Artiste incontournable de l’heroic fantasy, John Howe est un grand passionné des univers fantastiques. Jeune étudiant en France à la fin des années 70, ce grand canadien n’a jamais cessé d’illustrer et d’aimer les mythologies et légendes. Les monstres et les figures chevaleresques fascinent car intrinsèquement ils révèlent une partie de notre Histoire, de nos croyances, de nos personnalités et de nos peurs.
Dès le début des années 2000, aux côtés d’Alan Lee, John Howe devient directeur artistique des sagas cinématographiques du « Seigneur des anneaux » et de « Bilbo le Hobbit ». L’illustrateur continue d’explorer la Terre du milieu de J.R.R. Tolkien puisqu’il travaille actuellement sur la saison 3 des « Anneaux de pouvoir ».
Installé à présent en Suisse, autre vision, John Howe dessine, imagine et par conséquent rêve toujours.
Entretien.
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Que dessiniez-vous avant de découvrir la Terre du milieu ?
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A la fin du lycée, je me suis inscrit dans une école américaine de Strasbourg. Je voulais profiter des études à l’étranger pour apprendre une langue. Un petit tour en Europe est presque obligatoire pour tout jeune canadien. Même si j’y ai laissé la totalité de mes économies, j’y ai passé une année formidable. Je me suis ensuite inscrit à l’École des Arts Décoratifs en atelier d’illustration. Les cours étaient très orientés vers l’illustration jeunesse. La démarche très intellectuelle et cartésienne de notre professeur (qui est devenu un ami cher) ne correspondait pas du tout à ma façon de faire. Dans ma classe, je pense avoir été perçu comme un ovni (assez inoffensif, mais qui ne touchait jamais la terre).

À la sortie de l’école, j’ai pas mal travaillé pour l’édition française du livre pour enfants. J’ai également fait un peu de bande dessinée, du dessin de presse et même des caricatures politiques. Un livre reste un excellent souvenir : la découverte et l’illustration de « La Guerre du Feu » (1911) de J. -H. Rosny Ainé. J’ai adoré ce récit préhistorique si bien ancré dans les méconceptions paléontologiques du XIXème siècle… D’ailleurs, si on me proposait la suite, « Le Félin Géant » (1920), je l’accepterais de suite !
Typiquement, au début d’une carrière, on mène une sorte de double vie professionnelle : d’une part les opportunités « locales » issues de ses rencontres, de démarches personnelles et d’autres contacts (n’oubliez pas qu’internet était encore du futur à cette époque). C’était souvent peu inspirant mais cela me permettait de joindre les deux bouts. Je n’oubliais pas cependant d’avoir une activité plus abstraite, sur le plus long terme, qui consistait à poursuivre assidument ses rêves et ses envies, même si cela n’a aboutit que plus tard. Progressivement, ayant été un grand fan des auteurs américains comme Frank Frazetta et de toute cette bande d’artistes de fantasy américaine, j’ai fait un grand détour suivi d’une lente dérive vers la littérature fantastique anglo-saxonne. Cela me correspondait bien davantage.
Finalement, on a toujours l’âge de nos amours d’adolescent lorsqu’on a le bonheur de rencontrer ses héros, parfois de décennies plus tard. Récemment, j’ai pu rencontrer Barry Windsor-Smith, Manuel Sanjuilan et Esteban Maroto. Ce sont des artistes qui m’ont fortement encouragé, par leurs dessins et peintures, à suivre cette voie. La magie ne change pas avec le temps qui passe.
Je me suis égalent familiarisé petit à petit avec les peintres européens, découvrant les mouvements qui allait devenir des passions : Pre-Raphaelites, Symbolistes, Décadents, et les artistes formidables de i’Art Nouveau, du Jugenstil, Arts and Crafts… J’ai aussi une grande admiration pour les illustrateurs de la « Golden Age », cette période incroyable qui s’étend de la fin du XIXème jusqu’aux années 1930 : N. C. Wyeth, Howard Pyle, Franklin Booth, Arthur Rackham, Edmund Dulac, Sidney Sime, Willy Pogány, les frères Robinson, Paul Woodroffe, et bien d’autres. J’ai une admiration encore plus grande pour les illustratrices de cette période, quand on sait que les portes des académies leur étaient fermées jusqu’à la fin de l’époque victorienne : Eleanor Foretescue-Brickdale, Nelly Littlehale Umbstaetter, Florence Harrison, Noel L. Nisbet… la liste est longue!
