Depuis l’Antiquité jusqu’à l’ère Disney en passant par le Roman de Renart, les récits animaliers où les bêtes prennent la place des humains ont, dès le plus jeune âge, toujours fasciné. La nature y est souvent belle, les animaux costumés et les leçons bien comprises…

Artiste accomplie et passionnée, Julie Mellan nous transporte à chaque fois dans des récits animaliers à la fois tendres et splendides. « Les Géniales inventions de Léonard le Renard » (2024- Editions Daniel Maghen) ou encore « Les Merveilleuses histoires de Grand-père » (2022- Mame Editions) font partie de cette « mignonerie » impeccables.

Entretien avec Julie Mellan, illustratrice-conteuse.
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Le dessin est-il aussi une excuse pour replonger dans l’enfance ou finalement au fil du temps, il est devenu une activité très sérieuse ?

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Je n’ai pas besoin d’une excuse pour retourner dans l’enfance (rires).

J’ai toujours dessiné, et j’ai fait des études à l’école d’art Emile Cohl, à la suite du diplôme, je me suis tout de suite lancée dans ce domaine professionnel.

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Vous concevez un dessin technique. Êtes-vous également une conteuse ?

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Je suis principalement une conteuse. La technique est au service de l’histoire, les illustrations servent avant tout à raconter. Dans un livre, les images ne devraient pas être gratuites, elles doivent évoquer encore plus que ce que le texte décrit.

L’illustrateur va avoir un rôle de metteur en scène : libre à lui de choisir l’émotion décrite, l’angle de vue, le cadrage, le décor, le casting, les costumes, les accessoires qui serviront au mieux le propos.

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Les illustrations sont donc indépendantes de l’histoire ?
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Pas nécessairement, je travaille habituellement autour de textes, mais entre deux projets du livre, il m’arrive de réaliser des illustrations personnelles qui se suffisent à elles-mêmes. J’ai par exemple dessiné une scène de chambre d’enfant. J’avais en tête une idée de l’ambiance, de lumière et l’architecture que je voulais peindre. Des animaux s’y regroupent autour de cubes, on imagine le jeu, la construction, leur connivence, leur excitation et on imagine aisément la suite : cette grande tour de cubes sera détruite d’un coup de patte. C’est un dessin qui n’a pas besoin de texte.

Actuellement, je travaille avec trois auteurs : Karine-Marie Amiot pour la collection des Belles histoires de grand-mère et de grand-père et avec les frères jumeaux Laurent et Olivier Souillé pour la série Les géniales inventions de Léonard le Renard. Avec Olivier et Laurent, je dispose d’une grande liberté d’interprétation et d’illustration. Lors de la création de la série, nous avons réfléchi ensemble au choix de nos quatre héros et à leurs personnalités. J’ai une grande tendresse pour un personnage que j’ai suggéré : Pablo le blaireau.

Les illustrations ne sont pas indépendantes, elles accompagnent les idées.

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Dessiner l’animal c’est aussi l’observer ?  

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Même si mes personnages sont anthropomorphiques, ils gardent tout de même une grande part d’attributs animaux. Ils parlent, portent des vêtements et se tiennent debout, mais ils ont bien des pattes. J’observe et étudie la faune réelle.
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Qu’est-ce qui vous inspire ? Est-ce les classiques (Disney, Pierre Lapin, Beatrix Potter) ou finalement vous vous en détachez ?
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Ces références m’ont indéniablement nourrie, mais lorsque je dessine, j’essaye de m’émanciper des autres œuvres graphiques. Je pense qu’il est primordial d’observer la réalité et de créer son propre prisme. Si je dois dessiner un tigre, je préfère glaner des photos de vrais tigres pour bien comprendre et appréhender ses volumes, plutôt que de me référer à Shere Khan dans Le livre de la jungle de Disney.

Aussi, j’ai eu la chance de rencontrer des artistes talentueux qui exposent à la Galerie Daniel Maghen. Beaucoup ont été d’une grande aide et d’un grand soutien. Pour « Les géniales inventions de Léonard le Renard », j’ai notamment reçu les conseils des illustrateurs Armel Gaulme, Stan Manoukian et Frédéric Pillot. Je ne m’inspire pas directement de leur travail mais je suis avide de leurs remarques constructives. C’est une véritable chance de recevoir leur aide bienveillante, car ils ont beaucoup plus d’expérience que moi !

