« Mon enfant, vous allez être un grand roi. Ne m’imitez pas dans le goût que j’ai eu pour les bâtiments ni dans celui que j’ai eu pour la guerre. Tâchez de soulager vos peuples, ce que je suis malheureux pour n’avoir pu faire. »

Louis XIV, mourant en 1715, reçoit le petit Dauphin dans sa chambre. Le roi-soleil donne une ultime leçon à cet enfant de 5 ans – son arrière petit-fils, tous ses autres héritiers sont morts. Après le règne de son ancêtre de plus de 70 ans, le royaume de France espère un certain apaisement de la monarchie absolue. Louis XV est par conséquent scruté.

Roi aux multiples maîtrises, monarque de la Guerre de sept ans, conquérant de la Corse, le « Bien-aimé » reste un sujet à étudier.

Après le portrait du Régent, entretien avec le docteur en histoire Alexandre Dupilet à propos de Louis XV.

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Roi à 5 ans après une hécatombe qui a frappé les Bourbons, avec un royaume miné par les guerres et les dettes, Louis XV a-t-il peiné à succéder à son arrière-grand-père, Louis le Grand ?

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Si on veut dire par là que Louis XV eut des difficultés à assumer un gouvernement personnel c’est certain. Dans un premier temps, dès 1715, ce fut la Régence, assuré par son cousin Philippe d’Orléans. Puis Louis XV étant majeur en 1723, la Régence prend fin. Se succèdent alors plusieurs principaux ministres ou premiers ministres pour être plus clair. Le cardinal Dubois, jusqu’à sa mort en août 1723, Philippe d’Orléans lui-même qui décède en décembre de la même année. Pendant deux ans, Monsieur le duc, le duc de Bourbon joue ce rôle avant d’être évincé par le cardinal de Fleury, qui devient principal ministre sans en avoir le titre jusqu’à sa mort en 1743. Très clairement, le roi s’est fait désirer et à la Cour, on commençait à désespérer de ne lui voir prendre les rênes du royaume. Toutefois, il faut rester nuancé : ce n’est pas pour cela qu’il ne gouvernait pas. En outre, cette période coïncida avec les belles années du règne : la diplomatie de Dubois assura la paix pour vingt ans, les dettes furent en partie effacées et le cardinal de Fleury mena une politique équilibrée qui permit d’éviter les conflits intérieurs. Cette première partie du règne tranche singulièrement avec la dernière, bien sombre, de Louis XIV.

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Le Régent a-t-il eu un rôle de père de substitution pour le jeune Louis XV ?

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Philippe d’Orléans était très attaché au petit roi pour lequel il éprouvait une vive affection. Il allait le voir aux Tuileries quotidiennement, s’enquérait de sa santé, était sincèrement inquiet lorsque Louis XV était souffrant. Sur le Régent circulèrent de nombreuses rumeurs mais la seule qui l’ait vraiment atteinte est celle l’accusant de vouloir empoisonner le petit roi pour accéder au trône. En outre, Philippe associa rapidement Louis XV au pouvoir. Il le fit entrer au Conseil de Régence en 1720. On ne peut pas dire que l’enfant se passionnait alors pour la conduite des affaires. Lors d’un Conseil, il amena même un petit chat pour s’y distraire, ce qui amusa les conseillers. Saint-Simon proposa d’introniser le petit animal, ce qui était aussi une manière détournée de souligner que cette instance n’avait guère plus d’utilité. Plus sérieusement, à partir de 1722, le Régent s’entretenait quotidiennement avec lui des affaires du royaume. Toutefois, les personnalités les plus proches du roi furent bien Mme de Ventadour, sa gouvernante, surnommée Maman Ventadour et André-Hercule de Fleury, son précepteur, futur cardinal et ministre.

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La comtesse de Mailly, la marquise de Pompadour, la comtesse du Barry…La place des maîtresses a-t-elle été trop importante durant le règne de Louis XV ?

