Le pelage brun, le bonnet bleu et la salopette rouge à petits pois blancs, Petzi a su depuis l’après-guerre plaire son monde. Véritable icône BD danoise, le petit ours continue ses aventures sous le trait (aiguisé) du français Thierry Capezzone. Le phénomène dépasse les frontières et plaît aux enfants mais aussi aux adultes…
Petzi et ses compagnons n’ont pas fini de nous surprendre. L’ourson est publié en France aux éditions Caurette et a même des projets spatiaux…
Entretien avec le dessinateur Thierry Capezzone afin de mieux comprendre la popularité de ce petit Petzi.
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Comment Petzi est-il entré dans votre vie ?
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Petzi (en danois : Rasmus Klump) est une série de bandes dessinées danoises pour enfants créée en 1951 par le couple Hansen. Vilhem faisait le dessin tandis que son épouse, Carla, imaginait les histoires. J’ai repris la série en 2009, d’abord avec des livres illustres et des illustrations commerciales puis comme pure bande dessinée depuis 2017.
Je connaissais la série Petzi lorsque j’étais enfant. J’ai encore de vagues souvenirs d’un petit ours avec une culotte à pois blancs.
A partir du début des années 2000, j’ai été le dessinateur de la série H.C. Andersen junior. Le personnage au chapeau magique voyage dans ses propres contes et connaît une série d’aventures. Suite à mes réalisations, les propriétaires de Petzi à l’époque , les éditions Egmont m’ont contacté pour que je réalise des jeux consacrés à Petzi tels que des panoramas où il fallait coller des personnages. J’ai réalisé ces dessins pendant plusieurs années. Puis en 2009, mon premier album illustré Petzi « Mon nom est Petzi » est sorti.
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Est-ce Andersen Junior ou Petzi qui va donner envie de vivre dans un pays scandinave ?
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Je suis un grand voyageur dans l’âme. Suite à mes études universitaires, j’ai décidé de passer des années sur ma moto à explorer l’Ecosse, la Grèce, l’Autriche… J’ai toujours été très curieux vis-à-vis de la culture des autres. Puis lors de ma venue en Scandinavie, je suis tombé amoureux fou de cette région du Nord de l’Europe. La bande dessinée était peu publiée là-bas. J’ai alors pris la décision d’y vivre et d’y travailler comme artiste.
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Quelle est la place de Petzi dans la culture danoise ?
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Le personnage a bercé toutes les générations de Danois depuis 1951. Pourtant, Vilhem Hansen n’a dessiné Petzi dans des strips pour les journaux que quelques années seulement. Les histoires ont en fait été reprises au fil des ans par les Allemands, les suisses, les Belges ou encore les Français. Ce fut la fierté du Danemark.
Dans les années 90, à la mort des époux Hansen, de nouvelles aventures ont été proposées. Un important merchandising est centré sur Petzi. Via la licence, l’engouement est tel qu’un astronaute, Andreas Mogensen, va prochainement partir à bord de l’ISS avec une peluche. Petzi va donc même se rendre dans l’espace.
En tant que dessinateur, je constate que la popularité de l’ourson danois est encore plus folle en Suisse. Lors des festivals de BD, des personnes n’hésitent pas à attendre des heures pour obtenir un petit dessin du personnage. Petzi reste encore adoré hors du Danemark à travers la bande dessinée.
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Pourquoi Petzi est-il aussi populaire ?
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Il s’agit d’un monde d’enfants à l’abri de celui des adultes. Les personnages sont totalement libres et différents. Malgré les âges, tout enfant peut s’identifier à la personnalité d’un d’entre eux. Petzi ne donne aucune leçon et ne connaît aucun méchant. L’enfant comprend car l’ourson se met à son niveau. Petzi reste immortel tant que l’enfance restera simple. Vous ne le verrez jamais avec un téléphone portable… A moins que ca soit une boite de téléphone qu’il l aura construite lui-même.
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En tant que dessinateur adulte, doit-on faire un effort pour se mettre dans l’esprit d’un enfant ?
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J’ai 5 ans dans ma tête (rires). Je m’amuse tous les jours donc je ne veux pas grandir. Un jour, un enfant est venu me voir lors d’un festival pour me dire qu’il voulait être comme moi. En tant que dessinateur de littérature jeunesse, il faut rester un gamin et avoir un esprit Petzi.
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Petzi est-il devenu un peu Français avec votre dessin ?
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Petzi est 100 % danois. Toute réalisation autour de lui doit être approuvée par les Danois. Le moindre poster doit être autorisé. Par contre, j’ai toute la liberté pour dessiner Petzi.
L’enfance est internationale. Des petits américains, japonais ou français comprennent Petzi car il est simple et ne donne jamais de leçon.
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Pouvez-vous apporter une touche d’originalité voire personnelle avec Petzi ?
