Depuis quand remonte votre dernier coup de cœur littéraire, cinématographique ou gastronomique ? Aimez-vous partager vos passions auprès de proches ou d’étrangers ? Pouvez-vous changer d’avis ? Être séduit par l’opinion d’autrui ?

Depuis une dizaine d’années, les réseaux sociaux ont envahi notre vie quotidienne. Telles des lettres à des inconnus, nous nous livrons entre quelques posts et autres hashtags.

Emery Doligé, auteur de T’ar ta gueule à la récré – Confessions d’un influenceur | Mareuil Éditions et des « Invisibles de L’Elysée » (Editions Presses de la cité), se livre presque chaque jour en vidéo. Avec sa voix accrocheuse et soutenue, il commente ses lectures et autres aventures sur son compte Instagram.

Entretien cult(ure) avec Emery Doligé.

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Dans un monde de plus en plus connecté, de plus en plus rapide, de plus en plus envahissant par les écrans, pourquoi lire est selon vous important selon vous ?

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Avec les écrans, on continue de lire. Ils n’ont pas tué la lecture – la lecture s’est même développée. Pour preuve, la romance et d’autres types modernes de littérature culminent à des millions de lecteurs dans le monde entier. Jeunes et vieux.

Il y a une transformation. Nous n’avons rien perdu en termes de lecture. Cependant, la quantité assure-t-elle la qualité ? Je n’en suis pas certain. Lors de la période du Covid, le marché du livre a explosé mais c’était surtout grâce au succès du manga. Aujourd’hui le marché ne progresse plus. On lit autant qu’avant. Cependant, je suis optimiste. Plus on vieillit, plus on lit. Les baby-boomers seront prochainement tous à la retraite…

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Votre compte Instagram est un lieu d’hommages lors de décès. Est-ce un certain monde qui s’éteint à chaque fois ?

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Oui, aussi. Je mets en ligne parfois des photos en noir & blanc. Des personnalités avec qui j’ai été en contact ou qui ont pu me marquer dans la vie. Certains décès symbolisent aussi la disparition progressive d’une culture ou d’une pensée. Comme une petite mort.

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Que penser des livres écrits par des femmes et des hommes politiques comme Bruno Le Maire, Marlène Schiappa ou encore François Hollande ?  
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Vous citez trois personnes qui n’ont rien à voir. Bruno Le Maire, un ami, est un vrai écrivain. Lorsqu’il sort « Une répétition avec Carlos Kleiber » (2012), il embarque dans l’univers d’un chef d’orchestre. Au fil de ses publications, vous pourrez constater qu’il s’agit toujours du même style, de la même respiration. Il écrit ses propres livres.

Marlène Schiappa est une véritable bloggeuse. Son sujet est l’égalité femmes-hommes. Elle ne cherche pas écrire mais à défendre des causes justes.

Quant au dernier, il me fait marrer pas certain que son éditeur soit très heureux.

Chez les politiques, le livre est un support de communication, une actu. Cela permet à son auteur d’être invité dans les médias. En France, le livre est un symbole. Quand vous en écrivez un, on vous croit intelligent.    

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Vous avez également écrit. Est-ce une joie ou une épreuve ?

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Une joie. L’écriture en tant que telle participe à la dopamine. J’ai toujours écrit. Bien écrire est une tâche plus difficile car on doit sans cesse se remettre en question. Mais avant tout, cela requiert une joie.

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La vidéo est-elle le meilleur support de nos jours pour parler de littérature ?

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Inciter passe toujours par un médium. Auparavant, j’écrivais sous la photo d’un livre. Je suis passé au réel et avec le succès de cette méthode, j’ai continué. Qu’importe le support, je veux inspirer et inviter d’autres à lire. Je crois que la lecture est essentielle. Parfois, après un réel, certains reviennent me parler pour donner leur avis sur le livre proposé. Cela peut créer un dialogue voire une rencontre.

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Pourquoi Saint-Germain-des-Prés reste le lieu des écrivains depuis l’après-guerre ?

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Je ne sais pas. Sans doute parce qu’il reste des symboles là où d’autres quartiers parisiens ont fermé leurs librairies. Les libraires sont des héros.
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Les bandeaux de couverture ont-ils toujours trop d’importance au détriment du sujet des livres ?

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Pour les éditeurs, le livre est aussi un produit. Par exemple, chaque année, des auteurs comme Amélie Nothomb vont encore connaître le succès peu importe la qualité. Il s’agit de rendez-vous rituels avec les lecteurs.

Le bandeau de couverture met en avant une punchline, un visage… l’objectif est la prise en main. Nous le savons tous un joli minois photoshopé attire. Et une fois dans la main, la 4ème de couverture est lue. Le bandeau comme la couverture sont des maux nécessaires.
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Françoise Sagan aurait-elle connu le même succès aujourd’hui avec « Bonjour Tristesse » (1954) ?

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C’est la presse intellectuelle de l’époque qui l’a encensée. Il ne s’agissait pas d’un acte marketing. Tout chez Sagan était captivant. De l’écriture au contexte. « Bonjour Tristesse » était d’une grande fraîcheur. Et quand on sait le nombre de refus essuyé par ce texte, tous les espoirs sont permis et aucun éditeur ne sait quel livre aura du succès.
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Y’a-t-il de plus en plus de livres et de moins en moins d’écrivains ?

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J’écris actuellement un roman, un quatrième livre. Comme il s’agit de mon premier roman, les éditeurs me regardent du coin de l’œil. Il est compliqué de sortir un livre. Le Président d’Editis, Denis Olivennes, a expliqué qu’il souhaitait publier moins de livres afin de retrouver une certaine qualité d’écriture. Et je le comprends.

L’édition d’un premier livre est difficile. Le modèle économique est une barrière à l’entrée. Et les éditeurs prennent rarement le temps de faire grandir un auteur, ils préfèrent s’appuyer sur la confirmation d’auteurs, moins sur l’émergence de nouveaux talents. Le refus d’un éditeur est symptomatique. Par exemple, Gallimard ne justifie pas ses refus. D’autres maisons d’éditions donnent toujours les mêmes arguments. Dans certains forums de discussion sur le net, des auteurs comparent leurs lettres de refus, c’est très instructif…
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Quel est le meilleur moment pour lire ?

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Tout moment est propice à la lecture. Je me balade toujours avec un livre. Dès que je peux, je plonge dedans. A chacun ses priorités. Certains préfèrent regarder des vidéos sur Tiktok – d’autres lisent.
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Avez-vous eu des coups de cœur littéraires ?

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Il y a peu, deux amis m’ont vivement recommandé « Les Mains du miracle » (1960) de Joseph Kessel. Ce fut un coup de foudre dès les premières pages. Tout dépend de l’instant et de votre état d’esprit. Il y a des livres qui touchent à un moment de votre vie et parfois moins à d’autres. Écoutez-vous !
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L’année 2025 sera-t-elle culturelle à défaut d’être bonne ?

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Elle sera ce que nous en ferons ! Je continuerai d’inviter les unes et les autres à la lecture et à s’offrir des instants culturels. Ils sont ce qui permet l’ouverture, de mettre en perspective et surtout de prendre la mesure du temps.

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