Avec ses gros nez, ses perfectos et ses motos, Frank Margerin est depuis la fin des années 70 un dessinateur incontournable. Manu, Momo, Marc et bien entendu Lucien sont croqués avec amour et humour. Avec « Les Petits carnets » (Editions Robinson – 2024), Frank Margerin rassemble plus de 200 croquis et affiches. Ouvrage technique mais surtout drôle, le dessinateur rock n roll se raconte à travers ses « crobards ».

Après son interview-portrait en 2021, entretien avec Frank Margerin, artiste mythique.

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Ces petits dessins ont fait longtemps partie du quotidien. Est-ce surprenant de les publier ?

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L’exercice devrait être plus courant et un grand nombre d’artistes devraient publier leurs crobards. Cela expliquerait beaucoup en rapport avec leur style et leur état d’esprit. Les petits dessins c’est une « cuisine intérieure ».

Certains auteurs réalisent dès le début un dessin chiadé. D’autres, comme moi, commencent avec des petits crayonnés. Des anecdotes ou des dialogues prennent vie sur le coin d’une table ou dans l’atelier. Parfois, l’exercice me prend du temps. J’aime trouver la bonne mise en page, la bonne perspective,.. « Les Petits carnets de Margerin » montre cette phase. 

Je sors de temps en temps mes crobards lors par exemple de l’exposition itinérante « Faites du rock avec Lucien ». C’est l’occasion de voir des dessins non publiés. Je les vends parfois.
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Les croquis ou les crobards sont-ils avant tout autobiographiques car pris sur le vif ?

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C’est surtout plus spontané. Lors d’un match de foot entre amis de la BD au Parc de Sceaux, un des joueurs tapait tellement fort dans la balle que nous mettions un temps fou à récupérer cette dernière dans les arbres. Parfois, la chaussure de foot part avec le ballon. Dans ce cas, je dessine quelques épisodes comiques sous la forme de crobars. C’est comme des notes.

Ma mère a gardé les dessins que j’ai réalisés quand j’étais enfant. Quelqu’un écrit d’ailleurs un livre sur ma vie. Mes petits dessins seront alors montrés. En les voyant, certains pourront avoir l’espoir de devenir artiste (rires). Enfant, Uderzo, quant à lui, était déjà un très bon dessinateur.
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Êtes-vous parfois surpris par ce que vous dessinez ?

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Dessiner est pour moi instinctif. Ce n’est qu’en regardant plus tard voire des années après que je m’étonne de l’énergie que je pouvais avoir. Dans « Ricky chez les Ricains » (1998), j’ai dessiné des scènes où je représente avec une certaine minutie l’urbanisme américain. Avec l’âge, on devient paresseux.

Lorsque je relis mes histoires, je me surprends à en sourire encore.
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Avez-vous parfois abandonné une idée car vous êtes allé trop loin ?

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C’est arrivé. Par exemple aux toilettes, le type, malade, réalise qu’il n’y a pas assez de papier toilette. Il cherche alors sur lui, trouve des billets mais se refuse à les gaspiller. J’ai finalement décidé d’aller plus loin. Il y a une ellipse et j’ai dessiné le type en train de se laver les mains. Mystère (rires).

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Les States ont-ils été une déception ?

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J’adorais me rendre aux Etats-Unis. A la fin des années 70, ce fut un rêve de visiter San Francisco. Les artistes étaient reconnus et appréciés en Californie. J’aurais pu même m’y installer. Lucien a lui aussi connu le rêve américain.

De nos jours, San Francisco s’est paupérisé.  
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L’affiche – c’est un exercice difficile ?

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Je travaille sans cesse sur les affiches. M’étant installé dans le petit village dans la Nièvre, Entrains-sur-Nohain, la mairie m’a proposé d’organiser les Journées Lucien. Cela se passe l’été. Pour les habitants, c’est un grand événement : Pendant deux jours, Entrains-sur-Nohain devient le rassemblement de vieilles voitures et de motos. J’ai également récupéré des panneaux réalisés pour une exposition en plein air à Poitiers. Les journées ont eu tellement de succès que la mairie refait une édition cette année. Je réalise actuellement la nouvelle affiche avec le clocher d’Entrains-sur-Nohain.

J’ai toujours aimé l’exercice des affiches.
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Le Chili est-il un jardin trop intime pour être montré ?

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J’ai pu faire quelques dessins du Chili il y a quelques années pour Fluide Glacial. J’avais quartier libre. J’ai alors imaginé Lucien au Chili sous la forme de crobards. Cependant, je ne peux imaginer tout un album en Amérique du Sud. Lucien a un côté beauf – il n’aurait donc pas l’idée de se rendre au Chili. Il a besoin d’aller vers les parcs d’attractions.

Il était prévu une page Chili dans « Les Petits carnets de Margerin ».
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