d’Allain Bougrain Dubourg ?
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Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, il a été très enthousiaste et m’a très bien accueillie. Cédric Marteau, naturaliste et directeur de la LPO, m’a également accompagnée et beaucoup aidée. Il avait été chroniqueur chez Charlie Hebdo.
J’ai pensé également rencontrer les dirigeants de la SPA et de la Fondation Brigitte Bardot.
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« Pauvres bêtes » fait écho à l’emprisonnement et au combat de Paul Watson, fondateur de Sea Sheperd. Le combat contre la chasse à la baleine vous est également cher ? [Entretien réalisé avant le 17 décembre 2024]
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Absolument. J’ai réalisé plusieurs dessins pour Charlie Hebdo sur le sujet. J’ai même demandé au journaliste Hugo Clément de transmettre un dessin original pour qu’il puisse le donner à Paul Watson, interné aujourd’hui au Groënland par les autorités danoises. C’était un geste de soutien personnel. Je considère que ce possible envoi de Watson dans une prison au Japon est vraiment une injustice. Ses méthodes de lutte ne sont même pas jugées ici. Watson empêche juste une industrie qui massacre des baleines en voie d’extermination. Allain Bougrain Dubourg rappelle que les espèces menacées n’occupent que 3% de la biodiversité. Nous n’avons pas besoin de manger de la viande de baleine.
Le Danemark participe au massacre puisqu’il autorise ses pêcheurs à tuer les dauphins aux îles Féroé lors de la fête traditionnelle du grind [nom donné à la tradition culturelle de chasse aux cétacés en vigueur dans les îles Féroé].
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Dans une prochaine vie, quel animal voudriez-vous être ?
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J’aime beaucoup le pangolin mais il souffre tant que je n’aimerais pas être à sa place… Je pourrais être incarnée en tamanoir. J’aime beaucoup sa forme. Avec sa longue langue, c’est un animal qui a une belle prestance.
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