Acteur depuis le début des années 90, Götz Otto a su relever de nombreux défis : Théâtre, cinéma et même récemment opéra avec « Die Carmen von St. Pauli ». Il y a chez ce « géant » allemand, une élégance certaine et une envie de sans cesse se dépasser.
Avec « La Liste de Schindler » (1993), « Demain ne meurt jamais » (1997), « L’Artiste et son modèle » (2012), Götz Otto se révèle également comme un artiste international. Tatoué sur son bras gauche, les étoiles de l’Union européenne prouve de plus un profond attachement à l’identité de notre continent. Sa chaîne YouTube GoEurope2025 (en allemand et en anglais) est un hommage aux rencontres, aux voyages et à l’ouverture d’esprit. A bord de son véhicule de pompier, baptisé Mutti, Götz Otto sillonne les routes pour mieux comprendre le reste du monde. Dans la culture, le voyage est permanent.
Entretien avec Götz Otto, artiste de la passion.
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Le métier d’acteur a-t-il été une évidence pour vous ?
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Pas du tout. J’étais membre de l’équipe nationale allemande d’aviron. Mais j’ai été blessé à un genou. Il a fallu donc que je fasse autre chose de ma vie. J’avais lu à cette époque un livre qui décrivait le métier d’acteur à l’école d’art dramatique. Je n’avais aucune idée de ce que signifiait jouer la comédie mais la formation semblait être une excellente éducation pour la vie. Je n’ai pas eu besoin de m’engager dans la Bundeswehr ni dans le service civil. J’avais 18 mois de temps libre et par curiosité, j’ai contacté l’école d’art dramatique de Graz en Autriche et on m’a donné la chance de postuler. Après neuf auditions, j’ai été admis.
Les monologues me semblaient impossibles à retenir mais par défi j’ai travaillé. Au fil du temps, j’ai finalement trouvé l’exercice passionnant. Cependant, je n’avais aucune idée de la littérature théâtrale. J’allais simplement à la bibliothèque publique et j’en choisissais de longs passages. C’était très amateur. Mais finalement, j’ai été accepté.
Lorsque vous apprenez des textes, vous êtes face à vous-même. Même aujourd’hui, je vois le métier d’acteur comme un véritable défi. L’année dernière, j’ai dû chanter sur scène pour « Die Carmen von St. Pauli ». C’était au départ une idée qui m’effrayait. Je ne me sentais incapable de participer à un opéra. Finalement, j’ai adoré le faire. Vous devez affronter vos propres peurs. Echouer n’est pas la fin du monde – bien au contraire- cela peut être le début du succès.
En tant qu’acteur au cinéma et à la télévision, il est de nos jours difficile de trouver quelque chose d’aussi innovant.
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Votre rôle dans « La Liste de Schindler » (1993) a-t-il été une chance dans votre carrière ?
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Après l’école d’art dramatique de Graz, j’ai poursuivi mes études à Munich et j’ai également joué mes premiers petits rôles au théâtre Kammerspiele de Munich. Je vivais en colocation et, un jour, en rentrant, mon colocataire m’a dit qu’un certain « M. Fleischhacker » avait appelé de Vienne. Je ne connaissais pas de M. Fleischhacker et je n’ai pas pris son message au sérieux. Lorsque j’ai appelé quelques jours plus tard, j’ai appris que Fritz Fleischhacker participait au casting européen de « La Liste de Schindler », le nouveau film de Steven Spielberg. Le rôle pour lequel il m’avait initialement envisagé était déjà pris. Cependant, il m’a rappelé plus tard, et cette fois, ça a marché.
Je devais me rendre à Cracovie en Pologne pour le tournage. C’est comme cela que j’ai été engagé pour le rôle d’un garde SS. Ce fut ma première vraie expérience cinématographique.