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La question pourrait sembler légère, à l’image de son sujet. C’est en vérité un des sujets importants de l’historiographie consacrée au Bien-Aimé, sujet dont on n’a pas fini de débattre comme en témoigne la publication du récent livre d’Emmanuel de Waresquiel consacré à Mme de Barry. Tout d’abord, distinguons les « grandes » maîtresses, celles que vous citez, des « petites ». Les « petites maîtresses », souvent associées dans la mémoire à Marie-Louis O’Murphy, apparaissent vers 1750 : elles permettent au roi de vivre pleinement sa sexualité débordante. Louis XV en a fait les frais, son attitude suscitant quolibets et attaques sur sa débauche et son libertinage. On a prêté aux grandes maîtresses une influence voire une emprise politique sur le roi. Ainsi, la duchesse de Châteauroux aurait incité Louis XV à se lancer dans la guerre de Succession d’Autriche, Mme du Barry aurait contribué à la disgrâce de Choiseul. Quant à Mme de Pompadour, elle est souvent décrite comme la principale conseillère du roi. Il est indéniable que Mme de Pompadour, et dans une moindre mesure Mme du Barry, s’intéressaient de près à la politique et au gouvernement du royaume. Dans ces circonstances, qu’elles aient donné leur avis au roi sur tel ou tel sujet, c’est l’évidence même. Elles furent aussi placées auprès du monarque par des réseaux soucieux de faire avancer leurs intérêts. Mme de Pompadour était ainsi l’instrument du réseau fisco-financier. Pour autant, eurent-elles une influence aussi importante sur Louis XV ? Il est fort douteux que Louis XV ait pris des décisions majeures telles que l’implication dans un conflit européen ou la disgrâce d’un ministre sur le simple avis de ses maîtresses.  De plus, on oublie souvent que le roi avait également intérêt à laissant circuler les rumeurs sur leur prétendue influence : les maîtresses aimantaient les critiques. Peut-être le roi était -il dépeint comme faible mais cela lui laissait une marge supplémentaire pour prendre des décisions politiques, qu’on qualifierait aujourd’hui d’impopulaires, comme l’a bien souligné Bernard Hours dans sa biographie du Bien-Aimé. Il explique que la présence des maîtresses lui permettait d’accéder à « un espace de liberté politique », et de « desserrer » la pression qui pesait sur lui. Elle facilitait également sa compréhension des jeux politiques de la Cour. On peut concéder qu’il ait néanmoins quelque peu abusé de ce stratagème politique.

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Quel est le rapport entre Louis XV, roi absolu, et le cercle des Lumières ? L’absolutisme se renforce-t-il sous Louis XV ?

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Peut-on vraiment dire qu’il y ait eu des relations entre Louis XV et les Lumières ? Louis XV passa complètement à côté de ce mouvement dont finalement, il ne vit jamais l’intérêt, ni la nouveauté. Il se méfiait beaucoup des beaux esprits, à la différence de Mme de Pompadour, qui éprouvait une sincère admiration pour l’aventure de l’Encyclopédie. Cela ne se traduit pas pour autant par une politique de fermeté et de censure à l’encontre des philosophes. Il est vrai que l’Encyclopédie fut contrariée dans sa publication. Mais cela n’empêcha en aucun cas les écrivains des Lumières de continuer à diffuser leurs idées. Sur le plan politique, Louis XV restait arc-bouté sur des principes d’un autre âge et sans doute voyait-il dans les Lumières un mouvement qui lui était hostile. Car il est évident que les Lumières ont contribué à un étiolement de l’absolutisme. On assiste par exemple à une désacralisation progressive de la personne royale, dont l’attentat de Damiens en 1757 est une manifestation. Cet attentat est passionnant à plusieurs titres. Il fonctionne comme un révélateur. Le roi avait déjà perdu de son aura, de sa majesté mais l’entourage royal et le monarque lui-même ne semblaient pas en avoir conscience. L’assassinat raté plonge le royaume dans la stupéfaction. Il jette avec une soudaineté sidérante une lumière crue sur l’impopularité du monarque. Les structures de la monarchie demeuraient solides mais elles-mêmes subissaient une lente érosion. Les conflits politico-religieux qui minaient la France contribuèrent largement à fragiliser l’édifice monarchique. Il me semble clairement que dès les années 1750 et pour reprendre un concept plutôt utilisé chez les historiens anglo-saxons comme en témoigne le dernier livre de Robert Darnton, que l’on entre dans une période pré-révolutionnaire (voir Robert Darnton, The Revolutionary Temper) et ce malgré les tentatives de Louis XV de restaurer une autorité entamée à travers le discours de la Flagellation en 1766, au cours duquel il rappelle les principes absolutistes et du coup de Maupeou en 1771 qui aboutit à une réforme profonde mais éphémère des Parlements.     

