« Être Parisien, ce n’est pas y être né mais y renaître. » Déclara le dramaturge Sacha Guitry, lui-même Parisien d’adoption. Tantôt décriée, tantôt admirée, la ville de Paris ne laisse jamais indifférente. Les Parisiennes et les Parisiens non plus d’ailleurs… Natifs ou encore de passage, comment peut-on les reconnaître? C’est quoi une gueule de Parisien??! Tout en parcourant les rues animées (et pluvieuses) de Pigalle, nous nous sommes entretenus avec la photographe Stéphanie Pfeiffer, créatrice de Gueules de Parisiens, concept artistique qui dresse un beau portrait dans la rue de ces fameux « Parigots ».
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Comment est né le concept de Gueules de parisiens ?
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Le terme de concept de Gueules est très important car au moment du lancement des reportages photos de Humans of New York, en 2014, j’étais en stage chez My Little Paris. Amandine, la rédactrice en chef, voulait transposer l’idée à Paris. Comme j’avais déjà eu l’habitude de prendre les gens en photos lorsque je vivais aux États-Unis, j’ai eu envie de participer au projet. Nous nous sommes réunies et Amandine a trouvé le titre : Gueules de Parisiens. Dans la capitale, nous sommes avant tout des gueules plutôt que des Humans.
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Décriée par la Province, l’identité parisienne est pourtant multiple et riche.
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Je me suis d’abord interrogée sur ce qu’est vraiment être Parisien. Lorsque j’aborde les passants, que je leur demande si je peux les prendre en photo et que je leur donne le nom du projet, Gueules de Parisiens, beaucoup préviennent d’emblée qu’ils ne sont pas originaires de Paris. Mais qu’est-ce qu’un vrai Parisien ? Est-ce quelqu’un qui vit depuis toujours ici ? Qui participe à la vie de la ville sans y être originaire ou même habitant ? Finalement, selon moi, un Parisien c’est quelqu’un qui « vit Paris ». Je fais partie de ces gens qui considèrent Paris comme leur ville de cœur.
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Le portrait en photo est-il complexe à réaliser ou au contraire l’approche est finalement assez naturelle ?
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Nous avons tendance à se projeter dans des scénarios mais rarement dans le moment présent. Très souvent, ce que nous craignons et que nous anticipons n’arrive pas. Il ne faut pas hésiter à s’engager dans quelque chose sans peur. Lorsque j’étais aux Etats-Unis, le rapport à l’image, même dans le droit américain, est très différent du nôtre. Le droit à l’image est par exemple en France lié à la personne alors que de l’autre côté de l’Atlantique, la rue est considérée comme le lieu commun et par conséquent, ce n’est pas un souci d’être pris en photo.
Lorsque je viens à la rencontre des passants, je veux montrer que nous allons passer un bon moment ensemble et qu’ils auront une belle photo d’eux. Parfois cela dure 30 secondes, parfois 2 heures… Mais c’est toujours un joli moment.
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Les couleurs sont très vives dans vos photos. Le noir et blanc ce n’est pas pour vous ?
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Je me suis en effet posé cette question il y a peu de temps lorsque j’ai étudié les photos de Greg Williams. J’aime la couleur et je veux également répondre aux clichés habituels sur Paris… La ville serait grise. Je veux faire ressortir les couleurs de Paris.
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La rencontre et le dialogue sont-ils aussi importants que la photo elle-même ?
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Je me présente comme photographe poète car j’accompagne toujours mes photos avec des bulles poétiques. Vous pouvez regarder furtivement la photo, puis lire ensuite le texte. Avec la lecture, la photo va s’enrichir, elle va prendre vie et vous allez revoir différemment la photo.
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Y’a-t-il des photos qui sont plus à commenter que d’autres?
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J’aime beaucoup notamment celle avec l’indien dans le métro. Ce fut un instant magique et un véritable coup de chance. J’aime également prendre en photo les personnes âgées. À Paris, comme à New York, nos anciens sont magnifiques. Comme nous vivons dans une ville où nous devons beaucoup marcher, les Parisiens font attention à leur look. J’ai également un rapport particulier avec la féminité. Les femmes avec le crâne rasé ou les cheveux très courts m’interpellent car j’aime lutter contre l’image de la parisienne avec les cheveux longs et toujours très bien habillée.
