Dessinateur, illustrateur et peintre du format grand large, Olivier Ledroit s’intègre dans l’univers des « Fleurs du mal » (1857). Le chef d’œuvre de Charles Baudelaire intrigue toujours car il mêle merveilleusement dans ses vers la noirceur et la beauté. Avec son livre « Les Fleurs du mal« (Editions Glénat 2025), Olivier Ledroit propose un regard singulier sur l’univers du poète et va même plus loin, à travers le prisme de son propre univers graphique. Des créatures spectrales envahissent un Paris ancien et fantastique.
Au moment du lancement du livre, début novembre, la Galerie Huberty & Breyne a exposé les œuvres mélancoliques et merveilleuses – Pendant quelques jours, un autre Paris est sorti du livre.
Après la sortie de la rétrospective « La Songe des nefs » (Editions Glénat – 2025), notre entretien-portrait, notre étude d' »Au-Delà des contrées du crépuscule », échanges avec Olivier Ledroit sur ses propres « Fleurs du mal ».
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« Les Fleurs du mal » est-il avant tout un hommage à une époque, à une ambiance baudelairienne ?
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Tout à fait. Dès le début, je ne souhaitais pas forcément illustrer fidèlement le livre de Charles Baudelaire. Comme beaucoup, je l’avais lu durant ma jeunesse. J’ai surtout découvert l’univers de Baudelaire grâce à Serge Gainsbourg. Le XIXème siècle est une époque qui m’a toujours plu.
Avec « Les Fleurs du mal », j’ai capturé avant tout une ambiance du passé. J’illustre l’Opéra Garnier alors qu’il n’a été construit qu’après la mort de Baudelaire. Je ne souhaitais pas être limité.
Par contre, je me suis totalement plongé dans le macabre et l’onirisme chers à Baudelaire. Le fait qu’il avait traduit de l’anglais au français Edgar Allan Poe a enrichi mon style graphique. Le titre même, « Les Fleurs du mal », est à la fois beau et sombre.
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Les mots vous inspirent visuellement ?
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J’ai commencé le projet sans avoir relu le recueil de Baudelaire. J’ai d’abord laissé place à mon imagination. Ce n’est qu’à la moitié du projet que je me suis penché à nouveau sur les poèmes.
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Les couleurs ont-elles été un choix difficile ?
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J’ai fait le choix d’utiliser peu de couleurs. Le vert ou encore le violet sont absents du livre. J’ai limité mon projet avant tout au noir & blanc, au sépia ou encore au rouge.
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Les œuvres frappent par leur taille – c’est une certaine démesure. Le beau doit-il être agrandi ?
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En premier lieu, j’ai pensé à réaliser une exposition. J’avais conscience que j’allais exposer dans une grande galerie, Huberty & Breyne à Bruxelles. Par conséquent, il fallait de grands formats.
Je ne voulais pas non plus réaliser que des toiles. Je souhaitais également présenter des croquis. C’était une façon d’ajouter une certaine spontanéité.
De plus, le livre est au format à l’italienne. Avec les dimensions, lorsqu’il est ouvert – cela donne des panoramiques de 80 centimètres. J’ai alors choisi des toiles en triple carré (1m50 sur 50). J’ai pu ainsi illustrer des regards très profonds (yeux de chat) ou des vues de Paris. C’est une ville qui m’inspire beaucoup. J’ai notamment vécu près du cimetière du Père Lachaise et lorsque je viens à Paris, je reste fasciné par la vue sur les toits. D’une certaine manière, le travail réalisé pour « Les Fleurs du mal » fait écho à celui de la série BD Le Troisième œil.
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Les femmes illustrées sont-elles avant tout des rêves graphiques ? Des femmes fortes ?
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Elles sont pour moi des figures abstraites. L’exercice est avant tout graphique. Je réalise des compositions autour de masse de couleurs.
Je m’inspire également des œuvres graphiques du XIXème siècle notamment pour les tenues et les chapeaux. Je triche parfois.
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Après le Métal Hurlant Spécial Hellfest, est-ce une musique plus douce ?
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Lorsque je peignais les toiles des « Fleurs du mal », j’écoutais surtout Erik Satie. Cela a pu créer une ambiance assez unique. Cela m’a changé puisque quand je travaille, j’écoute surtout de l’électro assez planante. Cela me donne un certain rythme. Le pinceau suit la musique.
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Avec « Druillet-Vampires », la figure du vampire n’est jamais loin ?
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L’œuvre « Les Fleurs du mal » fait écho aux vampires. Il y a un aspect certainement morbide. Les femmes que je dessine sont bien souvent des créatures fantastiques.
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Pourriez-vous imaginer des œuvres sans femmes ?
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Cela n’est pas encore arrivé. Même si elles peuvent sembler secondaires, les femmes sont souvent déterminantes dans mes histoires.
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Y’a-t-il un autre auteur que vous aimeriez illustrer ?
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Je réfléchis actuellement sur d’autres thèmes. Après avoir terminé le tome 13 de la série Requiem, j’ai pour projet d’illustrer un roman japonais du XIème siècle, « Le Dit du Genji ». Il aurait été écrit par l’écrivaine Murasaki Shikibu. Beaucoup décrivent ce roman comme le premier récit psychologique. J’aime l’ambiance de cette histoire. Il n’y a rien de guerrier. L’ambiance s’apparente même à du roman courtois – un homme très beau rencontre de très belles femmes dans de magnifiques jardins. « Le Dit du Genji » dépeint également des rêves et des cauchemars. Du point de vue esthétique, c’est une œuvre très inspirante.
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Image de couverture : © Olivier Ledroit







