La Mort est l’une des plus grandes interrogations de l’Humanité. Comme face à un immense mur, nous ne pouvons avoir le moindre indice sur l’avenir (ou non!) de notre esprit lorsque, usé ou détérioré, notre corps s’éteint. Cependant, il existe de nombreux témoignages de personnes qui ont eu une vision de ce qu’ils interprètent comme « l’au-delà ». Comme détachés de leur corps puis revenus, ils tente de raconter l’incroyable.

Parfois splendide, parfois terrifiante, l’expérience fascine car il ne trouve pas pour l’instant de réelles réponses de la part des scientifiques et qu’il peut mettre en scène l’imagination voire une certaine spiritualité. Arnaud Join-Lambert, Docteur en théologie et professeur à l’UCL (Université catholique de Louvain) nous éclaire sur ces Near death experiences

 

 

– Les religions font-elles mention des expériences de mort imminente (ou NDE) ?

 

 

Des récits de « voyage » existent dans la mythologie ainsi que sous certaines formes dans certaines religions antiques (Egypte, Grèce). Dans le bouddhisme, les NDE pourraient ressembler à cet état intermédiaire entre la vie et la mort, connu dans cette tradition. Les monothéismes ne les évoquent pas dans leur corpus de textes de références. Le récit par l’apôtre Paul d’une expérience mystique (dans sa 2e lettre aux Corinthiens 12,1-5) est parfois interprétée comme une sorte de NDE, mais c’est très marginal.

 

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– Les NDE sont-elles les mêmes partout dans le monde ou varient-elles selon la culture, la religion de chacun ?

 

 

 

C’est une question très intéressante et difficile. Les récits sont en effet rares dans le passé, et plus fréquents aujourd’hui en raison principalement des progrès de la médecine. Mais on constate que les éléments classiques composant les récits ont de fortes variables: impression de chaleur, mais parfois de froid; tunnel, mais parfois col de montagne ou souterrain; vision ou audition d’ange, mais aussi de divinités ancestrales comme dans le Grand Nord canadien; etc. Ces variantes sont le principal argument pour investiguer dans le sens d’une expérience intraduisible en mots; mais que la personne essaye de relater à l’aide de ses ressources culturelles et religieuses.

 

 

 

– L’espérance d’une suite de la vie après la mort peut-elle expliquer que l’esprit s’accroche à ce stade à une vision céleste, aux rencontres de proches et à un rappel des événements passés?

 

 

 

Cela fait partie des interprétations possibles. Certains scientifiques (sérieux) investis dans ce domaine évoquent aussi une forme de réflexe de défense du cerveau soumis à un stress extrême. En l’état de la recherche en neurosciences comme en sciences humaines, on est vite très limité face à ce phénomène.

 

L0037503 Man carrying load is stalked by death, as a skeleton, 1764

 

 

– Une NDE peut varier selon les sentiments de la personne. Certains se sentent débarrassés de la peur de la mort alors que d’autres ressentent un sentiment de terreur. Comment se présente une NDE négative ?

 

 

 

Les effets sur une personne ayant vécu une NDE sont en effet très variables. Cela dépend aussi de la NDE telle que vécue et racontée. Il semble que la majorité des personnes ait une vie plus sereine, plus centrée sur ce qu’elles estiment comme essentiel, parfois plus spirituelle. Mais ce n’est pas systématique. Une NDE « négative » peut aussi modifier un comportement. On qualifie ainsi une expérience ressentie négativement, donc marquée par l’angoisse, la peur, des images sinistres, du noir, du froid, etc.

 

 

– Selon vous, le terme d’Actual Death Experience est-il plus adéquate ?

 

 

 

Cela ne change pas grand chose. Je préfère le near, car les personnes qui vivent cela ne sont pas mortes. Elles ne meurent pas, mais s’approchent de la mort. La NDE ne dit pas s’il y a en effet quelque chose après ce moment. Ce n’est pas une preuve de vie après la mort, mais le témoignage d’une expérience vécue dans la phase du mourir.

 

 

 

– Y’a-t-il des différences dans la persuasion des NDE lorsqu’on est une femme, un homme ? Un enfant, un adulte ?

 

 

Persuasion ? Voulez-vous dire dans la conviction que l’on met pour relater l’expérience. Alors je n’en ai aucune idée. Ou la perception ? On rejoint alors la question sur la culture et surtout sur le langage disponible. La question a été investiguée pour les enfants, mais sans parvenir à des résultats fiables ou convaincants. Pour une éventuelle différence entre hommes et femmes, je ne connais pas de recherche sur ce point. Mais elles existent probablement.

 

 

– Selon vous, la science s’arrêtera-t-elle toujours là où la foi commence ?

 

 

Non. Ce fut le cas dans certaines situations dans le passé proche, et plus encore avant l’avènement de la science moderne de type empirique. En tout cas, un théologien chrétien Enrique_Simonet_-_La_autopsia_-_1890ne pourrait affirmer ceci aujourd’hui. L’exigence de rationalité est très présente dans les recherches sur la foi chrétienne dans sa cohérence interne et ses sources (la théologie). Les connaissances générées par les sciences et par la foi (expérimentée et interprétée dans une tradition) sont d’un ordre différent. Mais elles doivent rester en dialogue, au moins du point de vue du croyant. Pour notre sujet, les NDE ne sont pas un objet de foi, et donc il n’y a pas de « rivalité » avec la science dans ce domaine. Tous cherchent, chacun avec ses outils propres.

 

 

 

– En terme de théologie mais aussi de philosophie, que peut-on dire à quelqu’un qui craint la mort ? Qui craint de disparaître ?

 

 

 

Je ne dirai rien pour la philosophie, surtout parce que les approches sont très diverses. Pour la théologie, craindre la mort est plutôt un signe de bonne santé ! Je m’explique. Dans la foi chrétienne tout comme pour le judaïsme, la Bible affirme que Dieu ne veux pas la mort du pécheur mais qu’il vive (dans le livre d’Ezechiel). Jésus dit être venu pour sauver le monde. Cette annonce d’un salut possible et voulu par Dieu est constitutive de la foi chrétienne. La mort n’est pas la disparition ou réduction au néant. Cette promesse, même accueillie dans la foi par le croyant, n’enlève rien d’une saine crainte de la mort, la sienne comme celle de ses proches. Pendant des siècles, ce qui était le plus redouté était la mort soudaine, celle pour laquelle on ne s’est pas préparé, ni soi-même, ni les siens. Aujourd’hui, beaucoup vivent sans cela, mais ce n’est pas mieux. Comme le chante bien Jean-Jacques Goldman dans On ira: « Tous ces gens que l’on voie vivre comme s’ils ignoraient, qu’un jour il faudra mourir. Et qui se font surprendre au soir. »

 

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