Qui sont toutes ces femmes ? Des saintes ? des diablesses ? ou tout simplement des êtres libres qui savourent leur victoire ?

Les toiles et illustrations de Marie Mallard mettent en valeur la force féminine et réussissent à stimuler notre imagination. « Les gardiennes », « 92, rue Denfert » ou encore « De l’utilité de la fièvre » sont des livres qui prennent leur force dans l’illustration. Les femmes nous fixent du regard – sont-elles elles-mêmes spectatrices ?

Entretien-portrait avec l’artiste Marie Mallard.

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Depuis quand avez-vous un lien avec le dessin ?

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Depuis l’age de onze ans , au pensionnat franco-belge de filles, chez les religieuses de Sainte Marie, en découvrant  dans la bibliothèque de cet établissement deux ouvrages curieux mais forts amusants développant des histoires  baroques. Soit : Histoire de Monsieur Vieux-Bois et Histoire de Monsieur Cryptogame conçus et illustrés par le dessinateur Topffer. J’ai eu la chance de retrouver ces deux albums quelques années plus tard dans une des boites de bouquiniste sur les quais de la seine.

Le jeudi, nous n’avions pas de cours. J’échappais à la mortelle balade « en rang d’oignons »  en fréquentant la salle d’étude où je griffonnais quelques croquis maladroits de mes copines de classe et des bonnes sœurs sur un petit cahier à carreaux disparu au cours de mes nombreux déménagements.

En 1967, je suis admise sur concours d’admission aux Beaux Arts de Paris. A cette époque, j’habitais chez ma grand-mère dans le XVIIIème arrondissement. Mon dossier pour le jury était constitué de dessins personnels, noir et blanc, des rues du quartier, de mes voisins, des commerçants et des arbres du jardin municipal.
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Vous commencez à travailler pour des journaux et des maisons d’éditions.

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Je suis peintre, mais autodidacte dans le domaine de l’illustration accompagné, de textes littéraires ou éducatifs et scientifiques. Suite à une rencontre avec une éditrice italienne lors d’un dîner, j’obtiens mes premières commandes, puis ce sera les démarches dans les rédactions de journaux pour la jeunesse en particulier pour Bayard presse  avec lesquels je travaillerais pendant plusieurs années avec notamment deux grands et formidables directeurs artistiques, Denis Prach et Patrick Couratin. J’ai réalisé beaucoup de dessins traitant de la faune, de la flore, de l’Histoire et des sciences. C’est la publication chez Bayard Editions d’un « J’aime lire » écrit par un africain exilé politique et dont l’intitulé est « Bilomba » qui me permet d’accéder au monde de l’édition littéraire : Actes sud, Bordas, Gallimard, Hachette, Hatier-Rageot ou encore Lito. Ainsi je devins illustratrice pour des albums et des romans.

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Actuellement vous qui peignez beaucoup de femmes, y aurait-il  une part autobiographique dans ce choix ?

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J’ai cessé le travail illustratif dès mon installation dans la région du Sud-Ouest. J’avais repris la peinture peu avant et avais exposé un certain nombre de peintures à la Galerie de la Fondation Taylor dans le IXème arrondissement Parisien .Mes peintures déjà traitaient de la femme . De retour à Paris huit ans plus tard, je retrouve Jean-Michel Nicollet, que je connaissais de longue date. Nous constatons que nous avons beaucoup d’intérêts et de points communs culturels et autres. Peu de temps après c’est la rencontre avec un éditeur : Franck Bruneau. Il s’intéresse à mes toiles et propose de m’éditer, ce sera :  «  Les Gardiennes ». Parallèlement , j’expose à la galerie franco-belge Huberty -Breyne à Paris avec Nicollet. Notons que ça tombe bien, j’aime assez notre tandem !

Précisons que Franck Bruneau de Zanpano m’avait donné carte blanche pour écrire le texte de ces « Gardiennes » et j’ai eu une totale liberté pour composer ce récit imaginaire. Bien entendu il n’est pas descriptif des toiles pas plus qu’il n’ exprime un vécu. Peut être,  semble t’il possible y  trouver certaines émotions complexes et intérieures. Le mystère féminin me préoccupant autant que sa plastique sensuelle voir même que sa métaphysique. Je projette peut être un idéal de femme celui d’une mère absente…..

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Le livre  « Les Gardiennes » a-t-il été un tournant ?

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Certainement. Il s’agit du premier livre où l’on peut découvrir mes peintures et mes textes suggérant, au travers d’une fiction, un concept ésotérique, symbolique et sensuel féminin.

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Les ténèbres sont-elles un grand lieu d’érotisme et de liberté ?

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Ce n’est pas particulièrement les ténèbres qui permettent d’exprimer l’érotisme, ce serait éventuellement le clair-obscur. Cette ambiance particulière où lumière et ombre découvrent la chair et dévoilent mystérieusement les corps.

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L’homme apparaît parfois en second plan. Est-il un monstre voyeur ?

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C’est bien au second plan qu’apparaissent les monstres, les diables, les anges ou l’homme. Ils peuplent  par leurs existences réelles ou irréelles mes toiles et  mes songes. Ils figurent sans doute mon questionnement  sur les différentes facettes de l’âme humaine. Alors  je joue et réalise une forme de narration un peu provocante comme dans certaines œuvres graphiques ou picturales de la Renaissance.
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Que représente le grain de beauté qui apparaît de temps en temps sur vos femmes ?

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C’est souvent un clin d’œil à l’étonnant peintre Clovis Trouille (1889-1975) que je trouve espiègle, et qui oblige le spectateur à se concentrer sur une partie du corps . A ce moment je suis peut être proche de lui par cette petite marque distinctive.

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Paris est-il un lieu d’inspiration pour vous ?

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Cette ville est comme un être humain à découvrir constamment, parfois sombre, parfois lumineux, scandaleux, violent, romantique, extravagant. Si on erre dans cette ville, nos yeux découvrent cette multitude d’inconnus(es) belles/beaux ou laids/laides, que je détaille et que j’absorbe, respire. D’ailleurs c’est en me promenant dans le IXème arrondissement que j’ai découvert il y a longtemps rue d’Amsterdam les dames du trottoir qui m’intriguaient. J’ai pu discuter de leur vie avec ces vestales du caniveau, puis j’essayais de retraduire leur physique et  leur âme en les peignant,  rentrée à la maison. D’autres femmes m’ont marqué, les mannequins par exemple, quand j’habitais rue du Colisée lorsqu’elles sortaient  dans le quartier, des ateliers de haute couture. C’était un univers d’esthétique, parfois féerique qui me semblait poussé à l’extrême ! Elles me rappelaient les fugaces apparitions d’une mère inaccessible.

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Quels sont vos projets ?

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Sûrement un projet de livre, une exposition regroupant une nouvelle série de toiles dénonçant entre autre, la profanation et la destruction de lieux sacrés, ou d’art et d’histoire. Dans ces décors, mes héroïnes, toujours sous leur esthétique parfois généreuse, vont exprimer par leurs accessoires symboliques, l’existence de la Connaissance, des Sciences Antiques oubliées ou ignorées mais pratiquées par ces divines femmes inconnues. Aujourd’hui je ne sais pas encore si j’écrirai le texte mais cela me tente.

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© Brieuc CUDENNEC
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