« Les Bidasses en folie », « L’Aile ou la cuisse », « Inspecteur la Bavure », « Les Sous-doués », « Les Ripoux », « Astérix & Obélix contre César »,… Tous ces films à part entière sont également remplis de moments cultes du cinéma français. Tout au long de sa carrière, Claude Zidi a su s’entourer des plus grands acteurs : Coluche, Louis de Funès, Gérard Depardieu, Thierry Lhermitte ou encore Jean-Paul Belmondo. A chaque fois, une certaine magie s’est opérée. Plus qu’un réalisateur, Claude Zidi est un formidable conteur du cinéma.

Entretien réalisé le 3 mai 2021.

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En 1949, vous êtes par hasard témoin dans les rues de Paris du tournage « Rendez-vous de Juillet » de Jacques Becker. En 1953, vous voyez le soir le tournage de « Touchez pas au grisbi » avec Jean Gabin et Jeanne Moreau. Vous êtes également figurant dans « L’air de Paris » de Marcel Carné en 1954. Avant d’être un homme de cinéma, êtes-vous avant tout un observateur ?

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Je suis quelqu’un de curieux, j’aime observer mais sans plus. J’avais eu il y a très longtemps un projet de court métrage sur une rue regardée suivant plusieurs points de vue. Un flic qui observe un lieu voit par exemple autre chose que quelqu’un qui veut acheter un vêtement.

Je ne regarde pas vraiment les gens. Je ne suis pas à l’affût de conversations. Je me concentre surtout sur les objets, les immeubles, les rues ou la nature. Sur les tournages, j’observais surtout les metteurs en scène. Claude Autant Lara, assis sous la caméra, et qui montrait aux acteurs comment il fallait jouer la scène. Parfois c’était pendant la prise!

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Vous avez en effet tourné avec des metteurs en scène comme Claude Autant Lara, René Clément, John Frankenheimer mais aussi Jacques Demy, Agnès Varda ou encore Claude Chabrol (10 films). Vous n’avez pas voulu devenir vous-même réalisateur de la Nouvelle vague ?

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Devenir réalisateur c’est une question de circonstance, de rencontres et d’occasions. A cette époque, cela ne s’est pas présenté. J’ai été assistant réalisateur, caméraman, directeur de la photographie,…J’attendais juste que l’opportunité se présente.

J’ai pu vivre des expériences différentes. Avec « Le train » (1964), l’argent ne compte pas et vous tournez pendant un an. Je ne me suis pas inspiré des méthodes de John Frankenheimer. Avec Claude Chabrol, il y avait plus de restrictions.

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Quelle fut votre expérience sur « Le jour le plus long » (1962) ?

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J’étais assistant opérateur dans une grosse équipe de tournage. C’était une véritable « machine de guerre » au milieu de champs de bataille reconstitués. L’ensemble était fascinant. Les moyens étaient considérables et vous voyez passé tous les plus grands acteurs américains de l’époque comme John Wayne, Robert Mitchum ou Henry Fonda. Je n’aurais jamais pu imaginer les voir de ma vie et tout d’un coup, je me retrouve à 50 centimètres d’eux car je dois faire une mise au point avec un décamètre.

Chaque jour avait un autre décor et une autre ambiance.

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Cela vous changeait donc des films de Claude Chabrol…

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Cela n’avait rien avoir en effet. Même si j’aimais tourner avec Chabrol car nous étions souvent en extérieur et il y avait un vrai esprit d’équipe. Nous pouvions rester 2 mois dans un village en vivant les uns sur les autres. Nous tournions toute la journée ensemble et nous restions ensemble pour le dîner et la soirée.

Ce qui est merveilleux avec les métiers du cinéma c’est la diversité. Vous pouvez connaître des ambiances totalement différentes.

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Vous réalisez votre premier film « Les bidasses en folie » en 1971. Il y a au total 4 films avec les Charlots. L’époque était propice à se moquer de l’armée et d’un monde trop adulte ?

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Il y a toujours eu des moqueries envers l’autorité. Je n’ai rien inventé… Mais comme nous étions après Maibidasses 68, il y avait un vrai désir de liberté plutôt que la la volonté que de se moquer. L’armée n’intervient qu’au milieu du film « Les bidasses en folie ». J’ai reculé ce moment exprès pour me concentrer davantage sur les moments de liberté des Charlots. C’était aussi la mode des groupes de copains à l’image des Beatles. Chaque jour, il y avait un nouveau groupe. Les Charlots sont surtout une bande de jeunes qui planent. 

