Passionnée d’Histoire et d’archéologie, Minimaki est une artiste de la recherche. Le trait précis est nourri par une importante connaissance iconographique mais aussi par un plaisir de dessiner le fantastique. Papier, toile, carton ou même murs de rue – tous les supports sont utilisés pour mieux varier les ambiances et les environnements. Avec Minimaki, le tarot comme les écrits de H.P. Lovecraft ont trouvé de nouvelles visions.

L’imaginaire est décidément un miroir de nos réalités.

Entretien avec Minimaki, infatigable illustratrice.

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Quand est-ce que Marine est devenue Minimaki ?

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En 2018. Je venais juste d’être mère de jumeaux. J’ai quitté mon emploi afin de créer ma propre entreprise et de me permettre d’avoir plus de temps auprès de mes enfants. Je recherchais une certaine indépendance. En premier lieu, comme mon quotidien était rythmé par les petits à la maison, j’ai réalisé des illustrations orientées vers la littérature jeunesse. J’ai choisi le pseudonyme Minimaki car il était facile à retenir et assez mignon. J’avais pensé au début à Petit Sushi mais cette marque existait déjà.

Au fil du temps, j’ai pu créer ce qui me correspondait le plus. Je me sens aujourd’hui vraiment illustratrice. Je dessine ce qui me passionne et j’ai à présent un public spécifique. J’ai gardé le pseudonyme de Minimaki car c’est important d’être reconnue artistiquement, et assumer son évolution.

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© Minimaki

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Le dessin était-il une évidence pour vous ?

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C’est une catharsis dans le sens que je purge un grand nombre de choses. Je dessine et je griffonne tous les jours. Dès l’enfance, j’ai eu le besoin de m’exprimer ainsi.

Il m’arrive très souvent de dessiner, de redessiner la même image. J’ai une insatisfaction perpétuelle. C’est pour moi un enjeu de terminer une illustration, y mettre un terme je le vis comme quelqu’un qui s’en “contente”, et c’est difficile d’accepter de se stopper.

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Le quotidien vous inspire-t-il ?

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© Minimaki

Il est assez simple. Je ne me rends pas compte mais certaines personnes reconnaissent dans certains de mes portraits mes 3 enfants. Lorsque j’ai réalisé « le Forestarium – Mythes, légendes et explorations au cœur de la forêt » (2025), il y a un aspect très pédagogique. Même si j’ai dû poser un regard d’adulte assez pragmatique, le livre s’est construit avec la participation de mes enfants. Ils sont mon premier public.

L’autoportrait est également une image qui revient sans cesse car chaque jour, je me vois, je suis disponible pour moi-même. Par conséquent, mon quotidien m’inspire de façon inconsciente. Même dans le métro ou dans le train, je dessine et je regarde autour de moi. J’observe beaucoup autour de moi pour m’inspirer, et ceci, dans les situations les plus accessibles finalement comme prendre le métro.
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L’animal est-il votre plus grande source d’inspiration ?

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J’ai toujours vécu avec des animaux. Ce sont des modèles fascinants – même bien plus que le genre humain (rires).
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Quand avez-vous décidé de réaliser du street art ?

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J’ai toujours voulu explorer les libertés artistiques. J’avais notamment l’idée de dessiner des tentacules sur un mur comme si elles sortaient d’une poubelle. Lorsque j’ai effectué ce collage en pleine journée, les passants m’interrogeaient. Je répondais que c’était un projet pour les Beaux-arts et c’est passé (rires). En aucun cas, ce n’était une détérioration de l’espace public. Je voulais surprendre et j’ai eu des réactions positives.

C’était un plaisir de recevoir des photos via internet de mes réalisations des semaines plus tard. Le street art créé du lien, même de manière anonyme c’est ce qui fait sa force.

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« L’Océanium » et « L’Oracle de l’océan mythique » sont-ils une autobiographie avec votre jeunesse à Dieppe mais aussi sur l’Île de la Réunion ?
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Même si j’ai certes un lien fort avec la mer, mes livres ne sont pas des autobiographies. J’ai eu un intérêt pour ce travail car il touchait le symbolisme. Des légendes en Extrême orient ont de fortes similitudes avec d’autres de l’autre côté du globe. J’ai donc enquêté notamment à la BNF. Ensuite, j’ai vulgarisé et illustré à ma manière toutes les connaissances. C’était d’une certaine manière, un travail de partage.

