Livre grand format, 130 pages, 1 dessinateur, 9 auteurs, 9 histoires pour 9 vies. Voici comment se présente « Les 9 Vies extraordinaires de la princesse Gaya » (Little Urban). Victime d’un terrible sortilège, la jeune enfant meurt, et ce bien trop tôt. De siècle en siècle, de la Bavière médiévale qui l’a vue naître aux confins du Mexique, de la Chine impériale aux forêts oubliées de la Grèce ottomane, Gaya va connaître, sous d’autres noms et à différents âges, neuf vies extraordinaires… car tel est le destin de la princesse qui sut attendrir la mort.

Le livre est une merveille d’écriture et d’illustrations. Sa confection est elle aussi une histoire à raconter.

Entretien avec le dessinateur Régis Lejonc à propos des « 9 Vies extraordinaires de la princesse Gaya ».

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Vous illustrez la littérature jeunesse depuis près de 30 ans. Est-ce toujours une joie de proposer de nouvelles créations aux plus jeunes ?

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C’est toujours une joie et une passion qui ne s’est jamais affaiblie depuis 30 ans. Réaliser des livres de littérature jeunesse, c’est en fait s’adresser à tous les lecteurs de tout âge et tout sexe. C’est proposer une histoire qui pourra embarquer de manière équivalente les enfants et adultes. N’étant plus un enfant depuis longtemps, ce qui me porte est de proposer à tous des histoires qui me plaisent et me touchent profondément, et de partager par l’image l’ensemble des influences qui me composent. Ces histoires concernent les enfants par ce qu’elles portent en elles d’universel, de ce qui appartient profondément à notre humanité. Et les enfants n’étant pas des demie personnes comprennent et savent tout cela très très jeunes.

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Est-ce difficile d’illustrer la vision du scénariste ? Y apportez vous toujours votre propre vision graphique ?

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La vision de l’auteur est en partage dans le livre avec l’illustration qui en est faite. Si l’auteur est l’inventeur et l’écrivain de l’histoire, celle-ci devient étrangement mienne, et c’est mon interprétation qui est souhaitée. Je peux proposer librement ma propre perception sensible de l’histoire, ma représentation des personnages, des décors et des situations en respectant scrupuleusement les indications qu’impose le texte. Aussi, ce qui est difficile dans le fond est de parvenir à une fusion parfaite entre texte et image. La confiance, les échanges, les discussions et les idées partagées entre auteur, illustrateur et éditeur sont une bonne manière d’y parvenir.

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« Les 9 vies extraordinaires de la princesse Gaya » était un projet particulier puisque vous étiez le seul illustrateur face à 9 auteurs. Avez-vous dû vous adapter ?

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Je suis à l’origine du projet. GAYA est avant tout un désir de lecteur. Je voulais participer à l’élaboration d’une grande histoire, d’une épopée pleine d’aventures et d’étrangetés. J’ai pensé à 9 autrices et auteurs dont j’aime l’écriture et la sensibilité, puis j’ai réalisé des images de déclenchement pour eux. Je les ai choisies chacun pour de très bonnes raisons tant littéraires qu’affectives, et je les ai invités à partager cette aventure éditoriale.

Ce sont eux qui ont eu à s’adapter à un ensemble de contraintes que je leur ai imposé. Une fois chacune des vies du personnage inventée et écrite, j’ai repris le cours habituel de mon métier en illustrant un à un les textes des auteurs du projet.

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Quelles furent vos principales inspirations graphiques pour ce livre ?

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Comme j’ai pu imposer des thématiques et des sujets à chacune et chacun des auteurs, j’y ai mis tout ce que j’aime : le conte, les films de sabre chinois, les créatures mythologiques, les conquistadors, la piraterie, le vaudou, le merveilleux, le fantastique ou l’étrange, et enfin le chamanisme mexicain. Tous ces thèmes sont l’expression de mon goût personnel pour un certain type d’histoires qu’elles soient racontées dans les livres, les BD, au cinéma ou dans des séries, qu’elles soient le fruit de ma culture personnelle ou de mes souvenirs et expériences de voyages. Pour ce qui touche plus précisément au choix graphique du livre, il et sous direct influence des romans illustrés du début du 20e siècle et de manière générale à l’Art Nouveau. Mes maîtres absolus restant Gustave Doré et Ivan Bilibine.

