Ancienne mannequin, Loulou Robert est devenue romancière en 2016. A chaque livre, il y a un style décapant, des personnages vifs et des situations crues. La prose de Loulou Robert est nerveuse car elle s’écrit avec une force certaine. « Déshumaine » (2025 – Gallimard) est une étape majeure puisqu’il s’agit d’un basculement vers la fiction. Tant en y intégrant une grande part d’elle, Loulou Robert fait place à l’imagination. Son héroïne devient tour à tour animaliste et meurtrière. L’instinct l’emporte sur la raison – faculté si propre à l’être humain. Loulou Robert raconte la transformation vers l’animal. « Déshumaine » est par conséquent une nouvelle peau.
Entretien avec Loulou Robert.
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Vous revendiquez la fuite de Paris pour la Province. L’écriture est-elle également un déménagement ?
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Non. L’écriture est finalement le lieu où je passe la plupart de mon temps sur Terre.
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Alors que publiez chaque année un livre entre 2016 et 2020, « Déshumaine » est sorti 5 ans plus tard. Etait-ce une ellipse nécessaire ?
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Pendant 3 ans, après « Zone grise », je n’ai en effet pas écrit une seule ligne. Cette ellipse a été une nécessité pour moi. « Zone grise » a pris tellement de place. J’ai de plus déménagé en Province. Ce changement m’a donné de l’inspiration pour un nouveau livre.
Le temps s’est allongé avec la recherche d’un éditeur pour « Déshumaine ». Il s’agit de mon premier roman où je dépasse le réel.
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« Déshumaine » est-il le roman le plus animal ?
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Pendant ces 3 ans de pages blanches, je me suis beaucoup intéressé à la cause animale. Je suis même devenue végétarienne. « Déshumaine » traite de ce passage. Mon héroïne découvre sa part animale. Dans ce processus, elle se déshumanise. Ce terme n’est pas négatif.
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Chair et nourriture sont omniprésentes. « Déshumaine » parle-t-il également de surconsommation voire de dégoût ?
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Mon héroïne est témoin de la cruauté de l’espèce humaine. Le commerce de viandes et la destruction de la nature la dégoûte. Sa vision la métamorphose.
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« Déshumaine » est-il un livre rythmique et donc technique ?
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J’ai beaucoup travaillé mon style. Les mots et les noms se répètent avec l’obsession grandissante de l’héroïne. Le rythme devient de plus en plus soutenu.
Depuis « Bianca », mon premier livre, il est clair que mon style et mon approche ont évolué. Je ne suis plus la même écrivaine.
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Le lecteur peut-il devenir un personnage dans vos romans ?
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Lors de l’écriture, je ne fais que suivre mon instinct. Il est tout de même possible que j’entraîne le lecteur dans une spirale. Je n’aime pas mettre de distances mais je n’adapte jamais mon style.
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Avez-vous vous-même ri lors de l’écriture de « Déshumaine » ?
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Il y a en effet des passages jouissifs comme la surenchère des animaux ou bien la scène dans les halles avec le cochon. Cela m’a bien amusé de les écrire.
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Avez-vous vous-même été surprise par la fin ?
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Même si je ne connaissais pas encore le dénouement, je savais tout de même que la fin n’allait pas être joyeuse. Je me suis laissé entraîner par la métamorphose de mon héroïne. Sa mort est à la fois belle et tragique. La lettre à la mère, les adieux au mari,… Tout cela m’a fait pleurer.
Il est pour moi toujours difficile de terminer l’écriture d’un livre. Ecrire c’est aussi souffrir.
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Que souhaitez-vous explorer à présent ?
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Je viens de terminer un nouveau livre. Il fait écho à « Déshumaine ». J’explore la cruauté et la folie de l’être humain. Il y a cependant toujours une partie d’amour dans mes textes.
Progressivement, je m’éloigne de moi-même. J’écris de plus en plus des œuvres de fiction.
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Photo de couverture : © Francesca Mantovani