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Canadien, vous prenez la décision de continuer votre formation artistique en France. Vous avez donc apporté un point de vue différent ?
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Je suis originaire d’une petite ville typiquement nord-américaine. Adolescent, vous n’avez qu’une seule envie : partir. A mon arrivée en France, ce fut un vrai changement de vie et de perception. À l’école d’art, j’ai eu la chance de sauter les deux années préparatoires pour intégrer directement l’atelier d’illustration. Pour moi, tout était nouveau et en même temps je découvrais des arts européens millénaires. Je n’établissais pas vraiment une hiérarchie chronologique et rigoureuse. Pour moi, tout était fantastique. Strasbourg est une ville extraordinaire. La cathédrale se dresse face à vous telle une falaise peuplée de créatures fabuleuses. Les Vosges sont jonchées de ruines et de châteaux. Le premier que j’ai pu visiter, le Château du Haut-Koenigsbourg est, quant à lui, une folie du début du XXème siècle. Naïvement, je voyais cet édifice comme une véritable construction médiévale, miraculeusement intacte. Finalement, je cultive encore volontiers cette confusion. La dimension imaginaire est un composant essentiel sur le plan social mais aussi spirituel. Nous sommes de moins en moins religieux et pourtant nous recherchons sans cesse des réponses. L’imaginaire, comme la spiritualité, occupe une place majeure dans nos réflexions.

J’ai beaucoup réfléchi sur l’imaginaire médiéval. La difficulté commence avec la nomenclature : comment cerner une période qui dure mille ans en un seul mot ? C’est un concept qui date de la Renaissance, et qui délimitait, ce que l’on considérait comme une sorte d’antichambre de la Renaissance, une sombre salle d’attente avant le rayonnement de l’Humanisme… Cette vaste période historique aux bords flous délimite un patchwork de petits royaumes jalousement patrouillés. De tels domaines ne seraient réservés qu’à des gens formidablement sérieux : les archéologues, les philologues, les historiens et les académiques -chacun planqué dans son propre domaine.
Et puis il y a nous, les artistes, ces « sans-abris » à l’affut de tout ce qui brille. Contrairement aux premiers, nous n’avons aucune responsabilité. Nous puisons l’inspiration dans les puits creusés par d’autres, faisons fi des frontières, nous volons les trésors découverts par autrui que nous partageons au coin du feu afin de mieux enrichir l’imaginaire, pour mieux raconter des histoires.
Je n’ai aucune formation d’historien, d’architecte, de chercheur ; c’est une liberté essentielle pour le métier que l’on pratique : raconteur en images.
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Beowulf, Yvain, Merlin, … A l’image de votre travail sur « Cathédrale » (1987), l’illustration permet-elle de renouer avec l’imaginaire du passé ?
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Au sujet du volet de la recherche historique, je suis très pointilleux. Pour « Beowulf », j’ai notamment beaucoup étudié la sculpture, les costumes, les armes et les armures de l’époque évoqué par le récit. Puis, avec toutes ces recherches, il faut laisser sa place à l’imaginaire. En tant qu’artiste, il faut savoir sans cesse lâcher prise. La recherche constitue le soubassement, les fondations ; l’édifice lui doit la solidité de ses assises, mais rien d’autre. Nous demandons aux spectateurs la suspension temporaire et volontaire du sens critique (the willing suspension of disbelief) afin de mieux les guider dans ces mondes. Ainsi, un surcroit de crédibilité est nécessaire par-dessus la fiction, il doit y avoir des points de contact avec la réalité perçue ou imaginée.
J’ai aussi fait de la reconstitution historique aussi rigoureusement que possible pendant une vingtaine d’années, un autre détour, fascinant. J’ai acquis une certaine expérience de verisimilitude et de crédibilité qui m’a bien servi pour le design au cinéma.
Ceci dit, pour que les idées viennent, il faut lâcher prise, ne pas trop réfléchir, et laisser les images venir.
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Quelle est l’étape la plus difficile dans l’illustration ?
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Je ne recommande pas de travailler sur des sujets qui ne vous inspirent pas. J’ai illustré beaucoup de fiction fantastique-historique. On y trouve énormément d’erreurs et de non-sens. Malgré tout, quand vous êtes un artiste professionnel, vous devez composer avec la sensibilité des auteurs.