Pour ce qui est de l’inspiration, je garde les yeux grand ouverts et je la trouve absolument partout ! Dans la peinture classique, dans une attitude d’un enfant (les miens, surtout) une lumière, un détail de la flore ou architectural…

Il m’est arrivé de stopper mon vélo pour faire un mémo vocal et noter un assemblage de couleurs intéressant porté par une passante.
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« Les Merveilleuses histoires de Grand-père », « Les Merveilleuses histoires de Grand-mère »,… Est-ce que ce sont des livres qui donnent plus de place à la fantaisie ?
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Chacun de ces albums regroupe six histoires indépendantes qui ont cependant toutes le point commun d’évoquer la douceur de l’enfance. Le premier tome intégrait des humains, puis avec la scénariste et l’éditrice, nous nous sommes mis d’accord pour ne présenter que des animaux. Cela me va très bien, car je me sens plus dans mon élément.

J’ai la sensation que la fantaisie a plus de place avec les personnages animaliers, ils sont présents dans tous les contes du monde, et ont leur place dans les fables depuis Esope.

J’aime aussi le fait que les enfants puissent aisément s’identifier à un personnage animal, sans que ses caractéristiques physiques ne comptent.

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Quelle est la place du décor dans l’illustration ?

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J’aime mettre l’accent sur les émotions des personnages, mais je commence à plus travailler mes décors ces derniers temps. Ma référence dans ce sens est la série de La Famille Passiflore de Loïc Jouannigot. J’admire beaucoup son travail, et suis toujours impressionnée par la quantité de petits détails, de petites scénettes parallèles que l’on peut retrouver dans ses décors.

Lorsque le calendrier le permet, j’aime prendre mon temps pour les illustrations, et apporter plus détails narratifs dans mes illustrations. C’est, à mon sens, ainsi que vous réalisez les livres les plus intéressants et aboutis.
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Comment est né Léonard le Renard ?

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C’était une idée d’Olivier Souillé, qui s’occupait déjà de la vente de mes originaux à la galerie Daniel Maghen dont il est le directeur. Il voulait concevoir un album avec moi avec une bande d’animaux, et sur le rythme des saisons. Laurent et lui ont ainsi donné vie à Léonard le renard qui invente une machine afin de récolter des fruits à tout moment de l’année. Mais la machine s’emballe, et dérègle les saisons.

Avant ces albums, le renard était déjà l’un de mes animaux de prédilection et il s’est donc imposé comme personnage principal. Je trouve que c’est un animal très plaisant à dessiner avec sa couleur chaude, sa finesse et les courbes offertes par son museau et sa queue en panache.

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Comment concevez-vous les couvertures ?

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Pour la collection chez Mame, la graphiste suit la ligne des Belles histoires de grand-mère: un médaillon encadré de motifs végétaux. C’est ensuite à moi de le remplir par une illustration.

Pour la série de Léonard le Renard, c’est un exercice plus libre. Je m’entends avec Laurent et Olivier qui me proposent des idées de compositions.
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Malgré les grandes scènes de tendresse, y’a-t-il tout de même des moments sombres dans vos œuvres ?
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Pas vraiment pour l’instant. Je commence un nouveau projet prochainement, une adaptation des Contes de l’oncle Rémus adaptés par Gérard Moncomble. Ce sont des contes de tradition orale afro-américains, qui ressemblent un peu au roman de renard, les personnages enchaînent les fourberies ! Ce sujet va m’emmener dans un style bien plus rugueux… Je ne cherche pas particulièrement à m’évader du côté mignon, qui est dans mon domaine de prédilection, mais j’aime repousser mes limites et sortir de ma zone de confort. Le récit animalier peut aussi avoir ses côtés très sombres.
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Quels sont vos projets ?

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Je travaille actuellement sur le tome 3 des Géniales inventions de Léonard le Renard. L’histoire se concentre ici sur Zélie, la petite souris. Je m’amuse beaucoup.

Il y aura ensuite une nouvelle parution des Belles histoires de grand-mère pour Noël 2025, un livre CD. Ensuite, je travaillerai sur Les contes de l’oncle Rémus, qui est un projet très ambitieux qui me tiendra occupée pendant plusieurs mois.

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