Fermes, cabines de bain, bâtiments haussmanniens,… François Ravard est un dessinateur qui ne s’attache pas à un seul et même univers. Aussi à l’aise avec le polar qu’avec les instants de vacances au bord de la mer, l’artiste de Dinard se passionne pour toutes les ambiances. François Ravard peut également être qualifié d’audacieux puisqu’il n’hésite pas à s’engager dans de longs projets comme avec « Les mystères de la Vème République » ou encore avec la dernière bande dessinée de Nestor Burma, Les Rats de Montsouris, où, excusez du peu, François Ravard succède avec ses crayons à Emmanuel Moynot, Nicolas Barral et Jacques Tardi.

Entretien au pied de la statue d’Alfred Hitchcock à Dinard.

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Entre revolvers et maillots de bain, vieilles villes et plages de sable fin, y’a-t-il plusieurs styles chez François Ravard ou y’a-t-il plusieurs François Ravard ?

 

 

 

Depuis mes débuts en bande dessinée, il y a environ 15 ans, j’alterne entre le polar et le thème de la plage. Avec un de ces deux univers, j’ai l’impression d’apprendre toujours quelque chose qui va me servir pour l’autre. Réaliser une bande dessinée demande en général un an de travail donc j’aime varier les plaisirs.

J’ai toujours aimé le polar et plus particulièrement en bande dessinée. Je l’ai découvert avec le Nestor Burma, « 120 rue de la gare », de Tardi dans une librairie du Mans. Le polar est une façon d’aborder tous les sujets de société actuels et moins actuels. Avec Aurelien Ducoudray, nous avons notamment traité dans l’album « Mort aux vaches » de l’homosexualité dans un milieu ultra-conservateur, le banditisme, et rural. C’est discret mais tout de même présent. Avec les dessins, j’aime également l’humour. J’ai toujours l’envie de faire du populaire c’estàdire un genre qui s’adresse à tout le monde. Les dessins de plage avec ses personnages rocambolesques et ses instants particuliers traitent d’histoires que nous avons tous connues.

 

 

 

Est-ce un défi de réaliser une bande dessinée en noir et blanc ou au contraire très colorée ?

 

 

 

Avec Nestor Burma, je n’ai pas cherché à faire de vagues, pour rester dans la métaphore maritime. J’ai plutôt voulu m’inscrire dans une certaine continuité par rapport aux autres albums de la série, de Tardi, Moynot et Barral. Je me suis rendu chez Jacques Tardi pour échanger sur son dessin, sur le personnage, et pour avoirss quelques conseils sur la documentation. J’ai un dessin très rond naturellement donc je n’ai pas eu à forcer mon trait en adaptant. J’ai simplement travaillé avec les mêmes outils que Jacques. C’est une série grand public avec des lecteurs exigeants, très fidèles et attachés au personnage de Malet. Si on s’écarte trop de la ligne de départ, cela peut moins plaire… Cela dit il nous arrive qu’on reproche le contraire également. J’ai surtout voulu m’amuser et retrouver ce qui m’a plu lorsque j’ai ouvert mon premier album de Nestor, en terme d’ambiance, et j’ai pris un grand plaisir à dessiner ce personnage qui m’est cher !

 

Avec mes dessins de plage, c’est un autre terrain de jeu. Toujours avec beaucoup de rondeur dans le trait, j’essaie de mélanger humour et tendresse, ce qui m’amène dans un univers proche de celui de Sempé ou d’autres illustrateurs dont j’aime beaucoup le travail, comme Addams, Peter Arno, Voutch… Dans « Didier, la 5ème roue du tracteur » que j’ai réalisé avec Rabaté au scénario, on retrouve également toute cette gamme de couleurs et cette « poésie ». J’apprécie vraiment cet exercice de synthèse où dans une seule image, il faut raconter toute une histoire. Et en jouant avec le ping-pong, titre/image, on peut réussir à raconter, un avant, un présent et un après.

 

 

 

 

Avec les classiques « Le portrait », « Hamlet 1977 » ou encore Nestor Burma, y a-t-il un plaisir d’adapter, de transposer en dessin ?

