A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, nous avons rencontré Sophia Hocini, journaliste pour le média Zone d’Expression Prioritaire (ZEP), auteure du livre « Une Française de fabrication » et jeune militante communiste afin de mieux connaître l’état des lieux de la situation des jeunes citoyens et des questions politiques qui les concernent.

 

 

– Qu’est-ce qu’une Française de fabrication ?

La première fois que j’ai entendu le terme de « Français fabriqué » c’était lors d’un discours de Marine Le Pen en 2012. Cela m’a blessée.
Notre communauté est très large et notre nationalité n’est pas seulement une question de papiers. Le terme de fabrication renvoie à la définition d’un français bancal en qui nous ne une-francaise-de-fabrication-sophia-hocinipouvons pas faire confiance.
J’ai alors décidé de répondre pour dire que Marine Le Pen se trompait. J’ai écrit un livre pour donner ma version. J’ai dû apprendre à être Française. Après mon départ d’Algérie, il a fallu m’adapter à l’ascension sociale, aux coutumes du pays, à la langue…
C’est facile d’être Française de souche alors que l’intégration, elle, est un long chemin ardu.
A 19 ans, j’ai voté aux élections mais je n’avais pas l’impression d’être totalement Française pour beaucoup. Même si, je me considérais féministe, j’avais une vraie interrogation sur ma propre identité.
J’ai voulu donner la parole aux immigrés et donner leur définition de leur propre identité française. Pour beaucoup d’entre eux, ils ont quitté leur pays d’origine pour des questions de sécurité, pour faire survivre leur famille.

 

– La parole chez les jeunes est-elle suffisamment libre ou il faut parfois accompagner afin de briser l’auto censure ?

Il y a des catégories de la population qui ne sentent pas légitimes de s’exprimer (femmes, jeunes, ceux d’origine étrangère). Il faut donner les outils en terme d’expression pour apprendre la langue française et briser ainsi les difficultés de tous les jours.
Il faut créer des espaces d’expression. Pour cela, il faut des personnes qui accompagnent sans infantiliser les personnes.

 

– Que disent aujourd’hui les quartiers populaires qu’ils ne disaient pas il y a 10 ans?

Je ne pense pas qu’il y ait de nouvelles revendications mais celles-ci sont formulées différemment. Il y a toujours les mêmes cris du cœur (travail, éducation, expressions). L’urbain a crée des ghettos et non l’inverse. Lorsque je vivais dans le quartier de la Sauvagère (10ème arrondissement de Marseille), je me disais « où sont les Français ? ». Pourquoi nous avoir installés ici alors que je ne voulais qu’une chose : rencontrer les Français.

 

-Y’a-t-il un réel intérêt pour les élections présidentielles chez les jeunes ? Quelles sont leurs plus grandes attentes ?

 

Oui un vrai engouement comme on peut le constater avec l’étude de l’Observatoire de la Jeunesse Solidaire de l’AFEV.
Plus que jamais, les jeunes se sentent concernés par la chose publique. Ils sont conscients que le choix définira l’avenir de la France. On vote pour un projet et je constate qu’il y a une vraie curiosité mais aussi de vraies inquiétudes.

Les jeunes veulent se sentir en sécurité avec un travail sécurisant, un meilleur cadre de vie, une vie de famille, du loisir et des voyages. Jamais les jeunes n’ont été aussi européens et pourtant très peu aujourd’hui ont les moyens de voyager.

 

– Quels sont les principaux obstacles du féminisme chez les jeunes ?

 

Malheureusement, soit il y a une éducation trop sexuée qui amène unSophiahe vision trop traditionnaliste ou soit il y a un capitalisme vif avec la chosification de la femme (les images véhiculées par la publicité sont un bon exemple).
Tout ceci crée de la violence envers les femmes. Voir la femme comme un objet normalise les comportements qui ne respectent pas l’égalité et les droits des femmes.

 

– Y’a-t-il un vrai intérêt de la presse professionnelle pour ceux qui écrivent chez ZEP ? Est-ce vu comme un témoignage ou un vrai travail de journaliste ?

 

Il y a de plus en plus d’intérêt de la presse mainstream pour la ZEP.
Nous avons des partenariats avec France Inter, Libération et le Huffington Post.
100% du contenu de la ZEP est écrit par des jeunes.
Ces témoignages sont relayés à la radio et dans la presse écrite.
Le travail est double car un témoignage a toujours plus de force. Il y a des écrits en cours des jeunes à la prison de Fleury Mérogis, dans les missions locales,…

 

– La France insoumise doit-elle devenir un vote utile ?

 

Non. Le vote utile est une bêtise car le vote c’est un choix et non une obligation. Penser « vote utile » c’est finalement donner sa voix au moins pire. La liberté est alors réduite et la parole confisquée.

J’apprécie le programme de la France Insoumise et pour cette raison, je serais déçue que cela devienne un vote utile.
Néanmoins, si un tel programme arrivait à persuader le plus d’électeurs possible malgré les nombreuses critiques de la presse, ce serait un véritable changement dans notre société.

 

– Que peut-on espérer pour le monde méditerranéen ?

 

La paix, plus de cohésion, plus de mixité. Ces différences, ce mélange des peuples que nous retrouvons dans cet espace est un vrai cadeau.
Il n’y a pourtant pas assez de synergie et de valorisation aujourd’hui.

La Méditerranée ne doit plus être un cimetière pour les immigrés. Elle doit redevenir un monde uni et ouvert. C’est en fait deux rivages, une mer mais aussi une même mère.

immigrés

 

 

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