Le stade du croquis est un passage obligatoire quand vous êtes en lien avec l’éditeur. Le croquis est une exploration. C’est bien mieux de n’avoir qu’une petite bribe d’idée en tête au départ, afin de laisser courir librement le crayon et l’esprit. Un croquis est une série de détours, la finalité doit se découvrir en chemin. On me demande souvent comment faire face à la page blanche et aux blocages. Je réponds toujours que cette page blanche n’en est pas une. C’est en fait une fenêtre ouverte sur un espace infini en trois dimensions dans laquelle il faut aller, à la pointe du crayon, découvrir ce qui s’y trouve déjà.
Au moment des couleurs, c’est une autre affaire. Bien qu’il faille garder autant de liberté de choix aussi longtemps que possible, justement, la fabrication d’une image est une lente et inexorable élimination des possibles… Ceci dit, il y a bien sur le simple plaisir technique, voire académique lorsque l’on vise un degré de réalisme. Par contre, le bien faire n’est nullement garant du succès.
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Quand on illustre le monde de J.R.R. Tolkien, y’a-t-il une place pour une vision personnelle ?
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Tolkien retranscrit avec beaucoup de sensibilité les émotions de ses personnages mais ne nous ensevelit pas sous une avalanche de détails visuels précis. C’est un très beau cadeau pour les illustrateurs. Tolkien, lui-même, échangeait la plume contre le pinceau. Ses images permettent de complémenter sa vie d’auteur. Étrangement, Tolkien écrit en images mais peint en mots. C’est réjouissant de voir que quelqu’un qui maniait les textes avec tant de virtuosité a ressenti le besoin de passer de temps à autre au dessin.
Ce qui est merveilleux avec les écrits de Tolkien c’est qu’ils donnent une grande place à l’imagination. Ce qu’un auteur ne dit pas est aussi important que ce qui est dit, c’est l’espace de liberté pour les illustrateurs.
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La Nature est-elle un personnage principal dans vos créations ?
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Oui. Les lumières, les ambiances, les éléments m’enchantent toujours. L’instant ne se répète jamais. La Nature est une merveille. Les meilleurs moments de l’existence se passent quand vous vous retrouvez dans des instants qui vont au-delà de l’imagination. Un artiste ne peut pas faire mieux que la Nature. En fin de compte, nous sommes les enfants du Romantisme. Nous avons besoin de la Nature mais cette dernière n’a pas besoin de nous.
Lors des tournages des sagas du « Seigneur des anneaux », du « Hobbit » et « des Anneaux du Pouvoir », j’ai séjourné en Nouvelle Zélande. J’ai pu observer et sillonner une nature peu touchée par la présence des hommes. Face à tant de beauté sauvage, j’ai pris une multitude de photographies. La Nouvelle Zélande est un pays splendide et qui s’inscrit dans mon travail dorénavant.
C’est aussi un pays progressiste en matière de préservation. Des autorités locales ont donné une citoyenneté à une rivière. Juridiquement, elle a les mêmes droits qu’un être humain. Par conséquent, la rivière est préservée. Jetez-y des ordures, elle pourra vous trainer devant la justice. L’État néo-zélandais s’est inspiré de la culture maorie et amorce des grands changements dans sa façon de concevoir les paysages et la gestion des ressources naturelles. Ce serait impossible d’imaginer une telle politique en Europe ou en Amérique.
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Vous vivez à présent en Suisse, ce pays entouré de frontières. Est-ce un environnement qui inspire ?
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J’ai toujours aimé les zones frontalières humaines et naturelles. C’est le lieu des changements. Même Tolkien est venu en Suisse faire de la randonnée.
Rien ne passe une frontière totalement inchangé, ni les gens ni les histoires. D’ailleurs, les histoires sont de grandes voyageuses. Elles collectionnent des détails, des personnages et des transformations telle une malle ramassant les étiquettes des lieux traversés.
Le passé est un pays étranger. Notre perception en est partielle et fragmentaire. Au-delà de la moitié du XIXème siècle, le passé est aphone. Avant l’écrit, les histoires étaient vivantes, changeantes, naissants et disparaissant au gré des migrations et des déplacements. Les marchands transportaient autant d’histoires que de ballots et de bibelots.