J’étais effrayé par la caméra et de plus, je n’étais pas ravi d’endosser un uniforme militaire qui plus est nazi. Bien entendu, je connaissais les films de Steven Spielberg mais je n’ai jamais vu de photos de lui. Je l’ai rencontré lorsqu’il est venu me voir en costume de SS. Spielberg m’a demandé si je savais tirer au pistolet. Ne voulant pas décevoir, j’ai répondu que oui. Quand on est acteur, on doit savoir tout faire…
Ma première scène est celle où Ralph Fiennes interroge une poignée de prisonniers à propos d’un vol de poulet. Il abat pour l’exemple l’un des autres et je dois ensuite tirer une balle dans la tête du malheureux. On m’a installé un câble sous ma veste afin de donner l’impression que je tirais vraiment. La scène me terrifiait. Spielberg l’a remarqué. Je jouais un SS. Par conséquent, je ne pouvais montrer de la peur. Spielberg m’a pris à part. Il fallait que je me calme. Je devais même être à l’aise car je jouais un salaud. Cela m’a rendu encore plus nerveux (rires). Spielberg m’a alors dit : « Ne t’inquiète pas. Le caméraman va juste filmer ta main. Mais lorsque tu tireras, fais attention. La petite explosion pourrait te blesser. Protège tes yeux avec l’autre main ». J’ai donc joué la scène de façon plus décontractée.
2 semaines plus tard, j’ai pu voir les rushes et j’ai vu que l’on me voyait tout entier dans la scène. Le geste de la main prenait un autre sens – c’était comme si mon personnage était habitué, dégouté ou voulait éviter de recevoir du sang. Afin d’avoir la meilleure scène possible, Steven Spielberg a su jouer de moi. La production aurait très bien pu me remplacer pour cette séquence mais le réalisateur a trouvé le meilleur moyen de me rendre meilleur. Steven Spielberg est un immense directeur d’acteurs. Cette expérience m’a motivé encore plus. Après le tournage de « La Liste de Schindler », pendant au moins 6 mois, j’étais sous l’emprise d’endorphine. J’avais envie de recommencer. Tourner, c’est vraiment amusant.
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« Demain ne meurt jamais » (1997), 18ème film de la saga James Bond, a été un tournant dans votre carrière. Comment vous êtes-vous préparé au rôle de Stamper ?
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Peu de temps avant, je devais jouer dans un film de Paul Verhoeven, « Crusader » avec Arnold Schwarzenegger. Le projet n’est finalement pas allé jusqu’au bout donc j’étais disponible.

J’ai passé un casting auprès de la production. Je venais de me couper les cheveux pour un rôle à la télévision. La productrice Barbara Broccoli et son équipe m’ont donné 20 secondes pour les convaincre de m’engager. J’ai simplement dit « Je suis grand, j’ai le crâne rasé, je suis méchant et je suis Allemand. 5 secondes cela suffit ». L’histoire amuse toujours.
Je me suis teint les cheveux en blond très clair car mon personnage, Richard Stamper, devait être originaire d’Afrique du Sud. J’ai également appris que le scénariste de « Demain ne meurt jamais », Bruce Feirstein, avait piqué le nom du manager de l’hôtel Landmark de Londres. J’ai même pu rencontrer le vrai Richard Stamper. Ce fut amusant.
Depuis le tournage, je garde de très bonnes relations avec Pierce Brosnan.
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La sortie de « La Chute » (2004) a été un événement en Allemagne. Avez-vous une certaine pression ?
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Avant « La Chute », je venais de jouer dans le téléfilm « Goebbels und Geduldig » (2002). Ulrich Mühe joue 2 rôles : celui de Joseph Goebbels et son sosie juif, Harry Geduldig. C’était la première comédie allemande sur le nazisme. Auparavant, les films sur le sujet étaient intellectuels et en aucun cas légers. Le traitement profond de l’Allemagne nazie était tabou. C’est finalement par la culture que les sociétés analysent leur passé et évoluent. De nos jours, les gouvernements mettent de plus en plus à l’écart l’aide au théâtre et au cinéma. C’est une grande erreur.
Durant le tournage de « La Chute », nous avons senti que nous faisions un film qui allait faire grand bruit. Ce fut aussi un choc pour moi car je suis marié à une femme, Sabine, arrière-petite-fille d’un proche d’Hitler. Sa famille a conservé des portraits et des lettres manuscrites du Führer. Ce passé est très pesant et je tournais un film sur les derniers jours d’Hitler. La scène où Magda Goebbels empoisonne ses propres enfants a été une épreuve.