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Qui sont toutes les Gaya que vous avez dessinées ? Vous êtes-vous inspiré de personnes réelles ?

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Les Gaya ne sont reliées à aucune personne réelle. Elles sont le reflet de ce que m’ont inspiré les textes et les visions premières des auteurs. À la lecture des chapitres de ses vies, la représentation des Gaya se sont imposées naturellement par les images mentales que les textes ont provoquées en moi.

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Pirates, chevaliers, indigènes, créatures de la forêt, fées, chat conteur,… Les personnages sont nombreux et variés. Avez-vous eu le souhait dès le départ de les montrer comme extraordinaires ?

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L’extraordinaire est un élément central du projet car le personnage de Gaya va vivre 9 vies et chacune sera extraordinaire : le titre annonce ainsi aux lecteurs la règle du jeu qui a été également celle des autrices et auteurs du projet. Ce fut à elles et eux de déterminer l’extraordinaire dans chacune des vies et à quel moment de l’existence du personnage l’extraordinaire se manifeste.

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Chine, Occident médiéval, Mexique,…Avez-vous dû réaliser un tour de monde graphique (recherches) ?

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Étant à l’origine du projet et de ses thématiques, j’avais déjà en tête une certaine connaissance des ingrédients géographiques et culturels auxquels j’allais être confronté pour l’illustration. Aussi, je n’ai pas tant eu besoin de me documenter que de chercher la plus juste représentation des scènes et des personnages au fil du récit. L’exigence que je m’impose toujours en illustrant une histoire est de retranscrire le plus fidèlement possible les émotions et la vision intérieure que le texte m’a suggéré. C’est chercher longtemps pour approcher cette sensation primale ressentie à la première lecture du texte. C’est à la fois très évident et très complexe à réaliser.

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Les couleurs devaient-elles elles aussi extraordinaires ?

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Le rôle des couleurs est pour moi d’apporter une ambiance, une atmosphère qui portera une émotion reliée à l’état intérieur du personnage (angoisse, joie, paix, confusion, etc…). C’est un jeu de teintes, d’ombres et de lumières, de gris colorés – toujours plus subtiles que les couleurs franches.

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Le chat a deux yeux différents. Cela souligne son côté merveilleux mais est-ce également un aspect binaire ?

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Oui le chat a 2 yeux différents : un œil pour le jour avec sa fente, et un pour la nuit pupille dilatée… Il est omniscient : il voit tout de jour comme de nuit, il sait tout. Le chat est d’une certaine manière le supra-narrateur de cette épopée.

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Auriez-vous souhaité illustrer une 10ème vie de la princesse Gaya ?

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En vérité pas spécialement. Le projet est né sous cette idée que le personnage vivrait 9 vies à la manière des chats – dit-on -, et une 10eme vie n’aurait pas apporté grand-chose de plus. Ce livre s’est inventé ainsi, a été réalisé avec cette envie partagée et cette règle du jeu. C’est plutôt le goût des grands récits et d’épopée qui s’est inscrit en moi depuis ce livre, l’envie de raconter encore.

Gaya a dépassé toutes nos attentes et l’accueil de l’ouvrage ne fait que nous conforter dans le fait que nous avons réussi à créer un grand livre atypique, hors norme qui peut embarquer haut et fort des lecteurs de 9 à 99 ans. C’est une œuvre achevée.
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Un autre projet avec un univers aussi riche ?
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Gaya est le projet le plus ambitieux qu’il m’ait été donné de faire. Oui j’espère en faire d’autres à l’avenir.

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Toutes les images appartiennent à Régis Lejonc et à Little Urban.

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