Aujourd’hui, nous profitons du travail de synthèse de générations de philologues, d’historiens, de mythographes, de sémiologues, qui nous permettent de suivre à la trace ces mythes migrateurs, ces légendes vagabondes, ces contes qui se promènent de pays en pays, ces héros et héroïnes aux mille noms et mille visages… C’est inépuisable.
Je reste tout de même fasciné par les mondes du Nord – là où les arbres s’arrêtent… Ce sont les mondes du bord du monde.
Être illustrateur, c’est souvent être ailleurs. Ailleurs surtout dans un mode étiologique, aux aguets de l’entéléchie cachée dans les paysages, à l’affut des archétypes, en train de tenter de tracer la narration explicite et implicite des images : la logique interne et pictural et la logique narrative transversale… que ce soit en pleine nature ou à sa table de travail. Le dessin et la peinture sont des activités transformatives.
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Grendel, orcs, marcheurs blancs, dragons, … Pourquoi les monstres vous fascinent ?
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Paradoxalement, ils ont la beauté terrible des hors-normes. La monstruosité est un concept très étrange. Qui sommes-nous pour juger le monstre, celui qui transgresse nos lois ? Il rappelle les dichotomies de la Nature, nous met devant le côté sombre, rappelle la fragilité humaine. J’aime dessiner en frôlant ce qui dérange, ce qui fait peur.
Le monstre n’a pas de limite esthétique. Toute culture humaine possède ses créatures. Au fil des siècles, les artistes et les écrivains ont finalement peu décrit le Paradis. Il est parfait donc de peu d’intérêt. Par contre, l’Enfer a sans cesse été décrit et illustré. Nous nous projetons plus facilement dans les ténèbres (rires). Pour l’anecdote, je dessine en ce moment des cyclopes. C’est une parenthèse bien sûr, un détour qui prendra le temps de quelques croquis. Lorsqu’on s’intéresse à un sujet, la manière la plus sérieuse de l’aborder est par le dessin. Quand le crayon court sur la page, l’esprit est ailleurs, en train explorer le sujet sur le plan historique, sémantique, symbolique. Je ne suis pas du tout convaincu par l’approche évhémériste, qui consiste à trouver à tout prix une explication scientifique aux mythes. C’est grandement sous-estimer le pouvoir de l’imaginaire.
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Eprouvez-vous de la pitié pour Gollum ?
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Oui. Gollum est le personnage principal de la saga de Tolkien – même s’il est rejeté partout. Par conséquent, Gollum n’est nulle part. Il ne conserve que ses propres souvenirs et espère un certain salut. La performance d’Andy Serkis dans les films de Peter Jackson était magique. Gollum a pris vie en deux temps, d’abord par la capture de mouvement et ensuite par sa finalisation en post-production. Le Gollum du roman est bien passé à l’écran.
Nous autres concepteurs n’avons rien à faire sur les plateaux de cinéma. Pour « Le Seigneur des anneaux », les seules exceptions étant lorsque nous attendions patiemment pour montrer des dessins à Peter. Comme on n’arrête pas de travailler, on dessinait dans un coin du plateau. Le bruit de mon crayon sur le papier semblait assourdissant. Parfois, nous devions suivre l’équipe de Jackson à l’autre bout du pays, lorsque des scènes étaient tournées en extérieur. Nous avons passé des journées entières, sous un arbre ou à l’abri d’un rocher, à faire des croquis.
Les illustrateurs sont un peu comme des enfants – vous leur donnez du papier et des crayons, ils sont contents et se tiennent tranquilles.
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Repenser l’univers de Tolkien pour le cinéma et la télévision a-t-elle été un nouveau défi ?
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Ce fut ma première expérience au cinéma, mon premier voyage dans l’hémisphère sud, ma première visite en Nouvelle-Zélande… toute une série de premières ! Avant de me rendre en Nouvelle-Zélande avec mon épouse et notre jeune fils, je n’avais jamais entendu parler du réalisateur Peter Jackson et je ne connaissais strictement rien au pays lui-même. Ce fut une vraie aventure, une prolongation de ce que j’avais réalisé auparavant en illustration. Peter Jackson laisse beaucoup de place aux artistes. Visuellement, vous avez donc une grande liberté d’approche. Ensuite, Jackson établit un dialogue très enrichissant – ce sont des allers-retours essentiels et passionnants. D’ailleurs, le retour du réalisateur est toujours gratifiant, et encore plus si vous n’avez pas visé juste. Vous retournez à votre planche à dessin encore plus déterminé afin de trouver la meilleure proposition.