J’ai été très impressionné par le jeu de Bruno Ganz. J’ai proposé de lui fournir les lettres d’Hitler. Bruno était si concentré, si professionnel qu’il n’en a pas eu besoin. Lors des scènes du bunker tournées à Munich, nous, acteurs, attendions pendant des heures dans les couloirs. Bruno Ganz, assis dans un coin, restait impassible. Je tentais d’amuser les autres acteurs en faisant des grandes enjambées de clown. J’ai alors failli heurter le pied de Bruno. Alors que d’autres vedettes auraient crié au scandale, il est resté très calme. Ganz était si concentré qu’il ne pouvait se mettre en colère.
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Vous incarnez Otto Günsche, le garde du corps d’Adolf Hitler. L’avez-vous rencontré afin de préparer le rôle ?
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Günsche a refusé de me rencontrer. Probablement car il était encore nazi. De toute façon, je ne voulais pas être son double. J’ai fait le choix de l’interpréter. Il y avait une lourde responsabilité car même si « La Chute » était une fiction – cette dernière était tirée de faits historiques. J’ai tenu à jouer mon personnage comme un être humain qui fait de mauvais choix – ce qui le rend encore plus terrifiant. Günsche est profondément fidèle à Hitler et ne s’autorise jamais à douter.
Pour les scènes extérieures, nous tournions à Saint Pétersbourg, ville martyre de la Seconde Guerre mondiale. Entre les séquences, j’aime marcher, changer d’air. Cependant, pour « La Chute », comme je restais en uniforme nazi, je tenais à ce que l’on vienne me chercher en voiture. Il aurait été honteux pour moi de me promener dans une telle tenue dans les rues de Saint Pétersbourg.
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Que pensez-vous du regard des étrangers à propos des personnages allemands au cinéma ? La « fantaisie nazie » est-elle néfaste ?
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J’ai joué un nombre incalculable de fois le nazi. Ce n’est pas mon rôle préféré mais cela fait partie du jeu. S’il y a un personnage allemand dans un film et qu’il est gentil, pour le spectateur, c’est suspect (rires). Le méchant est un rôle intéressant à jouer car il a souvent quelque chose à raconter. Pour la série « Dignity » (2019-2020), j’ai joué le rôle de Paul Schäfer, terrible gourou de la colonie Dignidad au Chili. Il y a de la profondeur à travailler pour un acteur.
Ce qui m’amuse c’est lorsque les gens me rencontrent, ils me disent : « Vous êtes sympa finalement ! » (rires).
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Vous avez joué dans plusieurs films français comme « Ma Femme s’appelle Maurice » (2002) « Astérix & Obélix : Au Service de sa Majesté » (2012) ou encore « Les garçons, Guillaume, à table !» (2013). Qu’avez-vous appris de la France ?
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Le cinéma change sans cesse. Beaucoup de choses sont très différentes en France. Le tournage d’« Astérix & Obélix : Au Service de sa Majesté » où je joue le Normand Yadutaf m’a paru étrange. Il y avait une caméra spéciale pour le format 3D. Comme nous tournions sur les falaises de Moher en Irlande, le vent soufflait très fort. La caméra était sans cesse inutilisable. Nous ne pouvions réaliser les scènes mais quel paysage incroyable !
En tant qu’acteur, il est toujours passionnant d’essayer de nouvelles façons de travailler et même de vivre. En allemand, nous avons le mot egoman. Nous pouvons le traduire par mégalomane. Le terme méga est plus fort et pourtant il correspond très bien à certains artistes français… (rires).
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Quels sont vos projets ?
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Nous souhaitons continuer de jouer l’opéra « Die Carmen von St Pauli ». Nous utilisons comme décor des scènes du film muet d’Erich Waschneck (1928). C’est une œuvre poignante. Il y a de la danse et des dizaines de musiciens. Nous voulons transmettre avant tout du fun au public.
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