Artiste du merveilleux, Iain McCaig n’a jamais cessé de puiser dans mon imagination. Au service du cinéma, de la télévision ou de la musique, cet Américano-canadien est passionné par l’image fantastique.

Concepteur, Iain McCaig a été un grand participant de la trilogie préquelle de Star Wars, de la saga cinématographique Harry Potter ou encore des Avengers.

Il y a chez lui un immense esprit de liberté et d’imagination pure. L’image est à la fois élégante et déchaînée – tant l’imagination reste sans limites.

Entretien avec Iain McCaig, maître du fantastique.

.
.
.
.

Vous êtes Américain, mais vous avez aussi vécu au Canada et étudié les arts en Grande-Bretagne. Avec vos différentes inspirations et votre style, vous voyez-vous comme un artiste international ?

.
.
.
.

J’ai en effet la double nationalité – américaine et canadienne. Je suis né à Los Angeles mais j’ai grandi à 1 600 kilomètres au nord, à Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique. Ma famille a brièvement déménagé à Glasgow, en Écosse lorsque j’effectuai ma dernière année de lycée. Mes parents sont ensuite retournés aux États-Unis peu après mais je suis resté en Grande Bretagne et j’ai obtenu un diplôme avec mention en design à la Glasgow School of Art.

Claim the first born – © 2025 Iain McCaig All Rights Reserved

J’aurais bien voulu continuer de vivre en Écosse mais la dernière grande maison d’édition du pays a fermé ses portes le jour de ma remise de diplôme. J’ai donc déménagé à Londres afin de commencer une carrière d’illustrateur. 10 ans plus tard, j’ai décroché un job d’été à San Francisco pour animer des dessins animés de l’émission Sesame Street, puis je suis parti pour commencer à travailler comme graphiste conceptuel et storyboardeur chez Industrial Light & Magic, la société d’effets spéciaux de George Lucas. Quelques années plus tard, je me suis lancé en freelance et  j’ai rejoint le département artistique personnel de George au Skywalker Ranch pour travailler sur ses nouveaux films Star Wars [la préquelle]. En 2000, je suis retourné vivre à Victoria, où je vis depuis.

D’une certaine manière oui, je me sens international ou au moins Trans-atlantique. Aux débuts des années 70, à l’ère pré-internet, vivre et trouver un travail en Grande-Bretagne proche de ce qui m’intéressait était presque impossible. Des artistes comme Norman Rockwell, James Bama, Frank Frazetta étaient mes modèles. J’ai donc dû trouver de nouvelles inspirations en Grande-Bretagne et en Europe. J’ai découvert Arthur Rackham, John William Waterhouse, Alan Lee, Brian Froud, Moebius et Sergio Toppi.  A present, c’est la vie qui m’inspire surtout – plus que n’importe quel autre artiste même si mes maîtres restent dans mon ADN.

.
.
.
.

Jeune artiste, vous avez travaillé sur des projets comme Sesame Street et Game Workshop. Y avez-vous pu intégrer votre approche personnelles ?

.
.
.
.

Dans les années 70, à mon école d’art, dessiner de la fantasy ou de la science-fiction était mal vu. Cela n’avait pas encore la même renommée qu’aujourd’hui (n’oubliez pas que c’était avant Star Wars et Harry Potter!). Je crois que j’avais peur que dessiner des fées et les dragons ne me conduisent à des habitudes de dessin paresseuses et à une carrière sans le sou.

Dès mon arrivée à Londres, j’ai jeté mon portfolio d’école d’art et j’en ai commencé un nouveau, rempli de ce que je voulais vraiment dessiner (la première image était une cheminée barricadée avec des planches. On pouvait apercevoir d’inquiétants petits êtres vivants, des homocules, sortant des braises, impatients de vous dévorer l’âme).

Par chance, une nouvelle entreprise, Games Workshop, venait de démarrer et recherchait justement ce type de dessins. J’ai toujours aimé représenter les êtres humains dans les mondes fantastiques. Ce fut donc une joie de dessiner des aspects réalistes tant que je pouvais leur apporter une petite touche personnelle.

.
.
.
.

Vous avez annulé un voyage surprise à Paris (vous aviez l’objectif de demander en marriage votre petite amie) afin de décrocher le contrat de création de la pochette de l’album « Broadsword and the Beast » du groupe Jethro Tull. Le dessin c’est une passion inépuisable ?
.
.
.
.

Paris est ma ville préférée, alors bien sûr, il était logique pour moi de faire ma demande là-bas. La commande de « Broadsword and the Beast » de Jethro Tull est arrivée juste au moment de notre depart. Ma copine a compris que je devais annuler mon voyage. Elle est partie seule en France et m’a envoyé une carte postale où on pouvait voir la Seine et le pont où j’allais la demander en mariage. Au dos, elle a écrit : « J’ai dit oui. »

Le dessin est-il une passion inépuisable ? Oui. Presque. Je suis marié depuis 43 ans. Aujourd’hui, pour elle, j’irais à tout moment à Paris.
.
.
.
.