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Principal ministre d’Etat, le duc de Choiseul devient-il l’homme indispensable du royaume ?

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Nul n’est indispensable. Et on pourrait ajouter que ceux qui se croient comme tels n’ont certainement jamais ouvert un livre d’histoire. L’Histoire est une école de l’humilité. Pour ce qui est de Choiseul, il fut un des grands ministres de Louis XV et certainement par sa personnalité complexe, sa finesse d’analyse et son intelligence, le plus intéressant du règne pour qui s’intéresse à cette période, comme en témoignent les deux passionnantes et complémentaires biographies qui lui ont été consacrées :  celle de Monique Cottret en 2018 et de David Feutry en 2023. Choiseul est un protégé de la marquise de Pompadour et lorsqu’il accède au Conseil, il s’impose sans difficulté comme le principal des ministres tant son sens politique est supérieur à celui des autres secrétaires d’Etat. Il vient en quelque sorte combler une place vacante depuis le décès du cardinal de Fleury en 1743. Ambassadeur à Rome et à Vienne, il devient secrétaire d’Etat des Affaires étrangères. Durant ses douze années au sommet de l’Etat, il est également à la tête du département de la Marine entre 1761 et 1766 et de la Guerre entre 1761 et 1770. Fut-il un homme providentiel ? On peut en douter à la vue du traité de Paris qui mit fin à la Guerre de Sept Ans et qui fut un véritable désastre pour la France. Toutefois, Choiseul n’y pouvait pas grand-chose. En outre, il parvint à garder la possession des Antilles. Mais surtout, suite au traité, Choiseul procéda à la restauration de la puissance française en réformant la marine et l’armée. Il est également à l’origine du traité de Versailles de 1768 qui permet le rattachement de la Corse à la France. Il participa également à la libéralisation de l’économie. Sa politique diplomatique qui s’appuyait sur un rapprochement avec l’Espagne, tout en préservant l’alliance autrichienne, fut soutenue par le roi. Toutefois, il est vrai que Louis XV prit quelque peu ombrage de sa personnalité, de son orgueil démesuré mais surtout de sa clémence à l’égard des philosophes et des Parlements. Sur ce dernier point, Louis XV et Choiseul, sensible aux idées des Lumières, n’avaient absolument pas le même point de vue et même. Choiseul connut une disgrâce soudaine en 1770. On peut incriminer l’influence de Mme du Barry pour laquelle Choiseul n’avait que mépris. Le roi prit le prétexte du conflit des Malouines entre l’Angleterre et l’Espagne. Louis XV apprit que Choiseul contrevenait à ses ordres en conseillant au roi d’Espagne d’entrer en guerre. Mais la raison profonde de cette disgrâce fut avant tout le désaccord portant sur la politique à mener à l’égard des Parlements.   

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Louis XV, Marie Thérèse d’Autriche, Catherine II de Russie, Frédéric II de Prusse… L’Europe souffre-t-elle de monarques trop expansionnistes ?

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On ne peut mettre sur le même plan Frédéric II et Louis XV. Le roi de France ne fut pas un monarque expansionniste, bien au contraire. Lors du traité d’Aix-La-Chapelle en 1748, qui vient clore la Guerre de Succession d’Autriche, on lui a beaucoup reproché de ne pas s’être emparé des Pays-Bas autrichiens que les armées françaises avaient conquis. « Bête comme la paix », disait-on alors. Louis XV était soucieux de l’équilibre des Etats au niveau européen, ce qui justifiait cette décision. Marie-Thérèse a quant à elle tenté de préserver son héritage. Bien qu’elle ait participé au dépeçage de la Pologne en 1772, on ne peut qualifier sa politique d’expansionniste. Il en va tout autrement pour les deux autres souverains cités. Frédéric II, que Napoléon admirait, eut clairement la volonté d’accroître le territoire prussien. Cela passa par l’annexion de la Silésie aux dépends de l’Autriche. Ce territoire prospère fut un des principaux enjeux de la Guerre de Succession d’Autriche et de la Guerre de Sept ans. Frédéric II s’empara également des régions situées entre le Brandebourg et la Prusse, faisant la jonction entre deux territoire, suite au partage de la Pologne. Catherine II de Russie en tira également partie en gagnant l’est du grand-duché de Lituanie. L’impératrice de Russie mit également la main sur la Crimée suite aux guerres russo-turques. Toutefois, elle évita de s’attaquer directement aux grandes puissances continentales. Peut-on dire que l’Europe souffrit-elle de monarques trop expansionnistes ? Certainement mais pas uniquement au XVIIIe siècle car c’est toute l’histoire du vieux continent que l’on peut résumer par cette formule !