 

 

La première fois que j’ai lu un Nestor Burma en bande dessinée, j’ai tout de suite eu envie de le dessiner et de m’amuser avec ce personnage attachant. Et lorsqu’on m’en a donné l’occasion ce fut un vrai bonheur ! Je le dois à Emmanuel Moynot, qui a été le premier à me le proposer et à en parler à Casterman.

« Hamlet », comme « Le portrait », c’était différent. Ce sont des albums de rencontre avec les scénaristes en question. Certaines fois, il arrive de se retrouver sur une envie commune. Mais j’aime travailler en binôme de façon générale en bande dessinée. Les projets sont longs, et cela permet de partager les doutes comme l’énergie. Je n’ai pas encore travaillé tout seul pour le moment mais cela ne saurait tarder !

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En 2013, vous travaillez avec Aurelien Ducoudray pour réaliser le recueil « Clichés de Bosnie ». Comment traite-t-on l’humanitaire et les cicatrices de la guerre ?

 

 

 

Pour traiter l’histoire d’Aurélien, il fallait que je me rende sur place, Je n’avais pas le choix. Avec notre amie Arlette (que nous suivons aux côtés d’Aurélien dans l’album), nous sommes partis durant l’été caniculaire de 2011. Nous avons exploré les villes qu’Aurélien avait traversées 10 ans auparavant.

J’ai voulu conserver là encore une rondeur dans le trait pour avoir un peu de légèreté, car le récit était déjà très dur et un dessin réaliste aurait sûrement plombé l’histoire. J’ai dessiné au crayon gras, à la manière de croquis, comme pour faire référence au carnet de voyage.

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Dinard et la côte bretonne vous inspirent ?

 

 

Je suis arrivé en Bretagne en 1996 alors que j’étais au lycée. Je suis normand d’origine mais les Bretons ont fini par m’accepter… Depuis je ne suis plus jamais parti. Je suis maintenant très attaché à la région et à certains rendez-vous incontournables, comme le Quai des bulles, que j’ai connu comme jeune lecteur, jusqu’à auteur aujourd’hui. Et la mer m’a toujours attiré également, c’est une source d’inspiration inépuisable.



 

 

 

 

Avec « Les mystères de la Vème République », vous abordez des sujets toujours douloureux comme la guerre d’Algérie…


 

 

Philippe Richelle, le scénariste est passionné par l’histoire politique française. Il excelle dans le polar également, alors lorsqu’il mélange les deux, cela fonctionne forcément bien. Je n’ai pas connu cette période pour ma part, mais beaucoup de lecteurs se sont retrouvé dans cette part de l’histoire, en nous apportant leur témoignage, une fois les albums sortis. Je ne m’étais jamais lancé dans un projet si long et avec un ton aussi réaliste. C’était un gros défi pour moi. Mais c’était aussi une belle occasion de m’amuser sur un décor que j’affectionne particulièrement, le Paris des années 50, cher à Nestor Burma !

 

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Avec « Didier, la 5ème roue du tracteur », vous avez abordé les problématiques du milieu rural. Comment peut-on illustrer la vision de Pascal Rabaté ?

 

 

 

J’ai grandi avec ses albums. C’est un de mes auteurs préférés. Je l’avais découvert avec IBICUS dans les années 90. Et c’est d’ailleurs cela qui m’avait poussé à m’intéresser à la littérature russe, et qui nous avaitdidier conduit, avec Loic Dauvillier, à adapter « Le Portrait » de Gogol en 2006. Pascal avait même accepté à l’époque de participer au second tome en réalisant certains petits tableaux qu’on retrouve dans l’histoire, pour notre plus grand bonheur, comme un joli clin d’œil.

J’avais également déjà dessiné le milieu rural avec « Mort aux vaches » ou « La Faute aux Chinois ». Un milieu qu’il a beaucoup raconté en bande dessinée. J’ai toujours eu l’impression de lire une partie de mon enfance en Normandie à travers ses albums. J’imagine que c’est pour cela que je me retrouve dans ses histoires. Il parle des gens avec beaucoup de simplicité, à tel point qu’on a l’impression de les connaître ou de les avoir croisé. Et lorsque l’occasion de le rencontrer s’est présentée, alors que nous avions le même éditeur, Futuropolis, j’ai sauté sur l’occasion sans savoir que nous allions travaillé ensemble. Ça, c’était la cerise sur le gâteau !
D’ailleurs, nous travaillons actuellement sur une nouvelle bande dessinée, « La loi des probabilités », qui verra le jour aux éditions Futuropolis. Un mélange d’humour, et de tendresse, un cocktail que j’affectionne particulièrement.