Les conditions de tournage étaient formidables. Nous avons tourné au mois de juillet dans une petite ville normande qui s’appelait Falaise. Les habitants collaboraient très facilement – Falaise était comme un grand studio en plein air. J’ai également eu beaucoup de chance car pendant tout le tournage il a fait beau. Je connais bien la Normandie et le beau temps n’est pas garanti. Avec le mauvais temps, je ne sais pas du tout quel film j’aurais pu réaliser. Lorsque vous réalisez un film, il faut avoir de la chance dans tous les aspects.

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Avec « La moutarde me monte au nez » (1974) et « La course à l’échalotte » (1975), vous faites tourner ensemble Pierre Richard et Jane Birkin. Le duo fonctionnait-il à merveille ?

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Parfaitement. Chacun apportait une fantaisie bien adaptée à l’autre.

Lorsque j’ai imaginé le scénario de « La moutarde me monte au nez », je pensais faire tourner Jean-Paul Belmondo et Brigitte Bardot mais ils ont refusé. J’ai dû réfléchir à autre chose. J’avais connu Pierre Richard sur une série télévisée, « Agence intérim » (1969). Il ne représentait qu’une petite silhouette mais je l’ai remarqué avec ses grandes jambes avec une gestuelle très intéressante. On aurait dit un personnage de dessin animé. C’était de plus un excellent danseur.

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En 1976, vous réalisez « L’aile ou la cuisse ». Avec Louis de Funès ayant une santé fragile et n’ayant pas tourné depuis un certain temps, avez-vous senti une certaine pression pendant le tournage ?

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Il y a une certaine pression pour tous les films. Mais lorsque vous travaillez dans le cinéma, vous devez être inconscient. Je ne pensais qu’aux plans que je devais tourner – rien de plus. Je suis certes dans la réalité mais uniquement dans le champ de la caméra. Je regarde à gauche, à droite, en haut pour savoir si un nuage arrive mais seul le plan compte.

Pour Louis de Funès, un toubib était présent. De l’oxygène était probablement à proximité mais rien de plus. C’était avant tout un plaisir d’être face à Louis de Funès. C’était comme être au spectacle. Lors des scènes, je riais et cela lui plaisait d’avoir un spectateur dans la salle. J’ai toujours aimé cela. Même lorsque j’étais caméraman, il m’est arrivé de rire tout en faisant en sorte que la caméra reste fixe.

Lors de différents tournages, j’ai connu quelques pépins comme des acteurs qui se sont blessés. D’ailleurs, jelaile n’ai jamais aimé les cascades car vous ne savez jamais ce qui va arriver. J’ai toujours craint cela – à tel point que j’étais fou de joie lorsqu’un film se terminait. J’ai toujours eu la peur que le film  soit interrompu indéfiniment.

Dans « L’Animal » (1977), je me suis senti coupable lorsque j’ai demandé à Jean-Paul Belmondo de refaire plusieurs fois la scène de la chute dans l’escalier. Le lieu était aménagé : l’escalier avait été aménagé avec une certaine épaisseur de caoutchouc. J’ai demandé de Jean-Paul de faire un petit saut en l’air mais il a atterri sur la cheville. Résultat : il a eu une entorse. Jean-Paul a été soigné et malgré sa blessure il a fait une dernière chute.

Ce fut la même chose avec Jane Birkin dans « La course à l’échalotte ». Nous tournions dans une caravane et elle devait rentrer folle furieuse. La prise était bonne mais j’ai demandé à Jane d’être encore plus en colère. Elle a alors fermé la porte violemment et cette dernière est tombée sur elle. Son arcade sourcilière a alors saigné abondamment. Le sang a giclé sur mes baskets. J’étais épouvanté. Le tournage a été interrompu pendant 3 semaines le temps de la cicatrisation de Jane Birkin.

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Faut-il parfois rassurer les acteurs ?

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Il faut parfois savoir les rassurer et être très attentif en particulier avec certains petits rôles qui se retrouvent face à des stars. Là aussi il faut savoir les rassurer.

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Vous ne réalisez pas seulement les films, vous écrivez les scénarios. Pour « L’aile ou la cuisse », il y a une multitude de restaurants gastronomiques ou routiers. Vous connaissiez toutes les ambiances ?

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Je vais surtout dans les petits restaurants. J’adore les brasseries. Je n’aime pas le cérémonial des restaurants étoilés. Le milieu de la restauration était intéressant à explorer.

