Face au dessin, on constate que l’artiste italien Sergio Vanello ne se contente pas de représenter. Il sculpte les corps et plonge le spectateur dans une ambiance à part. Les personnages, célèbres ou non, nous fixe comme pour détourner notre propre regard.
Sergio Vanello explore le mystère, l’étrange et l’érotisme. Dans le dernier hors série de Métal Hurlant (avril 2024), il nous fait suivre les pérégrinations d’un chat, plus que curieux… Dans « L’uomo luppo » (en version italienne uniquement), Vanello nous plonge dans l’ambiance du cinéma d’horreur des années 30. L’art est sans cesse en métamorphose et en outre, il nous fascine sans cesse.
Entretien avec Sergio Vanello.
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A partir de quel moment avez-vous décidé de devenir dessinateur et peintre ?
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Je me consacre à la bande dessinée et à l’illustration depuis seulement 10 ans, avant cela j’étais peintre. La passion est née dès l’enfance, grâce à la lecture des super-héros Marvel dessinés par Jack Kirby. Un peu plus tard, je me suis passionné pour les merveilleuses histoires de Moebius, de Sergio Toppi, d’Attilio Micheluzzi et de Dino Battaglia. J’ai alors choisi la bande dessinée et illustration, car j’ai ressenti le besoin de raconter des histoires et de me consacrer à un type de dessin plus réaliste et plus expressif.
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Acteurs, musiciens, réalisateurs, écrivains,… Que voulez-vous révéler en réalisant leurs portraits ?
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Le portrait est une forme d’expression que j’aime beaucoup. Dans les musées en Europe, j’ai toujours admiré les œuvres de Bronzino, d’Holbein, de Velázquez, d’Ingres, de Lucian Freud et de Francis Bacon… À travers le portrait, je veux capturer la substance du personnage, son âme secrète, ce qui n’apparaît pas dans ses images publiques. De plus, le portrait est un type de peinture et d’illustration qui est très intéressant d’explorer. J’aime beaucoup varier la technique : Cela peut être juste quelques petites variations mais vous devez les repérer.
Vous avez étudié à l’Université de Pise. Que cherchez-vous à inculquer à ceux et celles qui veulent dessiner ?
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À l’Université de Pise, j’ai obtenu une spécialisation qui m’a permis d’enseigner au lycée. J’ai été professeur pendant 12 ans au Liceo Artistico de Carrare, et depuis 8 ans environ, j’enseigne au collège Taliercio de Marina di Carrara. J’ai toujours voulu être professeur de dessin d’histoire de l’art. J’aimerais enseigner aux jeunes étudiants et aux designers de rester authentiques et de regarder la réalité avec davantage de curiosité. Il faut comprendre les formes invisibles qui composent la structure du dessin. Il est également nécessaire de savoir émouvoir le spectateur.
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Y’a-t-il de grandes différences entre artistes italiens et artistes français selon vous ?
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Je ne vois pas beaucoup de différences. Peut-être que pour les Français, l’esprit narratif est plus fort, tandis que pour les Italiens, il y a une plus grande attention pour le dessin. Mais selon moi, il y a peu de différences. La preuve : beaucoup d’artistes italiens ont eu du succès en France, et vice versa.
Quelle est la part des femmes dans votre travail ?
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Dans mon travail, le nu artistique est d’une grande importance. J’ai fait beaucoup de peintures à l’huile consacrées au nu féminin et je continue de le faire. Avec l’illustration, j’ai maintenu mon intérêt pour les nus érotiques et, lorsque cela est possible, je les intègre également en bande dessinée.
Pour moi, tout art est érotique : et je parle de la peau du tableau, pas seulement du sujet. Pontormo, peintre italien du XVIème siècle, est érotique, même lorsqu’il peint des personnages vêtus (Je pense notamment à l’Annonciation de Santa Felicita à Florence). Sans érotisme, l’art n’existe pas.
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Avec la publication de « La Métamorphose » de Kafka, « L’homme loup », Lovecraft,… Les monstres sont-ils passionnants à illustrer ?
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J’aime l’horreur comme genre et sous toutes ses formes artistiques : art, littérature, cinéma… Il est vrai que dessiner des monstres et des ambiances dérangeantes me satisfait beaucoup. Depuis mon enfance, je crée des monstres de façon spontanée. Aujourd’hui, je peux me permettre d’utiliser de nombreuses techniques de peinture et cela, appliqué au sujet de l’horreur, fonctionne très bien. Pour résumé : J’adore les monstres ! J’aime aussi faire des romans graphiques basés sur des romans de la grande littérature. Tout cela m’amuse et me stimule beaucoup.
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Le cinéma est votre première influence ?
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J’adore en effet le cinéma. Surtout celui d’Hitchcock, de Spielberg et de Woody Allen. L’art de la mise en scène a même beaucoup influencé ma façon de voir la réalité. Surtout le mouvement de la caméra, le cadrage et la lumière. La bande dessinée doit beaucoup au cinéma, et vice versa.
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Vous avez participé au Métal Hurlant Spécial Chats d’avril 2024. Quel est votre félin existentialiste (Cosmo) qui arpente la ville ?
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Cosmo est un chat existentialiste qui, tout bien considéré, tolère les limites de l’humanité ; mais, en réalité, il a le désir d’aller au-delà de « l’humain »- dans une autre dimension. Il analyse nos comportements mais n’intervient pas. Cosmo ne veut rien changer, il ne se le permet pas. Le félin connaît en outre l’impossibilité de changer son destin : en tant qu’individu et en tant qu’espèce. Cosmo observe et s’autorise de temps en temps un voyage dans le multivers. Mais au fond, c’est un chat heureux dans sa solitude.
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Quels sont vos projets ?
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Depuis quelques mois, je termine sur mon nouveau roman graphique. Il est basé sur des textes de Piero Fissore, pour l’éditeur Edizioni NPE (j’espère le terminer pour Lucca Comics 2024).
Je collabore également au merveilleux magazine Linus, dirigé par le maestro Igort. Sans oublier mes expositions périodiques qui ont lieu à la galerie Spazio Papel de Milan.