Seulement 5% des océans ont été explorés. Ce sont par conséquent des mondes inconnus et qui méritent d’être davantage étudiés.

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Quand est-ce que les ténèbres envahissent votre travail ?

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J’ai parfois des périodes roses et des périodes noires. Cela se retranscrit dans mon travail. Même si j’ai ce bonheur de n’accepter que ce qui peut me plaire, je travaille également avec des éditeurs. Lorsque j’ai réalisé les illustrations du roman de Nathaniel Hawthorne, « La Lettre écarlate », j’ai plongé dans les ténèbres. Les éditions Tibert m’ont ensuite proposé de travailler sur « L’Appel de Cthulhu ». Cela m’a tout de suite inspiré. Cela a clairement fait écho à mes propres références littéraires et universitaires. En 2018, je ne me voyais pas commencer ma carrière dans un style sombre. J’ai d’abord commencé par illustrer le côté mignon de la forêt pour ensuite explorer les ténèbres. Cet univers me ressemble et je l’assume. Un grand nombre de mes lecteurs m’ont suivie. 

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© Minimaki

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H.P. Lovecraft est-il un monstre parmi d’autres ?

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Contrairement à Edgar Allan Poe, il n’est pas dans la recherche d’un certain romantisme. Lovecraft est un auteur de la froideur. J’aime également son côté méticuleux et scientifique. Ses histoires tournent bien souvent sur le non-dit et du subjectif. Lovecraft est une merveille pour les illustrateurs car il laisse une grande place à l’imagination.  
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L’indicible est-il devenu simple à illustrer ?

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Les œuvres de Lovecraft sont tombées dans le domaine public. Un grand nombre d’artistes ont donc illustré maintes et maintes fois son monde. Par conséquent, lorsque j’ai dû illustrer « L’Appel de Chtuhlu », j’ai pris la décision de n’ouvrir aucun livre. Je voulais garder ma liberté d’interprétation et de rester au plus près des écrits de Lovecraft.
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© Minimaki

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Avez-vous donc féminisé « L’Appel de Chtulhu » (2024) ?

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Pas du tout. Je pense même avoir retranscrit ma part masculine dans ce livre. Cela m’a fait du bien de réimaginer une littérature que j’aime particulièrement : les vieux comics ou encore « Sin City » (2005) de Frank Miller. Ce sont des œuvres spectrales et pas forcément faciles d’accès car en noir & blanc.

De plus, la pieuvre est mon animal totem. C’est un être si passionnant. J’aime dessiner la pieuvre partout.   
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Le tarot est-il un univers infini et donc passionnant ?

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Absolument. L’Histoire et le symbolisme se mélangent parfois avec le tarot. J’ai étudié celui des Visconti-Sforza, proche des enluminures du XVème siècle. C’était un tarot qui était offert lors de cérémonies fastes. Les images pouvaient même représenter les membres d’une grande famille. Les cartes par conséquent permettaient de créer du lien dynastique. J’ai toujours aimé me noyer dans une époque donnée afin de comprendre le sujet.

L’aspect initiatique et divinatoire du tarot se développe surtout au cours du XIXème siècle. Lorsque je réalise de telles illustrations, je pose un regard assez neutre sur des faits historiques. C’est ensuite que je peux tirer une interprétation des symboles du tarot.
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Quelles sont vos envies graphiques ?

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D’un point de vue personnel et artistique, j’ai toujours recherché du sens. Pendant des années, j’ai beaucoup travaillé les aquarelles et les couleurs. A présent, afin d’améliorer ma narration, j’ai envie de développer un dessin en noir & blanc.

La bande dessinée est un objectif mais pour l’instant, je m’attache à l’illustration. C’est un univers que j’adore mais il est passionnant de pouvoir raconter une histoire et des émotions avec une seule image. L’illustration est une formidable fenêtre vers l’imagination et un lien magnifique avec le lecteur.
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© Minimaki

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Image de couverture : © Minimaki

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