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Comment avez-vous eu l’idée des « Sous-doués » (1980) ?

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C’est grâce à mes filles. Elles avaient de mauvaises notes au lycée donc j’ai cherché une prépa pour qu’elles puissent réussir le bac. Mes filles ont invité à déjeuner deux de leurs amies qui avaient passé le bac l’année précédente. Elles m’ont raconté comme elles avaient triché. J’ai compris alors qu’il y avait un thème à développer.

Chaque année, le film passe à la télévision car il y a une nouvelle « clientèle ». Les bacheliers s’amusent à regarder « Les Sous-doués ».

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Avec « Les Ripoux » (1984), vous gagnez le respect de vos pairs. Cette comédie remporte 3 césars dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film. Après une trilogie, vous avez co-réalisé avec votre fils Julien la série « Les Ripoux anonymes » (2011). Les Ripoux c’est une histoire qui vous tient à cœur ?

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C’est plus une ambiance de tournage, un décor, des personnages et une histoire même. C’était une joie de retrouver Thierry Lhermitte et Philippe Noiret, de tourner dans les quartiers populaires et de narrer les petits magouilles entre voyous et flics. Pourquoi ? Peut-être que je suis un peu voyou mais comme je ne peux pas l’être dans la vie car j’ai la peur du gendarme, je transpose tout cela au cinéma.

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Qu’a apporté Philippe Noiret au film ?

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Lorsque j’ai écrit le scénario avec Simon Michaël, nous avons tout de suite pensé à Philippe Noiret pour leripoux rôle de René. Cette idée a influencé notre histoire. Ce fut un vrai déclic. J’ai eu beaucoup de chance que Noiret accepte. Le duo Lhermitte-Noiret paraît aujourd’hui évident mais au début ce n’était pas le cas. Noiret, venant du Théâtre National Populaire, avait des réserves pour jouer au côté d’un acteur de Café Théâtre. Puis, très vite, les relations furent excellentes avec Thierry. Ils ont même eu beaucoup de plaisir à jouer à nouveau ensemble.

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Le film « La Totale! » (1991) a inspiré Arnold Schwarzenegger et James Cameron pour leur film « True lies » (1994). Vous n’avez pas eu envie d’avoir une expérience hollywoodienne ?

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Non. Je connais Hollywood et cela ne m’a jamais tenté. De toute façon, ce sont les Américains qui vous demandent – pas vous? C’est eux qui viennent vous chercher. Les Américains veulent des metteurs en scène très techniques et virtuoses.

Ce fut très amusant de voir mon histoire transposée dans un film américain. James Cameron est un réalisateur extrêmement talentueux. Ce fut drôle de voir Thierry Lhermitte se grimer en Schwarzenegger. Depuis, il fait une belle carrière hollywoodienne…

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Avec « Astérix et Obélix contre César » (1999), vous dirigez une grosse production européenne avec Gérard Depardieu, Christian Clavier, Roberto Benigni, Laetitia Casta,… L’enjeu était de taille ?

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Ce fut une vraie joie de voir Gérard Depardieu en Obélix. Qui d’autre aurait pu jouer le rôle ? Gérard ne voulait pas le faire au début. Claude Berri a insisté. Nous avons alors dû tourner 5 minutes de film avec la musique, les costumes et les décors pour convaincre Gérard qu’il devait jouer Obélix. Nous avons même demandé à Daniel Auteuil de jouer Astérix (c’était l’acteur initial). Il fallait que Gérard se voit à l’écran pour voir si cela pouvait fonctionner. Il a alors accepté.

Ce fut amusant de réaliser cet « Astérix » mais je n’ai pas souhaité faire la suite. Je voulais passer à autre chose.

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Vous êtes-vous avant tout amusé au cinéma ?


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Merveilleusement. J’ai réalisé en plus des films qui ont amusé les autres. J’ai partagé cette joie. C’est fantastique d’écrire une histoire et d’imaginer la porter sur écran. Ce que vous avez écrit se matérialise avec les décors, les acteurs, la musique… Vous écrivez une histoire qui se passe en Chine et vous vous retrouvez à tourner à Hong Kong. N’est-ce pas merveilleux ? J’ai d’ailleurs fait « Banzaï » (1983) pour voyager. J’en avais marre de tourner à Paris. J’ai donc trouvé un thème : Un type qui n’aime pas les voyages mais qui est obligé de voyager au bout du monde.

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