Personnage iconique, photographe de légende, Martin Parr fait le portrait du Royaume-Uni (et le reste du monde) depuis les années 70. Ses sujets, ses cadrages et ses couleurs ont révolutionné l’image contemporaine (Nous avons eu l’occasion d’échanger avec lui l’année dernière – voici notre entretien).
C’est parfois critique, de temps en temps malicieux mais avant tout tendre. Tel un ornithologue, Martin Parr aime capturer avec son objectif et finalement se raconter à travers les autres.
Lee Shulman, fondateur et directeur artistique de The Anonymous Project (véritable panthéon de la photographie amateur) s’est lancé dans le projet d’un documentaire autour de Martin Parr. A la fois comédie et vraie étude de notre société, « I am Martin Parr » est aussi un film sur l’amitié. Lee Shulman et Martin Parr travaillent et partent en vacances ensemble.
Présenté lors du dernier Festival du film britannique et Irlandais de Dinard, « I am Martin Parr » est une œuvre maîtrisée et espiègle.
Entretien avec Lee Shulman, ami de Martin Parr.
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« Pour moi, l’artiste le plus important au monde est anonyme » Le documentaire « I am Martin Parr » est-il l’antithèse de votre projet The Anonymous Project ?
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(Rires) Nous sommes en fait tous Martin Parr. Beaucoup de spectateurs m’ont avoué qu’en voyant le documentaire, ils trouvaient qu’ils avaient beaucoup de points communs avec le célèbre photographe. Martin Parr a un tas de similitudes avec celles et ceux qu’il photographie. Il est resté quelqu’un de très simple et très accessible. Martin me dit sans cesse qu’il n’a pas encore pris la meilleure photo. Il ne se définit même pas comme un artiste. Il est juste un photographe.
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Comment êtes-vous devenu un proche de Martin Parr ? Comment est né le projet ?
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En 2019, je présentais certaines de mes œuvres à une exposition lors des Rencontres d’Arles. Martin était présent et nous nous sommes tout de suite bien entendus. Ce fut même fusionnel. Nous avons réalisé ensemble le livre « Martin Parr & The Anonymous Project – Déjà View » (Editions Textuel 2021) qui mélange nos photographies sans indiquer qui était l’auteur. Certains lecteurs nous confondent et cela nous amuse beaucoup. Avec Martin, je me suis interrogé sur la raison pour laquelle nous prenons une photographie. L’image touche profondément les gens. Nous, photographes, avons gagné la bataille culturelle et sociétale. On prend sans cesse des photos et on les partage sur les réseaux sociaux.
Au fil des années, j’ai observé Martin avec intérêt et j’ai eu envie de réaliser un documentaire sur l’homme. Il est si original, si drôle et si simple.
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Y’a-t-il plus Britannique que Martin Parr ?
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Il est en tout cas le représentant de la middle class. Il s’habille toujours de façon simple et insiste pour qu’à 16H nous prenions le thé ensemble.
Martin s’amuse à photographier des personnes qui se revendiquent très britanniques. Il y a par exemple des Indiens qui affichent une ferveur, voire un amour pour la monarchie anglaise.
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En le suivant, avez-vous perçu un regard différent envers Martin Parr ?
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Je partage la même obsession du travail de la photo que lui. Tous les jours, nous nous écrivons et nous nous échangeons sur notre travail. Martin peut être très critique envers les autres mais aussi envers lui-même. Il m’a dit que s’il réussit à faire 4 ou 5 photos correctes dans l’année, c’est déjà bien…
Martin est aussi quelqu’un de très disponible. Si vous vous rendez dans sa fondation à Bristol, il sera souvent là pour vous accueillir.
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Martin Parr est-il devenu une marque ?
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Il est mieux qu’une marque. Martin Parr est devenu un style. Quand on voit une photographie, on ne dit pas c’est très Cartier Bresson ou Lee Miller. Par contre, on peut indiquer c’est très Martin Parr. Que vous aimiez son travail ou pas, vous n’y êtes jamais insensible. Quelle consécration ! Martin est aussi une bête de travail. Il a publié plus d’une centaine de livres.
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Est-il cynique ?
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Martin aime les petites blagues. C’est un enfant qui aime rire des scènes dont il est témoin. Martin peut rester des heures sur le même lieu pour prendre la bonne photo.
Dans « I am Martin Parr », je l’ai filmé sans artifice. Il y a une scène où Martin prend une photo et avec le chemin en pente, son déambulateur se met à rouler tout seul. Cela peut être comme cruel de montrer une telle scène mais c’est finalement très drôle. Martin a beaucoup ri en voyant cette scène.
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Brexit, Trump, selfie, food porn,… Le monde d’aujourd’hui est-il devenu un mauvais écho au travail de Martin Parr ?
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Il a vu les modes émerger avant tout le monde. Martin est avant tout un témoin (génial) de son temps.
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Avez-vous changé sur le plan artistique au contact de Martin Parr ?
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Il est à présent dans ma tête. Nous avons même passé cet été des vacances ensemble au Pays de Galles. Avec la Fondation Martin Parr, je vais publier l’année prochaine un livre sur mon travail au Royaume-Uni. Dès que je fais un projet, je le montre à mon ami Martin.
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Photo de couverture : © Lee Shulman
