« L’absurde c’est la raison lucide qui constate ses limites » écrit Albert Camus. Au sein de nos sociétés strictes et chronométrées, il est toujours sain de faire appel à notre inconscient et de s’évader avec l’aide de nos pensées les plus fantaisistes. Le dessinateur Eric Veillé a réalisé cet exercice il y a plus de dix ans avec son album « Le sens de la vie et ses frères« . Entre Pornic et Le Pouliguen, c’est une réelle quête (surréaliste) qui s’est établie.

Entretien.

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En 2008, vous publiez votre première bande dessinée “Le sens de la vie et ses frères”. Comment est née une telle histoire avec vous-même comme personnage principal?

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J’étais salarié dans une maison d’édition, et sur un carnet Moleskine, j’ai commencé à dessiner quelques cases où je racontais ma vie au travail…, au bout de trois cases je me suis ennuyé, alors j’ai décidé de transformer la réalité tout en restant dans un ton «carnet intime».
J’ai ensuite rassemblé dans ce carnet toutes les idées qui venaient à moi en tentant de raconter quelque chose tout en racontant «n’importe quoi» et en essayant de me surprendre moi-même à chaque planche.

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Vous semblez jongler avec la poésie et l’absurde avec délectation. 
Cependant, le “n’importe quoi” nécessite-t-il de l’organisation?

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Oui, c’est un mélange entre des choses que j’observe, que j’entends et un jeu avecdessin2 les mots qui m’entraine vers l’inattendu, le décalage… Je laisse souvent reposer mes histoires jusqu’à ce qu’elles résonnent en moi et je fais en sorte qu’elles soient à la fois proches d’un moi et universelles.

Mon but est que personne ne voit venir les rebondissements au cours d’une histoire, même pas moi. Pour cela je fais des sortes de collages d’idées et de formes.

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Quelles sont vos inspirations (auteurs, cinéastes, styles) ?

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J’adore Shigeru Mizuki, la liberté dans son dessin entre le style extrêmement fouillé et réaliste de ses décors et le côté «comic» des personnages. Avec en arrière-plan, toute la culture des fantômes japonais.

Je suis aussi admiratif du travail de William Steig et de Saul Steinberg.

Des cinéastes que j’aime beaucoup : David Lean, Michael Mann, Sam Peckinpah, Alain Cavalier. Et je suis fou de Madame Bovary de Flaubert.

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Votre séjour au Cambodge a-t-il influencé votre vie d’artiste?

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Oui j’imagine, comme tout ce que j’ai vécu. Récemment des cigales vietnamiennes sont remontées dans une de mes histoires.

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Vous avez une idée fixe au sujet des Pyrénées?

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Il faut demander à mon inconscient, c’est lui qui décide. Mais les montagnes ont toujours de bons arguments pour passer une tête au-dessus des brouillards de ma pensée…

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Quelles furent les réactions qui à la lecture du “Sens de la vie et ses frères” vous ont le plus marqué?

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Ma grande sœur qui m’a dit après l’avoir lu : j’hésite entre « génial » ou « débile ».

Une dame qui m’a renvoyé le livre en annotant tout ce qui n’allait pas et ce qui était correct, selon elle.

Une fille qui m’a demandé l’autorisation pour se tatouer un dessin du livre. Je lui ai dit « oui bien sûr, est-ce que je pourrais voir une photo du résultat, si possible ? » Je n’aurais jamais dû demander à voir.

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Y’a-t-il une vraie joie d’écrire et d’illustrer des histoires pour enfants ou y a-t-il tout de même une vraie réflexion dans la création?

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Une joie et une réflexion comme dans tout travail de création. La vraie question, pour moi, est de vraiment parler aux enfants. De se mettre à leur hauteur et d’essayer de les faire rigoler ou de les surprendre…
Par ailleurs, beaucoup d’enfants parlent d’une manière poétique, naturellement.

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Quels sont vos projets? L’absurde reviendra-t-il?

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Je travaille actuellement à la suite du sens de la vie qui sera édité chez Cornélius bientôt en huit…

L’absurde reviendra toujours dans mon travail, car je n’ai pas le choix !

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