© 1982 Jethro Tull, All Rights Reserved

.
.
.
.

Vous avez travaillé sur le projet Terminator 2 (1991). James Cameron est également dessinateur. Était-ce plus facile de travailler avec lui ?
.
.
.
.

Terminator 2 a été mon premier emploi officiel dans l’industrie cinématographique. Je venais de rejoindre ILM et mon patron était un jeune directeur artistique du nom de Doug Chiang. Ce dernier a fait le lien entre moi et James Cameron. J’ai surtout dessiné la séquence finale où le T-1000 tombe dans la fosse à lave et commence à fondre. J’ai propose toutes sortes d’idées folles sur ce qui pourrait se passer et certaines d’entre elles ont été intégrées au film final. Et je me suis dit : « Toute cette histoire d’industrie cinématographique n’est pas si compliqué » Si seulement…

Plus tard, j’ai recroisé le chemin de James Cameron. “Titanic” (1997) venait de dépasser Star Wars au box-office. George Lucas m’a demandé de réaliser un dessin pour marquer le coup. J’ai eu l’idée de representer une grande partie des personnages de Star Wars et les placer à bord Titanic en train de sombrer. Mon dessin a fini en pleine page des magazines Variety et Hollywood Reporter. J’espère que James a aimé. Je ne l’ai toujours pas revu.

.
.
.
.

© 1998 Lucasfilm, All Rights Reserved

.
.
.
.

Vous avez travaillé sur les films “Dracula” (1992) et “Entretien avec un vampire” (1994). Le vampire est-il une source d’inspiration inépuisable pour vous ?
.
.
.
.

© 2025 Iain McCaig, All Rights Reserved

Pas vraiment. Moi mon truc c’est la créature de Frankenstein. J’ai vu le film original (1931) avec Boris Karloff à l’âge de 3 ans. Mes parents le regardaient sans moi. Je me suis alors faufilé hors de ma chambre et j’apercevais depuis l’escalier notre vieille télé noir et blanc. Je suis arrive à peu près à la moitié du film. J’ai pu voir la scène où le Monstre rencontre la petite fille, Maria, et où ils jettent ensemble des fleurs dans le lac et les regardent flotter. À l’époque, la censure coupait le moment où il soulève la petite fille et la jette dans le lac, pensant qu’elle flotterait comme les fleurs. Du coup, je n’ai vu que ce Monstre incroyable passer du temps avec un enfant. Depuis la créature est devenue mon meilleur ami.

Je suis un grand fan de films de monstres en général, à condition que le monstre soit un personnage, comme Frankenstein ou King Kong. Je n’aime pas lorsqu’il sert uniquement à glorifier le héros.

J’ai eu la chance de travailler sur deux films de vampires qui allaient justement dans ce sens. De plus, Neil Jordan et Francis Ford Coppola étaient des réalisateurs que j’adorais.

A présent, j’ai ‘ai envie de créer mes propres histoires de monstres. J’y travaille d’ailleurs actuellement sur une.

.
.
.

Trouvez-vous l’inspiration dans votre quotidien ?

.
.
.
.

La vie est mon inspiration. C’est l’argile avec laquelle je crée. J’ai récemment écrit une anthologie de nouvelles intitulée « Smalltown Tales ». Ce sont des histoires ordinaires avec des gens ordinaires puis arrivent des créatures surnaturelles. Chaque histoire du livre s’inspire de personnes extraordinaires que j’ai pu rencontrer au cours de ma vie. J’aime l’idée de les transformer en monstres. C’est une façon pour moi de masquer leur identité (rires). J’ai toujours aimé les monstres.

.
.
.
.

© 2024 Titan Books, All Rights Reserved

.
.
.
.

Aviez-vous imaginé Dark Maul comme un homme sauvage ? Vous dites que vous incarniez le personnage…
.
.
.
.

Ray Park, l’acteur qui interprète Dark Maul, le décrit comme « insolent ». Je trouve que ce terme correspond parfaitement au personnage. Dans le film, tout le monde parle de politiques et des embargos commerciaux. Dark Maul n’a envie que d’une chose : botter le cul des Jedi. Il  ne se prend non pas à un, mais à deux Jedi en même temps et tous deux plus grands que lui.

Dark Maul – un homme sauvage ? Sans aucun doute. Il a une lueur folle dans ses yeux dorés et maléfiques.

Il est vrai que je deviens les personnages que je dessine, du moins pendant que je les dessine. Gare à quiconque m’interrompt lorsque je travaille sur ma planche à dessin (rires). J’ai interdit aux Studios de m’appeler parce que je devenais irritable. Je n’hésite pas à leur raccrocher au nez.

