Le confinement de 2020 fut vécu par chacun différemment mais pour un grand nombre d’entre nous, ce fut le moment de rererevoir les films de Louis de Funès (1914-1983). Les audiences à la télévision ont montré que ce fut le moment de rire avec lui. A l’instar des œuvres de Charlie Chaplin ou des Monty Python, ces films ne prendront jamais une ride. Même pour les plus jeunes générations, l’acteur comique reconnu dans le monde entier fait toujours autant rire. Mais pourquoi « Les aventures de Rabbi Jacob », « Le corniaud », « La grande vadrouille » ou encore la saga du « Gendarme de Saint Tropez » restent-ils aussi populaires ?

Entretien avec Philippe Lombard, auteur du livre « Louis de Funès à Paris, les aventures d’un acteur en vadrouille » (2020)

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Quelles sont les différentes inspirations de Louis de Funès durant sa carrière ?

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Sa première inspiration, avait-il coutume de dire, était sa mère. Elle piquait des colères qui étaient quasiment des sketches et faisait preuve de mauvaise foi ou d’hypocrisie. Autant de traits de caractère qu’il a utilisés pour ses personnages de grands patrons ou de haut-gradés. Comme tous les comiques, il observait beaucoup les gens autour de lui, dans la rue, dans son travail. « Le Grand Restaurant » (1966), par exemple, lui a été inspiré par son expérience de pianiste dans les bars et les restaurants ; il n’a jamais oublié les relations entre les patrons et les serveurs, les maltraitances, les dénonciations…

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Quel est le lien entre Louis de Funès et la ville de Paris ?

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Avant de se retirer au château de Clermont, près de Nantes, De Funès a vécu et travaillé à Paris depuis ses débuts, en tant que pianiste puis en tant que comédien. Il a fait à peu près tous les théâtres (Édouard-VII, l’Arbalète, Daunou, Montparnasse, Palais-Royal…). Lorsqu’il enchaîne les petits rôles au cinéma, il joue des Parisiens aux emplois modestes, il est un peintre de la place du Tertre dans « Monsieur Taxi » (1952) ou un barman de la porte d’Auteuil dans « Le crime ne paie pas » (1962). Mais lorsqu’il devient une star, le statut social de ses personnages va l’entraîner vers les hautes sphères. Il quitte les quartiers populaires pour les Champs-Élysées (« Carambolages » 1962), l’Opéra (« La Grande Vadrouille » 1966) et les Invalides (« Les Aventures de Rabbi Jacob » 1973). Et n’oublions pas que l’adresse la plus célèbre de tout le cinéma français, « 45 rue Poliveau » dans « La Traversée de Paris » (1956), est la sienne !

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Fernandel, Jean Marais, Jean Gabin, Bernard Blier, Coluche, Michel Galabru… Louis de Funès était-il un acteur appréciant le duo ?

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Il n’a pas formé un duo avec tous ces acteurs. De Funès avait des scènes avec Fernandel dans « Le Mouton à cinq pattes » (1954) mais était encore un second rôle. Galabru dans les Gendarme n’était pas non plus à égalité avec lui. Lorsqu’il tourne « Le Tatoué » (1968) avec Jean Gabin, ça ne se passe pas très bien, chacun veut tirer la couverture à soi. Le duo avec Bourvil sur « Le Corniaud » (1964) et « La Grande Vadrouille » fonctionne à merveille parce que ce sont deux grands comiques complémentaires, c’est ce qui fait leur force. Et Bourvil faisait rire De Funès sur le plateau !

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Le Corniaud de GerardOury avec Louis de Funes et Bourvil 1964

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Louis de Funès a-t-il été tenté par des rôles dramatiques ou c’était une limite pour lui à ne pas franchir ?

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Il n’a jamais voulu aller vers le drame, ni même actionner la corde sensible. C’était rédhibitoire pour lui, étonnement. Annie Girardot raconte qu’elle a voulu lui proposer une histoire que lui avait racontée José Giovanni à propos d’un détenu que tout le monde a oublié et qui a largement dépassé sa peine mais elle n’a jamais réussi à le convaincre.

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En tant que star, Louis de Funès avait-il un contrôle sur la réalisation des films qu’il tournait ?

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Quand il est devenu star au milieu des années soixante, il avait en effet la main sur beaucoup de choses. Il avait sans doute trop souffert d’avoir été dirigé par des cinéastes qui ne s’intéressaient pas assez à ses gendarmesuggestions et qui rataient les scènes dans lesquelles il était. Avec Jean Girault, le réalisateur des Gendarme, c’était un véritable duo. Il ne le dirigeait pas vraiment, De Funès n’en avait pas besoin, mais il avait le sens du rythme, du gag, du montage. Avec des gens comme Édouard Molinaro (Oscar, Hibernatus), l’acteur prenait un peu la réalisation en main…

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Appréciait-il les jeunes comiques tels que les Charlots ou la bande du Splendid ?

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Oui, il regardait ce qui se faisait de nouveau dans la comédie. Il appréciait les Charlots et un film avait même été prévu avec eux, « Merci Patron ! ». Il aurait dû jouer avec Pierre Richard dans « L’Aile ou la cuisse » (1976) mais il a finalement donné la réplique à Coluche qu’il appréciait beaucoup. De Funès aurait dû participer à « Papy fait de la résistance » (1983) avec le Splendid mais est mort avant le tournage (le film lui est dédié).

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Comment expliquer le succès si populaire de Louis de Funès après autant d’années ?

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C’est toujours difficile de comprendre pourquoi un artiste dure, pourquoi un film devient culte, pourquoi cette chanson et pas une autre, etc. ? Mais on peut avancer comme argument le génie de Louis de Funès, tout simplement. Son humour est universel car basé sur l’observation des travers humains. Des autoritaires, des obséquieux, des flatteurs, des lâches, on en connaît tous et on les subit, donc forcément, c’est un défouloir de les voir ainsi représentés. Et puis, il avait une telle inventivité que ses gags ne vieillissent pas.

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