La banlieue a-t-elle été un lieu indispensable pour la ville qu’elle entoure?
nouveau utile à la ville qu’avec l’explosion des emplois dits de services. Je considère que ce caractère peut s’apparenter au système des serfs au moyen âge. Les gens de banlieue sont en effet au service du centre ville avec fréquemment pour fonctions de garder les enfants durant la journée, pour nettoyer, livrer, conduire des transports en commun… Les banlieues retrouvent une utilité certes mais celle-ci est dégradante. Contrairement à la société industrielle où les ouvrier étaient les artisans d’une société nouvelle, idéale, et considérés par beaucoup comme à l’avant-garde de celle-ci, ceux qui vivent dorénavant en banlieue ne peuvent plus s’émanciper avec dans le système actuel. Des syndicats et des partis politiques, à gauche, avaient su concevoir une histoire dans laquelle la classe ouvrière était motrice du progrès humain. Cette vision a disparu. La banlieue est à présent perçue comme un lieu en perpétuelle difficulté. Ses habitants ont pour principale vocation de servir le reste de la population.De nos jours, ce caractère est moins prononcé. La banlieue est un espace relégué au même titre que les campagnes. Seule la bourgeoisie bohème y trouve un certain intérêt en y installant des friches et des jardins partagés.
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banlieue de pavillons. Il se retrouve finalement face à un paysage de tours et de cités. On retrouve également cet aspect de transformation urbaine dans le film « Buffet froid » (1979) de Bertrand Blier. La banlieue devient une vraie personnalité – une architecture démesurée qui écrase l’homme. Ceux qui habitent ces immeubles sont finalement des victimes. La classe ouvrière a disparu et ceux qui restent n’ont plus d’identité sociale et n’ont plus la force politique de contrôler ces immenses tours. Ils finissent écrasés par le lieu. C’est encore plus finalement par les cultures urbaines que la banlieue est devenue un lieu à part entière.Cependant, la période des arabicides (années 70) ne s’inscrit pas dans ce contexte. Les banlieues peinaient encore à s’exprimer. Les maghrébins dans leur ensemble étaient intégrés à la classe ouvrière.
Ce n’est qu’après que certains d’entre eux ont pu s’en extraire. La marche dite des beurs en 1983 a été le symbole de cette volonté de changement. En se dirigeant vers Paris à pied depuis Marseille, les manifestants tels que l’initiateur du mouvement, Toumi Djaïdja, découvraient pour la première fois les paysages de la France, et les français ordinaires. Lors de la deuxième marche, la mobylette a été utilisée et fut très vite perçue comme le moyen de transport qui permet l’émancipation, qui ne paraît alors possible pour beaucoup qu’en quittant ces banlieues.
Pour les jeunes maghrébins de France, les crimes racistes qu’avaient connu leurs parents dans les années 60-70 sont devenus insoutenables. En réponse, certains vont développer une nouvelle forme de violence mais d’abord tournée contre eux-mêmes. La consommation de drogues dures comme l’héroïne va ravager les banlieues au tournant des années 80-90. Pour beaucoup, la marche des beurs a alors été vécue comme une désillusion. La violence va ensuite changer : elle ne sera plus seulement contre soi-même mais aussi dirigée contre les autres. Les jeunes quittent la banlieue en prenant le train pour faire la fête en ville mais force est de constater qu’ils seront souvent rejetés. Les émeutes de Vaulx-en-Velin de 1991 ont d’ailleurs débuté car un jeune avait été refusé en boîte de nuit.
Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis tente de s’éloigner de cette image trop banlieusarde en développant notamment l’agriculture urbaine. Notre groupe proposait au contraire que la Seine Saint-Denis et la ville de Saint-Denis se proclament comme les « capitales des banlieues ». Le territoire possède des atouts indéniables.
Il faut également noter que, sous l’influence d’idéologies venant des Etats-Unis, nous pouvons constater l’émergence d’identités « raciales » au sein des banlieues françaises. On se reconnaît de plus en plus dans une couleur de peau et non plus seulement dans un territoire donné.
En 2010, l’ambassadeur américain Charles Rivkin vient en banlieue avec des stars comme Samuel L. Jackson ou Will.IAM pour tisser des liens et encourager les jeunes. Est-ce que ce fut un coup de pouce ou un coup de com?
antérieures de George W. BushEn 2008, Times magazine avait déclaré que la culture française était morte… sauf en banlieue. Suite à cet article, Olivier Poivre d’Arvor, responsable de Culture France Monde, organe du Ministère des Affaires étrangères, organise à Saint-Denis un événement sur les cultures urbaines et la diversité. Alors que depuis les années 50 les Etats-Unis utilisent le brain drain afin d’attirer les talents du monde entier, la banlieue française a suscité l’intérêt de Washington. Il est clair que le modèle américain séduit et certains issus des couches populaires se sont retrouvé à suivre outre-Atlantique des programmes de formation et rencontrer des personnalités de premier plan, alors qu’ils étaient dans une impasse en France. Depuis 2010 (et même pendant les années Trump), des membres de l’ambassade américaine à Paris oeuvrent dans les quartiers afin de trouver les perles rares. Les Etats-Unis ont été les seuls à recevoir durant des réceptions des centaines de jeunes de banlieue dans leur ambassade. En réponse, la France a tenté d’organiser des initiatives telles que « Nos quartiers ont du talent » ou l’événement « Rue » au Grand-Palais avec le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, en 2006. Ce fut cependant moins pertinent et moins séduisant que les manœuvres américaines. Le « Plan Marshall » pour les banlieues » voulu par Jean-Louis Borloo et à peine ébauché par Nicolas Sarkzoy a d’ailleurs provoqué beaucoup de déception.
L’effondrement de la classe ouvrière a entraîné dans sa chute l’image positive des banlieues. Le précariat ne peut en effet être valorisé. Le traumatisme post-colonial reste également fort. Les populations issues de l’immigration sont la majorité des habitants des banlieues. Les stigmates du racisme perdurent. Depuis les années 2000, l’islamisme les ont intensifiées.
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Même si les banlieues ternissent elles-mêmes leur image : les violences les plus fortes se retrouvent dans ces territoires, et à ce titre, la France s’américanise de plus en plus comme d’autres pays, à l’instar du Brésil, du Mexique. Le néolibéralisme sape les fondements de la société française. L’économie actuelle ne peut que provoquer des violences sociales. Les banlieues sont les premières à les subir mais aussi maintenant à les déployer. Durant les années 70, avec la libéralisation des mœurs, la découverte du Maroc ou de l’Afghanistan, la drogue n’avait pas encore l’image négative que nous avons de nos jours. Une décennie plus tard, les banlieues ont été les grandes victimes de l’héroïne. Aujourd’hui, la drogue est devenue une économie qui a la banlieue pour territoire de déploiement, faute d’autre économie. La violence urbaine est le résultat de tout cela.
La banlieue est un tremplin pour beaucoup mais d’un autre côté, la rénovation urbaine voulue par Jean-Louis Borloo, réalisée dans le but de faire revenir les classes moyennes, a surtout permis à certains de ceux qui pouvaient partir de rester. Par exemple, des jeunes devenus cadres ont en effet décidé de rester à proximité de leurs parents. Cependant, de nouvelles populations plus riches ne se sont pas installées dans ces banlieues.
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