.
.
.

© 1998 Lucasfilm Ltd., All Rights Reserved

.
.
.

Padmé Amidala est un personnage complexe. Elles est à la fois une reine et aussi une jeune servante. Avec votre design, l’avez-vous humanisée ? Avez-vous parfois convaincu George Lucas sur des illustrations spécifiques ?

.
.
.
.

© 1998 Lucasfilm Ltd. & Marvel Studios, All Rights Reserved

Padmé est mon personnage préféré de la trilogie préquelle. Le bien est finalement bien plus difficile à représenter que le grand mal : Ce dernier n’est que du bien qui a été corrompu. Le bien, quant à lui, ne peut se résumer à une absence de mal. Vous risqueriez d’avoir un personnage bien fade… George a voulu que Padmé abandonne son innocence pour répondre aux exigences des fonctions de reine. Naboo, sa planète, est assiégée. J’ai essayé de retranscrire cette lutte dans son visage et ses costumes. Lorsque Padmé enfin le rôle de simple servante, on peut y voir une certaine gaîté dans son visage. C’est comme si le masque de la reine tombait.

Doug Chiang, qui dirigeait le département artistique de George pour les deux premiers épisodes, “La Menace fantôme” (1999) et “L’Attaque des clones” (2002), nous a conseillé de laisser les illustrations parler d’elles-mêmes et de ne pas essayer de les « vendre » à George. Toute tentative de persuasion devait se faire par le biais des illustrations. Pour le personnage de Padmé, j’avais une actrice précise en tête. Elle avait joué dans « Léon » de Luc Besson (1994). Cette Mathilda avait juste 10 ans dans ce film, et 4 ans s’étaient écoulés depuis. Elle était donc parfaite pour devenir la reine de Naboo. Bien sûr, Internet n’existait pas encore, et je ne trouvais aucune image de Portman à 14 ans, mais je ne dessinais de toute façon que son essence, pas son visage. Un jour, George est venu me voir et m’a demandé : « Tu connais cette fille ? » « Non, George », ai-je répondu, « mais c’est ta Reine. » Peu de temps après, Natalie Portman a été choisie. Coïncidence ? Je ne pense pas !

.
.
.
.

Les films Harry Potter et Marvel regorgent de monstres et autres merveilles. Dans ces univers particuliers, faut-il limiter son imagination ?

.
.
.
.

Vous plaisantez?! On m’engage uniquement pour mon imagination !

Travailler sur un personnage existant, c’est comme adapter un livre au cinéma. Il faut d’abord identifier le cœur de l’histoire et ses personnages. Il faut y veiller au plus haut point. Mais au-delà, tout peut changer, du moment que cela correspond à la vision du narrateur. C’est comme un acteur qui accepte un rôle : on respecte le scénario, mais on trouve aussi le moyen d’apporter sa propre vérité au personnage. Mais ne limitez jamais, jamais, JAMAIS vos possibilités !

.
.
.
.

© 2022 Iain McCaig, All Rights Reserved

.
.
.
.

Êtes-vous fan du travail de votre fille, Mishi ? Vous avez travaillé ensemble sur le film “John Carter” (2012).

.
.
.
.

Fan, c’est le mot ! Mishi est une artiste conceptuelle et scénariste exceptionnelle, et ma meilleure conseillère artistique et narrative. Mon fils, Inigo, est aussi un conteur avisé. Mes enfants sont tous les deux mon premier recours. Lorsque je recherche des conseils avisés sur des histoires ou des designs, je fais appel à eux.
.
.
.
.

En tant que cinéaste, que souhaitez-vous faire maintenant ?

.
.
.
.

J’ai un placard rempli d’histoires qui n’ont pas encore été publiées ni portées à l’écran. Il y a 8 ans, j’ai fait une crise cardiaque qui a bien failli me coûter la vie. En rentrant chez moi, j’ai réalisé que toutes ces histoires seraient mortes avec moi. Alors maintenant, je travaille dur pour les sortir du placard, sous toutes les formes et aussi vite que possible !

J’ai déjà écrit deux livres : une histoire purement visuelle intitulée « Once Upon A Time In The Sketchbook », publiée par Design Studio Press, et une anthologie d’histoires de fantômes délicieusement effrayantes intitulée « Smalltown Tales », publiée par Titan Books. En ce moment, je travaille sur un roman d’horreur fantastique, un roman policier français et une comédie musicale sur le monstre de Frankenstein. Souhaitez-moi bonne chance.
.
.
.
.

Iain McCaig au Skywalker Ranch © 2025 Lucasfilm Ltd., All Rights Reserved

.
.
.
.

Image de couverture : © 2025 Lucasfilm Ltd. & Marvel Studios, All Rights Reserved

PARTAGER