Artiste écorché et figure incontournable de la scène artistique d’après-guerre, Nicolas de Staël (1914-1955) est redécouvert de nos jours par le grand public. Issu d’une famille de Russes blancs, l’artiste a toujours réussi à se démarquer par la couleur, la lumière et une touche certaine pour le romantisme graphique.

Après avoir illustré Marcel Proust et Francis Bacon, Stéphane Manel explore par le dessin et l’écrit l’univers de Nicolas de Staël. Plus qu’une biographie illustré, « Exercices de Staël » (Editions Seghers) sonde les détails et dérobe les ambiances d’Antibes ou du Sahara. Nicolas de Staël n’est pas retrouvé, il est en effet révéler.

Entretien avec Stéphane Manel.
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Après Marcel Proust et Francis Bacon, vous illustrez et vous écrivez aussi à propos de Nicolas de Staël. Est-ce un livre qui vous tenait à cœur ?

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Avec les éditions Seghers, nous avons réalisé trois livres : « Monsieur Proust » (2022), « Bacon- Eclats d’une vie » (2023) et enfin « Exercices de Staël » (2024). A chaque fois, ce fut un vrai plaisir d’illustrer.

« Monsieur Proust » devait initialement être une bande dessinée à la manière de Robert Crumb pour Kafka. J’ai finalement persuadé tout le monde de réaliser un livre d’illustrations. Après avoir lu

« Monsieur Proust », Franck Maubert a souhaité travailler avec moi. Il voulait écrire sur son ami Francis Bacon. J’accepte d’illustrer ses textes. Puis, mon éditeur Antoine Caro me propose de réaliser un livre seul. Je voulais à la base écrire un récit très personnel. Pendant l’été, je prends la décision d’écrire et de dessiner sur Nicolas de Staël. Il y a quelques années, j’avais eu l’envie de réaliser un dessin animé sur lui. J’avais abandonné l’idée mais je l’ai tout de même gardé à l’esprit. J’ai beaucoup réfléchi sur le projet de livre en conduisant, en marchant, en dormant. Ce fut un plaisir d’écrire et de dessiner les idées.

Nicolas de Staël a eu une vie si romanesque. Je voulais en profiter. J’ai beaucoup aimé me plonger dans les anecdotes et les détails.

En aucun cas, « Exercices de Staël » est une autobiographie et encore moins une hagiographie.
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Vous ne reproduisez aucune peinture de Staël. Vous exprimez une approche graphique personnelle. « Exercices de Staël » est-il un journal intime ?

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Oui mais en même temps vous n’apprendrez pas grand-chose sur moi. Certains aspects font écho à la vie de Nicolas de Staël. J’ai pu le convier au casting du Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Je voulais reproduire le « Concert », la toile de Nicolas de Staël peinte en 1955 puis j’ai souhaité opter pour l’originalité. Je voulais une œuvre qui se rapproche des livres d’art des années d’après-guerre. Les éditeurs reliaient les poètes et les peintres. « Jazz » (1947) d’Henri Matisse a été la grande référence. Je voulais me balader avec Nicolas de Staël.

Depuis mes 15 ans, à force de l’étudier, je le considère comme un vieil ami. Je me retrouvais dans ses humeurs et ses colères. J’étais dans ma période punk, cela résonnait à l’aspect romantique de Nicolas de Staël.
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Jeanine Guillou, Françoise Chapouton, Jeanne Polge-Mathieu – vous dessinez ces amours féminins avec soin. Quelle est la place des femmes dans votre dessin ?
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J’ai toujours aimé les dessiner. Les femmes font partie intégrante de la vie de Nicolas de Staël. Je n’ai cependant pas dessiné Suzanne Tézenas. Elle avait été la maîtresse de Nicolas de Staël et mécène des musiciens et des peintres. Proche de Pierre Drieu la Rochelle, elle apparaît dans « Le Feu follet » (1931). Au cours du projet, je ne l’ai pas finalement pas intégrée et je le regrette.

J’ai eu la possibilité de rencontrer Anne, la fille de Nicolas de Staël, mais je ne l’ai surtout pas fait car je ne voulais pas me sentir redevable de quoique ce soit.
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Dessinez-vous Nicolas de Staël comme un personnage de roman ? Vous le comparez à Pierrot le fou.

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Absolument. Je voulais en faire un être fictif afin de mieux me l’approprier. Je l’ai imaginé en figurine Fisher Price Adventure People parlant à Matisse. Puis, j’ai abandonné l’idée de départ et j’ai inventé une scène de plage à Tahiti alors que les deux artistes ne se sont jamais rencontrés.

Un mois après la sortie de « Exercices de Staël », un lecteur a écrit aux éditions Seghers en expliquant qu’il avait un petit tableau de Nicolas de Staël. Il avait appartenu à son père. Le long courrier explique que Nicolas de Staël signait STAEL à chaque fois avec une tache. Cette analyse rejoignait mon chapitre sur José Luis Borges. Il y a beaucoup de mystère chez Nicolas de Staël. J’aime sa folie venue de Russie. La couverture d’« Exercices de Staël » fait écho à cela. Sous le profil de l’artiste, il y a l’espace blanc qui évoquent la Russie lointaine ou le fort d’Antibes sous un soleil irradiant.

Mon seul grand regret est de ne pas avoir trouvé une seule interview écrite ou vidéo sur Nicolas de Staël. Il est l’antithèse de Francis Bacon qui, lui, était très communicatif.
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Au cours du récit, vous mentionnez de temps en temps Bacon. Est-ce aussi un artiste qui vous suit ?

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Oui. C’est la même chose avec Francis Bacon. Je l’aimerai toujours. J’ai d’ailleurs réalisé le logo de la fondation de l’artiste. Dès qu’une exposition est organisée, je me rends sur les lieux. On ne peut quitter de tels artistes.
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Vous dessinez à nouveau des livres – est-ce un objet fascinant ?

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J’ai lu dernièrement une maxime : « Dis-moi qui tu lis, je te dirai qui tu es – dis-moi ce que tu relis, je te dirai tes secrets ». Un livre devient un objet fascinant car personnel. J’aime dessiner sur les couvertures. Nicolas de Staël a notamment peint en rouge un exemplaire d’« Ulysse » de James Joyce. J’ai pu apercevoir cela sur une photo de son atelier. Aujourd’hui associer des mots à mes dessins me permet d’élaguer ces derniers, d’être plus libre. Et un grand dessin, plus élaboré aura lui simplement besoin peut-être d’une seule petite légende. J’ai deux langages. Mais qui sont indissociables. Je ne suis pas un écrivain. Un dessinateur qui prolonge…
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Après la réalisation de ce livre, qu’est-ce qui vous surprend encore chez Nicolas de Staël – « Peintre des horizons et de la matière » ?
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J’aurais beaucoup aimé voir ce que Nicolas de Staël aurait pu produire. Sa peinture aurait-elle changer ? J’imagine son style devenir très figuratif et obsessif. Nicolas de Staël est mort à l’âge de 41 ans. Il avait encore tant à dire.
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Souhaiteriez-vous explorer un autre artiste ?

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Beaucoup m’inspirent comme David Hockney, Paul Gauguin ou Giacometti par exemple mais je n’ai pas envie de rester dans le même exercice à chaque fois. J’aimerais beaucoup dessiner et écrire sur une ville par exemple. Être dessinateur me va très bien car devant votre feuille de papier, vous êtes totalement libre.
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