Véritable phénomène de société à la fin du XIXème siècle jusqu’à la période de l’Entre-deux-guerres, le cabaret burlesque a été le reflet d’une forme d’insouciance mais aussi d’une véritable identité artistique et culturelle. L’effeuilleuse américaine Rosabelle Sélavy redonne vie au Paris populaire. Danseuse, acrobate mais surtout performeuse, elle monte sur scène afin de ramener une âme au spectacle. Vous pourrez voir Rosabelle lors de son prochain show au Théâtre Galabru, « Le Cabaret de la Mort » le 15 février 2026. Le monde du spectacle se renouvelle décidément sans cesse.
Entretien avec Rosabelle Sélavy, artiste totalement fun.
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Diplômée en Beaux-Arts et Histoire de l’Art de l’Université de South Florida, vous avez finalement décidé de venir vivre et travailler en France en 2015. Qu’avez-vous gardé d’Américain ?
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L’accent (rires). J’ai quitté les Etats-Unis il y a maintenant 10 ans. Quand je passe du temps avec des amis américains. Je me rends compte que j’ai changé. Je n’ai plus les mêmes centres d’intérêt.
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Quand êtes-vous devenue Rosabelle Selavy ?
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J’avais été auparavant artiste contemporaine. Je faisais de la sculpture et de la peinture. Je voyageais souvent afin de présenter mon travail. C’était une vie très différente. Puis, lors du festival Art Basel à Miami de 2009, j’ai présenté mes costumes. Ces tenues ont suscité un certain intérêt. Une artiste féministe, Jill McDermid, m’a alors invité à venir réaliser une performance artistique à New-York. J’ai aimé le défi et j’y suis restée pendant un mois. J’ai donc accepté. New-York était encore à l’époque la grande place des artistes montants. J’ai fait de nombreuses rencontres dans le milieu de la nuit. Les drag-queens m’ont notamment beaucoup impressionnée. Il y a eu enfin ma rencontre avec la danseuse burlesque et pin-up Dirty Martini. Un autre monde s’est ouvert à moi. C’était bien différent de l’ambiance autour de l’art contemporain. Il y avait beaucoup de joie, de fantaisie, d’excentricité mais aussi d’engagements politiques. Le burlesque est un excellent moyen d’expression. Vous utilisez votre corps comme œuvre d’art. J’ai donc renoncé à ma carrière d’artiste contemporaine pour une nouvelle vie plus drôle et plus aventureuse.
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Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme ?
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Il fait référence à l’artiste dada français naturalisé américain Marcel Duchamp. Il s’est crée un personnage, Rrose Selavy. Cette femme fictive était une œuvre d’art à part entière. J’ai donc imaginé que Rrose était comme ma grand-mère.
Mon pseudonyme est également en lien avec les travaux de l’historien américain Mel Gordon sur la période artistique de la République de Weimar. C’est un moment où l’érotisme se mêle à l’art.
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Paris est-il le meilleur endroit pour une effeuilleuse ?
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New-York avait été la ville parfaite pour le début de ma carrière. Malgré le fait que c’était la ville de Broadway, j’y ai trouvé une certaine solidarité. J’ai finalement choisi de m’installer en France car c’était un pays qui était perçu comme un bon foyer pour les artistes. Si vous vous blessez, vous pouvez être aidé financièrement. Paris est une ville avec ses bons et mauvais côtés. Il faut sans cesse s’adapter aux us et coutumes. Il y a beaucoup de compétitions ici.
En France, j’ai appris l’univers des petits théâtres et les cabarets. Pigalle reste un lieu de spectacles incontournable. J’admire les parcours de Joséphine Baker et Loïe Fuller, ces Américaines qui ont réussi en France. La Goulue est également une artiste qui m’inspire beaucoup.
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Qu’est-ce qui est le plus satisfaisant ? Faire rire ou émerveiller le public ?
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Je suis danseuse burlesque depuis 16 ans. J’ai pu constater les différents changements de l’activité. L’artiste Dita Von Teese a proposé quelque chose de plus commercial mais je n’ai jamais été intéressée par cette orientation. De nos jours, le comique est revenu sur scène. Je m’adapte toujours aux réactions du public. C’est parfois surprenant. Lorsque j’entre en scène avec mon costume d’araignée, je peux entendre des cris d’effroi. Il y a des arachnophobes dans la salle (rires).
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Tradition disparue durant les années 50, vous avez fait revivre le Cabaret de la Mort. Est-ce que ce fut le spectacle le plus poétique ?
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Oui. Le Cabaret de la Mort est vraiment le spectacle que je voulais monter. Etant auparavant élève aux Beaux-arts, je souhaitais présenter une œuvre esthétiquement belle. Le thème de la Mort renferme un grand nombre de croyances et de mystères. Pour l’aborder, il faut utiliser des métaphores et par conséquent de la poésie. Le corps se mêle au macabre. J’aime danser avec un squelette.
Je continue à réfléchir sur l’évolution de ce spectacle si universel.
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Y’a-t-il une gêne avec le fait de danser nue ?
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Le burlesque me permet de me sentir très à l’aise. Je suis certes dévêtue mais je suis très maquillée. Je me sens bien plus nue dans la vie de tous les jours que sur scène (rires). Le jeu des lumières vous permet également de vous cacher.
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Quelle est la chose la plus controversée chez vous ?
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A mon arrivée à Paris, j’étais perçue comme une artiste bizarre. Le burlesque américain n’était pas encore populaire. De nos jours, avec toutes les diversités du monde du spectacle, je passe pour une artiste normale (rires).
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Quelles sont vos envies ?
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Je vais continuer à mettre en scène des cabarets burlesques. Je veux y intégrer davantage l’histoire de l’art. Nous vivons des périodes difficiles. Pendant l’Entre-deux-guerres, le cabaret burlesque permet de s’évader du quotidien. Je crois sincèrement qu’il y a encore de la folie à déterrer et à remettre sous les projecteurs.
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Photo de couverture : © Didier Bonin