 

 

Après la campagne, vous avez traité Paris, en particulier le 14ème arrondissement, avec « Les Rats de Montsouris » (2020) – nouvelle aventure de Nestor Burma. Il fallait notamment garder le style graphique de Tardi et rester fidèle au roman de Léo Malet. Est-ce que ce fut un plaisir ? Beaucoup de pression ?

 

 

 

Depuis le début de ma carrière, Nestor Burma a toujours fait partie de mes envies. On retrouve même Nestor comme personnage en arrière-plan dans certains de mes précédents albums de la série des « Mystères de la 5eme République ». J’aime le personnage et sa présence.

J’ai rencontré pour la première fois Tardi dans une grande salle de réunion chez Casterman. Nous devionsLes-rats-de-Montsouris-Nestor-Burma-Malet-Moynot-Francois-Ravard-illu-personnage parler de l’avenir de Nestor Burma en bande dessinée. Tout le monde était présent : la direction, mon éditeur, Moynot, Barral… Tardi est arrivé en retard et s’est assis à côté de moi. J’etais un peu déstabilisé forcément… et sous pression, on peut le dire ! Mais c’était aussi une belle opportunité de le rencontrer. J’avais ramené quelques planches pour lui présenter mon travail, et parler de mes envies sur la série. Je savais que reprendre un personnage comme Nestor impliquait de respecter une certaine charte graphique effectivement, mais cela ne m’inquiétait pas, comme je l’ai dit précédemment, mon trait est très rond, et je n’avais pas à forcer mon dessin pour rester dans la continuité de la série.

 

 

Une fois l’album démarré, je me suis tellement amusé, que je n’ai pas ressenti de pression. Emmanuel m’a beaucoup aidé cela dit. Et le fait de travailler avec lui, m’a surement beaucoup rassuré inconsciemment. Jacques continue malgré tout à garder un œil sur les planches mais de façon bienveillante. Nous avons surtout échangé sur la documentation afin d’éviter les anachronismes.
J’espère réaliser une nouvelle aventure de Nestor après ma bande dessinée avec Pascal Rabaté.


 

 

Que peut-on faire et ne pas faire avec Nestor Burma?

 

 

L’essentiel est de s’attacher à l’univers crée par Jacques Tardi et ne pas trahir le personnage de Malet je crois. Il y a bien entendu des codes à respecter. Jacques Tardi veille à une certaine continuité pour les lecteurs. Le dessin d’Hélène, m’a notamment donné du fil à retordre, d’autant que j’ai appris que Jacques avait pris Dominique Grange pour modèle, l’épouse de Tardi.
À la sortie de l’album « Les rats de Montsouris », malgré la pandémie, le public a semble-t-il été au rendez-vous. J’ai eu en tous cas énormément de retours très positif sur notre adaptation des « Rats de Montsouris ».

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Quels sont vos projets?

 

 

En plus de mon projet de bande dessinée avec Pascal Rabaté, « La loi des probabilités », qui verra le jour aux éditions Futuropolis, je continue de présenter mes aquarelles dans ma petite galerie de Dinard : la galerie Alfred (en clin d’œil à la statue d’Alfred Hitchcok qui veille sur la plage de l’écluse à Dinard). Un deuxième recueil d’une cinquantaine d’aquarelles va sortir en juin prochain: « Vague d’amour », toujours aux éditions Glénat.

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Pour en savoir plus :

Le site internet de la Galerie Alfred à Dinard : https://lagaleriealfred.fr/a-propos/

« Les Rats de Montsouris » de François Ravard, Emmanuel Moynot, Jacques Tardi – Castermann 2020 https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums-nestor-burma/nestor-burma-13-les-rats-de-montsouris

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