Par de courtes vidéos, des messages percutants et une véritable passion pour la langue française, Mapoésieenvers a réussi à connaître le succès sur Tiktok et Instagram. Avec un slam prenant, une mise en scène soignée, une voix solide et une belle traduction du lexique soutenu et politique, Agathe joue avec les mots et nous donnent envie d’en savoir sur sa poésie en vers. Et ce n’est que le début…

Entretien avec Mapoésieenvers.

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Comment se porte la langue française selon vous ?

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Très mal. Le niveau de français des jeunes s’est fortement dégradé. Ma sœur qui est enseignante en école primaire constate que les parents d’élèves baissent les bras.   L’état actuel de la langue française ne doit cependant pas être une fatalité. Lorsque j’ai eu l’idée de créer un compte sur les réseaux sociaux, j’avais l’envie de faire de la pédagogie à ma manière. En traduisant le lexique et le discours des femmes et des hommes politiques, je veux faire en sorte qu’ils soient mieux compris par tous.

Je suis issue d’une famille où l’éducation était une priorité. J’ai toujours eu de très bonnes notes en classe. Ma grand-mère était actrice. Son nom d’artiste était Michèle Verez, Son élocution et ses connaissances de la langue française ont toujours été des références pour moi. A tel point que je propose sur Internet une formation sur l’art du savoir-être.

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La poésie reprend peu à peu sa place. Des jeunes se retrouvent dans des cafés pour écouter quelques vers. La poésie rassemble-t-elle plus qu’un autre genre littéraire ?
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Je n’en suis pas certaine. La poésie (je fais surtout du slam) rassemble tout comme la lecture. Il y a cependant une sensibilité à part car il y a des sonorités et des émotions qui sont révélées. 
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Quelle est la force du slam ?

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C’est un art plus brut, plus oral que le poème. On peut se détacher des rimes et des vers. Le slam permet de diversifier les écrits. Les artistes américains m’inspirent beaucoup. Le slam est né aux Etats-Unis. Lorsque ce nouveau genre est arrivé en Europe, il a été mal accueilli par les poètes.

Le slam rassemble un plus grand public. Mes vidéos sont autant regardées par des quarantenaires que par des adolescents. Lorsqu’on observe mieux les lectures – il y a environ 25% de spectateurs par chaque tranche d’âge. Je ne suis pas certaine que la poésie aurait autant rassembler. Elle aurait sûrement intéressée plus un public féminin que masculin. Le slam, quant à lui, atteint les deux sexes.
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Depuis quand remonte votre amour pour la lecture (même à voix haute) ?

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Ma grand-mère était une passionnée des mots et m’a transmise cet amour. Mon grand-père était aveugle et avait l’habitude de me raconter des histoires quand j’étais enfant. Les deux ont été des passeurs de mémoires et de passions.

Depuis, j’adore lire.

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Qu’est-ce qui vous inspire pour vos vidéos ?
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C’est avant tout les rencontres. La semaine dernière, j’ai par exemple assisté à une lecture à voix haute du comédien belge Félix Radu. Face à son public, il a avoué qu’il était autiste. J’ai moi-même eu ce diagnostic alors que j’étais jeune. Lorsque j’ai entendu cette confession, j’ai eu envie d’écrire un slam. Ma vie quotidienne m’inspire. Mes écrits sont avant tout autobiographiques. Il y a une part de fiction mais bien souvent masquée par l’utilisation de la première personne du singulier, Je. Dans un de mes formats vidéo où je veux faire découvrir des mots de la langue française, j’ai traité du terme Sapiosexuel. D’emblée, le public a cru que je l’étais moi-même. Ce n’est pas le cas. 

L’utilisation du mot « je » apporte plus de force et plus d’impact.

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Raconter sa vie, avec ses joies et ses malheurs, est-il le plus essentiel car le plus sincère ?

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Je suis d’accord. Il y a une part de risque avec les réseaux sociaux. Vous n’avez aucun contrôle sur l’interprétation de votre discours. Contrairement aux écrivains, avec TikTok et Instagram, j’ai un retour direct de mes vidéos. Les followers commentent tout de suite. Je constate que certains ne comprennent pas mon postulat de départ. 
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Emmanuel Macron (ou en tous cas ses mots) est-il un très bon sujet à étudier ?

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Il est l’une des personnalités les plus présentes sur mon compte même si je trouve que Nicolas Sarkozy est une personnalité encore plus intéressante. Il a plus d’éloquence.

Je me souviendrai toujours du débat d’entre-les-deux-tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Ce dernier a sorti une myriade d’expressions que peu de jeunes français connaissent. J’ai moi-même été perdue parfois. Les propos des politiques doivent être traduits.

Emmanuel Macron avoue lui-même souffrir d’une certaine incompréhension. Le montage de vidéos le présenterait comme une personnalité hautaine voire hors-sol. Finalement, quand on étudie l’ensemble des discours du Président de la République, on peut remarquer une élocution soutenue et donc peu d’accessibilité. C’est sa personnalité et Macron s’en excuse parfois. Il ne devrait pas – c’est son éducation.
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Alors que le monde devient totalement imprévisible, l’actualité se nourrit de mots et d’expressions. Y’a-t-il trop d’abus verbaux ?
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Donald Trump utilise un vocabulaire assez simple afin de mieux être compris et de mieux détruire ses adversaires. Face à Kamala Harris, le fossé était gigantesque. Chez Trump, il n’y a qu’un sujet, un verbe et un complément pour chaque phrase.

En France, par contre, on ajoute une certaine grandiloquence. Les séances à l’Assemblée nationale se rapprochent parfois du concours d’éloquence afin de masquer une certaine misère.
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Quels sont vos projets ?

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Des maisons d’éditions m’approchent pour différents écrits. On me propose d’écrire un roman, un manuel d’éloquence ou encore un recueil de slams. Ce dernier m’intéresse plus particulièrement.

Avec le temps, j’aurai peut-être envie d’écrire un roman mais cela attendra.
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