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Avec « Gueules de paysans », vous vous êtes mise au vert. Qu’avez-vous appris de cette expérience à la campagne ?
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Le milieu paysan se renouvelle. J’ai rencontré une population jeune et néo-paysanne avec plein de projets à la campagne. Cela prend du temps mais j’ai découvert des paysans qui dédient leur vie à leur métier. Chaque jour, presque chaque heure, ils réalisent des travaux manuels très difficiles. La famille entière est mobilisée. En milieu urbain, nous connaissons certes le stress et un rythme soutenu, mais nous sommes peu conscients des différentes échelles du travail dans les campagnes. J’ai pu observer le rythme de la nature et de l’agriculture.
Malgré le renouvellement, le milieu paysan reste très masculin. Les femmes doivent prendre le temps pour être respectées et acceptées. J’ai été marquée par cette expérience photographique dans le monde rural.
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Avec « Portraits de voisins », l’exercice fut-il plus difficile ?
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Lorsque quelqu’un dans la rue refuse d’être pris en photo, ce n’est pas un souci car je ne reverrai sans doute pas cette personne. Avec un voisin, proche de mon quotidien, l’exercice est en effet plus compliqué. Heureusement, je vivais dans un immeuble fantastique. Le syndic venait de réaliser des restaurations et la couleur bleue était très présente. Mon voisinage était assez jeune et ouvert aux portraits de photos. Je ne connaissais seulement que mes voisins de droite. Avec ce projet, j’ai pu rencontrer tous mes voisins. Certains venaient d’arriver dans l’immeuble donc je les ai pris en photo avec leurs cartons de déménagement. Le projet a permis de véritables interactions. Nous avons ensuite créé un groupe WhatsApp. Un des voisins était danseur donc nous sommes allés le voir en spectacle.
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Vous vous mettez vous-même en scène. Sommes-nous toutes et tous des portraits à explorer ?
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Nous sommes tous des portraits à peindre et à repeindre. Je me mets en scène seulement depuis cette année. Sarah, une bonne amie m’a encouragée à le faire. En m’exprimant ainsi, j’ai pu découvrir de nouvelles facettes de ma personnalité. Aucune personne n’a d’identité figée. Nous évoluons en permanence. Il est regrettable que de nos jours on dise aux jeunes de trouver absolument leur voie. C’est un discours anxiogène et trop figé. Au lieu d’explorer il faut fabriquer son identité enlever : avant tout.
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Malgré les masques et la pandémie, Gueules de parisiens a des projets ?
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J’ai réalisé quelques portraits avec des masques mais, étant fille d’orthodontiste, j’ai un affect particulier pour le sourire. J’évite au maximum de photographier des gens masqués. D’ailleurs, beaucoup de personnes acceptent d’enlever leur masque pour mes portraits.
J’avais le projet de passer une journée entière dans le métro et de prendre en photo les passants et les passagers. Avec le contexte sanitaire, ce n’est pas un endroit propice à faire tomber le masque. Je souhaite également faire une série de photos de Paris la nuit. Il y a une vraie vie nocturne avec les fleuristes ouverts, ceux qui travaillent comme les chauffeurs de taxi ou les videurs de boîte de nuit et ceux qui sortent. Le couvre-feu ne peut permettre de réaliser ce projet prochainement.
Je rêve également de publier un livre-essai sur l’importance de la légèreté et des rencontres. Il faut se muscler à trouver la beauté dans le quotidien.
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Même avec le portrait, le paysage parisien est omniprésent. La ville de Paris est-elle un personnage à part entière ?
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Je vois Paris comme une grande dame à la fois moderne et multiple. Chaque quartier a son identité propre mais que vous soyez à Porte de La Chapelle ou dans le 14ème arrondissement, vous savez que vous êtes à Paris. Ce n’est pas seulement pour la beauté des immeubles haussmanniens mais aussi pour les toits, la taille des trottoirs… Paris est unique.
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Pour en savoir plus :
Le compte Instagram Gueules de parisiens : https://www.instagram.com/gueulesdeparisiens/?hl=fr