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Quelles sont les conséquences de la Guerre de Sept Ans pour la France ?

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La Guerre de Sept ans, qui s’est déroulée entre 1756 et 1763, oppose principalement l’alliance franco-autrichienne à celle formée par la Prusse et l’Angleterre. Elle se déroule à la fois en Europe, en Amérique du Nord et en Inde. Pour la France, cette guerre se solde par une défaite puisqu’elle perd toutes ses possessions en Amérique du Nord (vallée du Saint-Laurent et Louisiane) en grande partie au profit de l’Angleterre. Elle parvient toutefois à conserver Terre-Neuve et les Antilles. La marine française est décimée et la dette est colossale. La France s’efface devant l’Angleterre en parvenant néanmoins à préserver son commerce maritime, fondée, il faut le dire, sur le commerce triangulaire.
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Jésuites, jansénistes, athées…la question religieuse est-elle centrale sous le règne de Louis XV ?

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On peut même affirmer que c’est la grande question du règne car elle est politique. Et en particulier la question janséniste, héritage de Louis XIV. Demandée au pape Clément XI par Louis XIV, la bulle Unigenitus, fulminée en 1713, condamnait les propositions extraites des Réflexions Morales sur le Nouveau Testament du père Pasquier Quesnel, théologien janséniste. Le pape menaçait d’excommunier tous ceux qui soutiendraient ces thèses. Le texte heurta une partie de l’Eglise de France ainsi que le Parlement de Paris. Suite à la mort de Louis XIV, le Régent ne parvint pas à résoudre le problème. Sous Louis XV, cette crise s’envenima et les tensions entre les jansénistes et les partisans de la Bulle furent toujours plus vives atteignant une forme de paroxysme durant les années 1750 avec la querelle des billets de confession. L’archevêque de Paris exigeait en effet des moribonds qu’ils présentent des billets de confession attestant de leur adhésion à la Bulle. Ceci entraîna la colère des jansénistes et du Parlement de Paris qui prit plusieurs arrêts condamnant les auteurs des refus de sacrement. De nombreux parlementaires étaient en effet proches des jansénistes. Il faut avoir à l’esprit que les querelles religieuses favorisèrent une collusion du mouvement janséniste avec le milieu parlementaire qui déboucha bientôt sur une forme d’opposition à la monarchie.

Les parlementaires manifestèrent notamment leur puissance à l’occasion de l’expulsion de la Compagnie de Jésus, qu’ils rendaient responsables de la publication de la Bulle Unigenitus, vision un peu simpliste mais pas entièrement fausse. En outre, les parlementaires, majoritairement gallicans, éprouvaient une vive aversion envers les jésuites, qui prenaient directement leurs ordres de Rome. Aussi parvinrent-ils à manœuvrer efficacement et à profiter d’un contexte international défavorable aux Jésuites pour obtenir de Louis XV, quelque peu contraint et forcé, l’expulsion des Jésuites en 1764, événement majeur du règne de Louis XV.

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Epris de sciences, préférant les « petits appartements » que la vie de Cour au Château de Versailles, Louis XV est-il un monarque qui n’a pas adoré le pouvoir ?