Pour la série « Les Anneaux de Pouvoir », j’ai passé quelques mois à Auckland et j’ai effectué un séjour en Angleterre. Au sinon, la majorité de travail se passe à distance.
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George R.R. Martin, auteur de la série de romans « Le Trône de fer », est-il un auteur fascinant car encore vivant ?
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George est un auteur solide, terre-à-terre, qui invente sans cesse des récits démesurés. Il manie l’imaginaire médiéval avec brio. C’est un vrai bonheur et un privilège de travailler avec des écrivains comme lui. Robin Hobb est également une écrivaine très rigoureuse et d’une grande imagination. C’est un vrai plaisir de plonger dans de tels mondes. Je pense que c’est une opération compliquée pour les auteurs, de voir leurs mondes prendre une forme visuelle qui n’est peut-être pas celle qu’ils imaginaient au départ.
J’ai aussi une affection particulière pour les écrivains du fantastique de la première moitié du XXème siècle : Arthur Machen, William Hope Hodgson, Gustave Meyrink, Lord Dunsany, M. P. Shiel, Algernon Blackwood, et bien sûr, last but not least, H. P. Lovecraft.
On me demande souvent si j’ai rencontré Tolkien – question qui ne me rajeunit pas, très franchement ! J’étais encore au lycée au Canada lorsque Tolkien est décédé. J’avais dû lire le « Hobbit » vers l’âge de 7 ou 8 ans. Je ne me souviens que du début, alors il est possible que je ne l’aie pas terminé. J’ai abordé « Le Seigneur des Anneaux » avec le tome 2, car le premier n’était jamais disponible à la bibliothèque… donc j’al donc d’abord lu « Les Deux Tours » (1954), « Le Retour de Roi » (1955) et enfin, des mois plus tard, « La Communauté de l’Anneau »(1954), tout en trouvant l’histoire un peu confuse… En bon pré-ado, j’ai surtout retenu les scènes d’action et les créatures. Rassurez-vous, je l’ai relu, et dans le bon ordre cette fois, depuis.
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Giorgia Meloni ou encore JD Vance, figures de l’extrême droite, citent régulièrement Tolkien comme véritable référence littéraire. La Terre du milieu est-elle si manichéenne ?
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Avoir une approche aussi réduite et fermée du monde vous éloigne totalement du monde imaginaire et littéraire. Si vous lisez bien l’univers du « Seigneur des anneaux », vous constaterez que les frontières entre le bien et le mal sont fines et souvent brouillées. Les écrits de Tolkien ne sont pas manichéens. Dans « Le Retour du roi », le dénouement montre un affrontement entre deux camps. Mais cet épisode s’explique par des millénaires de tensions et de retournements de situation. L’univers de Tolkien comporte beaucoup d’ambiguïtés, des ombres et des lumières. Je n’ai jamais aimé les discours simplistes. Il ne faut pas distiller ou décanter l’insaisissable, il faut l’apprécier dans sa complexité. L’avis des cherry pickers culturels ne m’intéresse guère. Il est si facile de brandir un aspect ou un autre d’une œuvre complexe, en réduisant le propos à ce qui arrange et en ignorant le reste.
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Pensez-vous que d’autres illustrateurs dans le futur pourront représenter l’imaginaire médiéval d’une façon totalement nouvelle ?
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Je l’espère. Même si je ne me prononce plus sur l’avenir (ayant dit bien des bêtises lorsque le dessin numérique faisait ses premiers pas). Je pense qu’il y aura des relectures. L’image, sous toutes ses formes, est en constante mutation.
Enseignant, je prends beaucoup de plaisir à passer du temps avec des jeunes étudiants. Ils sont dans le début d’un parcours particulier et doivent trouver leur voix parmi des milliers – voire des millions – d’autres. Les artistes vivent une forme de déséquilibre. C’est à la fois un cadeau et un fardeau. L’inspiration, l’agilité d’esprit, la réactivité, l’originalité sont les outils qu’ils doivent développer. Les époques changent – l’imagination suit toujours.
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Illustration de couverture : © John Howe
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Merci à Patrice Louinet.