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On ne travaille pas le strip de la même façon que la bande dessinée. Le premier doit être simple et naïf – avec le moins de décor possible. Hansen avait créé le pingouin Pingo car le format était en noir & blanc et donc plus visible dans les strips dans les journaux aussi noir et blanc. Dans une bande dessinée, il faut ajouter davantage de matières. J’ai apporté plus de décors dans l’univers de Petzi. Mes études en physique et mathématique m’ont apporté de la logique. Je rends les inventions de Petzi plus réalistes avec davantage de détails et surtout j’aime m’amuser avec les perspectives et les décors…
Cependant, on ne peut réaliser de gros plans dans l’univers de Petzi (ni dans d’autres univers enfantins…).
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En tant que grand voyageur, avez-vous pu apporter plus de connaissances sur notre monde ?
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Petzi est toujours en recul par rapport aux personnes qu’il rencontre. Il souhaite toujours écouter et comprendre. Pour décrire le Pôle nord, Hansen dessinait juste quelques traits pour décrire un désert blanc. Pour l’Afrique, il n’y a qu’un palmier.
Mes voyages m’ont servi à apporter plus de détails. J’ai réalisé mon premier dessin de voyage sur l’île de Skye (Ecosse) J’étais en admiration devant un château en ruines. Lorsque Petzi découvre un nouveau lieu, je retrouve mes émotions. Je réalise prochainement un nouvel album avec le scénariste Yvan Molinaro qui s’intitulera « Petzi en Suisse ». J’imagine déjà des jets d’eau, des montages et des flots de chocolat et de fromage.
Avec Petzi, nous nous influençons l’un et l’autre. Je reçois beaucoup de messages émouvants. Un jour, quelqu’un m’a envoyé un mail pour me dire qu’en lisant « Petzi et le sous-marin » (1969), il avait décidé de devenir ingénieur en sous-marin. C’est très touchant.
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Avez-vous parfois été surpris par l’âge des lecteurs ?
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Toutes les catégories d’âges en Suisse lisent Petzi. Lors d’un de mes voyages à Lausanne, j’étais dans un compartiment assis en face d’un couple d’étudiants. J’ai sorti un livre de Petzi. Un des étudiants s’est alors écrié : « mais c est Petzi !!! J adore ! » Jamais je n’aurais pu imaginer une telle réaction de la part d’un jeune adulte.
A Genève, avec un ami, je me suis rendu dans un restaurant plein à craquer. Le responsable de l’établissement nous informe que c’est complet. Mon ami lui a dit que j’étais le nouveau dessinateur de Petzi. En quelques instants, le restaurateur a trouvé une table pour nous (rires).
Petzi donne des étoiles dans les yeux de tout le monde. J’essaye de conserver cet esprit que les époux Hansen ont éveillé.
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Par sa maladresse, Pingo est-il plus attendrissant que Petzi ?
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Graphiquement, Pingo étant noir & blanc et rondouillard, il est préféré. Lors des dédicaces, on me le demande souvent. Cependant, l’amiral, tout comme Riki, est également apprécié.
Chaque personnage a une couleur différente. Finalement, ils représentent les origines des enfants du monde.
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Pourquoi Petzi reste-il toujours aussi populaire ?
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Petzi reste le reflet de l’enfance éternelle. On ne peut le moderniser. Petzi reste avec son bout de bois, sa maman et ses amis…. Et ses crêpes !
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Quels sont les projets avec Petzi ?
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Le contrat se renouvelle tous les trois ans avec la sortie d’un album par an. Par conséquent, nous devons avoir une feuille de route bien préparée. « Petzi voyage sous terre » va sortir prochainement. « Les vacances de Petzi » sera, quant à lui, dans les kiosques en 2024 puis « Petzi en Suisse » suivra en 2025.
L’astronaute danois Andreas Mogensen amènera Petzi dans l’espace. Cela peut m’inspirer.
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Y’a-t-il la tentation de s’éloigner de Petzi ?
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Avec Petzi, j’ai la chance de faire autre chose en même temps. Depuis 2015, je réalise pour la Norvège une série qui s’appelle FLÅKLYPA. Les personnages sont très anciens aussi, mais le gros déclencheur a été un film en 1975, en stop motion qui a fait 4 millions d’entrées pour un pays de 4,5 millions d’habitants… une folie. Les personnages sont adorés là-bas. L’œuvre a même inspiré George Lucas pour son premier préquel de « Star Wars Episode 1 « La Menace fantôme » (1999). Je dessine pour cette série un style plus réaliste que celui de Petzi.
Je sors également des bandes dessinées historiques pour le Danemark – notamment sur la vie de la Reine et sur les Vikings.
J’aimerais un jour réaliser un one-shot de Spirou. Je voudrais proposer un trait typique des années 60. Mais ma plus grande envie serait de faire un album des aventures de Benoît Brisefer.