L’univers bande dessinée de Mathieu Sapin est une immense cour de récréation où l’on croise des personnalités telles que François Hollande, Emmanuel Macron, Gérard Depardieu mais aussi des personnages comme Akissi, Francis Blatte ou encore Sophie (et ses malheurs). Le trait typique du dessin jeunesse et surtout l’humour traversent les lieux sans aucun problème. Chez Mathieu Sapin, il y aura décidément toujours une excuse pour s’amuser.
Cette énergie attend son paroxysme avec la série de bande dessinée « Héros de la République« . Joann Sfar s’est associé à Mathieu Sapin dans une histoire de super-héros, de ninjas et de reptiliens. Mais où s’arrêtera cette aventure loufoque ?
Entretien avec Mathieu Sapin.
En 2009, vous illustrez le making-of du film « Gainsbourg (vie héroïque) » de Joann Sfar. Peut-on dire que depuis vous êtes constamment en reportage ?
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Je ne m’attendais pas à rentrer dans un tel engrenage. C’est la faute du dessinateur et éditeur Lewis Trondheim. Il a eu l’idée du livre sur le film. Je me suis engagé et je me suis mis à fond dans le projet. Cependant, je pensais que ce serait juste une parenthèse et que j’allais rapidement retourner à mes albums de jeunesse et d’humour. Cependant, ce making-of a eu un certain succès et cela m’a permis de travailler sur un autre projet « Journal d’un journal (les coulisses d’un journal Libération) » (2011). Ce dernier a été mon plus grand succès à l’époque. Ce fut ensuite le début d’une série de reportages presque malgré moi. Naturellement avec les contacts que j’avais obtenus avec Libération, je me suis penché sur la campagne présidentielle de 2012. J’ai ensuite rencontré Gérard Depardieu puis, j’ai fréquenté l’Elysée… Les lieux de pouvoir ont commencé à me passionner. Lorsque vous regardez des séries comme « House of cards » ou « Game of thrones », vous voyez un monde qui paraît lointain. J’ai été confronté au milieu du pouvoir et c’est assez impressionnant. C’est palpitant d’être aux premières loges.
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Vous êtes un adepte des bandes dessinées documentaires (tout en restant comiques). Avec « Héros de la République », le côté déjanté prend le dessus. Joann Sfar vous envoyait par bribes le scénario et vous ne deviez que le dessiner. Avez-vous été victime de l’esprit de Sfar ?
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J’ai été une victime consentante. Je rêvais de réaliser un vrai-faux documentaire. Je ne pouvais le faire seul. Le projet que Joann m’a proposé était parfait et nous avons changé d’éditeur pour le faire. Je me suis mis à raconter à Joann mes histoires et anecdotes et il s’est nourri de cela pour écrire le scénario. Personne d’autre n’aurait pu écrire cette histoire et en même temps elle était écrite sur-mesure pour moi. Au départ, on se rencontrait pour en parler Joann et moi. Puis, il y a eu les confinements et nous avons dû travailler à distance. Au fil des informations que je recevais de Joann par voie numérique, j’étais très curieux d’imaginer ce que mon personnage allait vivre.
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« Héros de la République » déborde d’intrigues, de sous-entendus. Peut-on avouer que Joann Sfar est un reptilien ?
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(rires) Il est plus que cela. Un jour, nous découvrirons que Joann est un « grand Ancien « .
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Le duo Nicolas Sarkozy/François Hollande est populaire puisqu’on le retrouve notamment dans le dernier film d’Anne Fontaine « Présidents ». Pourquoi un tel engouement pour les deux anciens présidents ?
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C’est l’alliance des contraires. Au même titre que Roger Murtaugh et Martin Riggs dans la série cinématographique « L’Arme fatale », ils sont différents de caractère mais c’est un duo qui marche. Joann a eu cette intuition alors que se préparait le film d’Anne Fontaine. Hollande et Sarkozy avaient participé à une une de Paris Match en 2005. Cela faisait un bon duo.
J’ai beaucoup observé François Hollande et Joann a utilisé dès le départ cette proximité. François Hollande a d’ailleurs lu notre bande dessinée et cela l’a fait rire. Il a même répondu à quelques questions au moment de la sortie de l’album.
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Qui est Yaacov Kurtzberg – ce Golem yankee ?
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Il porte le nom d’état civil du dessinateur américain Jack Kirby – créateur des Avengers. Joann a toujours voulu réaliser une histoire de super héros à la française. De plus, le Golem est un personnage récurrent dans l’univers graphique de Joann. C’est un vrai plaisir de détourner le réel pour aborder certains sujets.
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La couleur est très présente dans l’album avec un choix de couleurs pour notamment certaines cases. Walter, le coloriste, vit au Japon. Est-ce que ce fut difficile de travailler ensemble avec une telle distance ?
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Je connais très bien Walter puisqu’il avait déjà travaillé sur « Les Sardines de l’espace ». Nous avons réalisé ce projet avec également Emmanuel Guibert et Joann Sfar. Walter a été le coloriste tout le long des tomes des « Sardines de l’espace ». Il était pour moi le parfait coloriste du « Ministère secret » car il a une grande connaissance des comics. Les couleurs flashy sont par exemple typiques des premières aventures des Avengers.
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Avez-vous eu des réactions de la part de personnes qui font partie de l’intrigue (votre épouse, votre famille, Eric Cantona, Albert II de Monaco…) ?
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Mon entourage ne s’y attendait pas et s’en ait amusé. Même si l’histoire est délirante, c’est très documenté. Les lieux existent et certaines situations sont basées sur des faits.
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Votre projet cinématographique « Fake news » sera-t-il lié au Ministère secret ?
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Non. Ce sera bien plus réaliste et beaucoup moins délirant. Cependant, la réalité peut parfois sembler irréelle. J’aime justement traiter cette ligne entre la fiction et la réalité. Avec le film « Fake news », je veux aborder le monde des médias.
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Comment va se présenter « Trembler en France », la 2ème partie de Ministère secret ?
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Il y aura Carla Bruni, Charlène de Monaco, les Tchétchènes,.. nous allons changer de décor : Les personnages vont se retrouver aux Etats-Unis et dans le Pacifique. Ce sera très James Bond.
Avec Joann, nous travaillons déjà sur le tome 3. Je vais bientôt suivre, « avec mes crayons « , la prochaine élection présidentielle.
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Gérard Depardieu peut-il surgir à tout moment ? Peut-on imaginer un « Gérard 2 » ?
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J’aimerais de toute façon retravailler un jour avec lui. Cela pourrait être une nouvelle bande dessinée mais aussi un film ou un dessin animé.
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