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L’image d’un roi qui ne voulait pas gouverner, qui n’aimait pas le pouvoir, reste associé à Louis XV. Il y a de nombreuses raisons à cela. Tout d’abord la personnalité du roi, qui cultivait le secret, chérissait les moments de vie privée, prit semble-t-il un malin plaisir à corrompre les habitudes de la Vie de Cour, ce qui est d’ailleurs très contestable. Ainsi, les soupers dans les petits appartements était une manière, certes différente de celle de Louis XIV, d’assurer son emprise sur la noblesse. Ajoutons à cela qu’il était parfois en butte à une certaine mélancolie. Louis XV c’est également le roi qui refuse le gouvernement personnel et se repose sur Fleury durant la première moitié de son règne. La rupture avec Louis XIV semble totale. Tout cela pouvait laisser penser que le « dur métier de roi » lui était pénible. C’est en grande partie faux. Le roi n’a jamais répugné à exercer le pouvoir. Il avait une totale confiance en Fleury mais jamais il ne considéra son mentor comme le premier gouvernant du royaume et ils travaillaient bien entendu en étroite association. Enfin, Louis XV ne s’est jamais dérobé face aux décisions difficiles, que cela soit d’entrer en guerre, de mettre en place de nouvelles mesures fiscales ou de rétablir l’ordre intérieur en affrontant les parlements, comme en témoignent entre autres le discours de la flagellation en 1766 ou le coup de Maupeou en 1771. Il n’hésitait pas à remanier son gouvernement aussi souvent que cela lui semblait indispensable. Le roi enfin se passionnait pour la diplomatie et les affaires étrangères. Eut-il un rapport qu’on pourrait qualifier de voluptueux au pouvoir politique ? Certes non, mais jamais il ne se déroba face à ses responsabilités quand bien même il prit des décisions qui manquaient parfois singulièrement de finesse politique.   

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Au même titre que Louis XIV, des scènes de joie ont lieu dans les rues à l’annonce de la mort de Louis XV le 10 mai 1774. Comment le « Bien-Aimé » est-il devenu le Mal-aimé ?

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La rupture se fait à la fin de la décennie 1740 et au début de la suivante. Elle est soudaine. Rappelons que le surnom de « Bien-Aimé » lui est donné en 1744 lors de la fameuse maladie de Metz, qui vit le roi aux portes de la mort. Le royaume retenait son souffle et l’annonce de sa guérison provoqua une explosion de joie. La bataille de Fontenoy semble renforcer cette popularité. Or quelques années plus tard, Louis XV est devenu le Mal-Aimé. Ainsi, en 1750 alors que des enlèvements d’enfants se multiplient dans Paris, la rumeur dit qu’un célèbre prince en est à l’origine. Celui-ci se baignerait dans le sang des enfants pour conserver sa jeunesse. Le nom de Louis XV n’est pas explicitement cité mais personne, pas même la marquise de Pompadour, ne s’y trompe. Comment en est-on arrivé là ? Tout d’abord, dire de Louis XV qu’il fut le « Bien-Aimé » relève en grande partie de la construction d’un mythe. Le roi, depuis qu’il est en âge de gouverner, a toujours fait l’objet de critiques : on ne comprend pas qu’il ne gouverne pas par lui-même, on lui reproche ses maîtresses. On le sait assez peu mais la victoire de Fontenoy n’a pas suscité une adhésion populaire aussi enthousiaste qu’on a bien voulu le dire. L’accueil des Parisiens est mitigé en raison du siège de Louisbourg et de la perte de l’île de Cap Breton. On sait également que le roi n’a pas véritablement participé à la bataille de Fontenoy, qu’il n’y a fait que de la figuration. En vérité, au moment où on l’affuble du surnom de Bien-Aimé, il ne l’est déjà plus. Le traité d’Aix-La-Chapelle en 1748, que nous avons déjà évoqué constitue une étape capitale. La question du basculement de la popularité de Louis XV oblige également à appréhender un nouvel acteur politique du royaume difficilement saisissable, l’opinion publique ou plutôt, l’opinion populaire, thème central du grand livre d’Arlette Farges Dire et mal dire. Le peuple des villes, et en particulier de Paris, n’est plus dupe de la propagande, il s’intéresse de près à la question politique et comprend les enjeux des débats. Comment cette opinion publique se retourne-t-elle ? La naissance de cette opinion populaire n’est-elle pas un des causes profondes de l’impopularité grandissante du roi, que l’attentat de Damiens révèle au grand jour en 1757 ? Ce ne sont que quelques questions parmi d’autres qui, me semble-t-il, se posent encore sur le règne de Louis XV. 

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