Figure iconique de la littérature suisse, Heidi fait à nouveau parler d’elle avec le surprenant recueil graphique « Heïdi » (éditions La Joie de lire). Les dessinateurs Elmax (Max Chamay) et PLOY (Claire Graber) y présentent de nouvelles versions du récit. Heïdi est ici soit une jeune adulte en quête d’identité soit une étrange dame à l’aube de sa vie.
Se déroulant pourtant dans la campagne suisse, les deux histoires se présentent en noir & blanc. Le récit de Johanna Spyri (1827-1901) perdure…
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Entretien avec PLOY et Elmax.
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Que représente pour vous le livre suisse « Heïdi » de Johanna Spyri (1880) ?
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PLOY : Un livre suisse emblématique écrit par une femme ! Une histoire qui traite de sujets actuels : la beauté, la simplicité et la nature.
Elmax : Je trouve qu’avant tout, le récit originel d’Heidi représente l’image que tout le monde a une fois eu en tête de la Suisse : celle d’une enfant courant dans des prés verdoyants au milieu de montagnes helvétiques. Mais je trouve qu’il représente aussi une sorte d’icône suisse venant d’un autre temps, qui raconte alors l’évolution du pays durant la période de la révolution industrielle et, en parallèle la conservation du patrimoine authentique du XIXème siècle.
Alors que le canton des Grisons est reconnu pour sa multitude de couleurs (Tout comme les différentes iconographies de Heidi), vous avez pris la décision de réaliser des histoires en noir & blanc. Pourquoi un tel choix ?
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PLOY : Ce choix graphique nous a été imposé par la maison d’édition. Personnellement je préfère travailler en noir et blanc. En général, la reproduction en couleur est assez éloignée du dessin original.
Elmax : C’était notamment une proposition de la part de notre maison d’édition, principalement par gain de temps. J’ai de mon côté décidé de rajouter du lavis (utilisation d’encre et d’eau pour modifier les intensités de noir) pour rajouter du volume et de la profondeur à mes dessins, dont le trait est de base relativement fin. Il était néanmoins intéressant de transmettre un décor verdoyant comme celui-ci en noir et blanc ! C’est un exercice toujours intéressant à explorer.
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En quoi les deux histoires se font écho ?
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Elmax : Un point intéressant sur lequel nous nous sommes basés dès le début du projet était d’avancer l’un l’autre sur son projet sans se concerter afin de nous laisser non seulement une certaine liberté, mais aussi pour vraiment garder deux histoires qui n’ont rien à voir l’une de l’autre, montrant alors l’interprétation propre de chacun du récit de base.
Là où c’est intéressant, c’était de voir que nous avions néanmoins eu des points similaires sur lesquels travailler: le retour aux sources et au village de l’enfance, le retour dans le passé des deux Heidi ou encore le côté paisible de la nature de Maienfeld.
PLOY : Les deux histoires offrent deux points de vue qui se complètent : le retour aux sources, la sauvegarde du patrimoine et de la nature.
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Êtes-vous allés sur les lieux pour dessiner ?
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Elmax : Je m’étais d’abord mis en tête de me rendre à Maienfeld pour m’imprégner du lieu, mais je n’ai finalement pas eu le temps, le trajet étant quand même long depuis Genève (rires). J’ai utilisé Google Street View pour m’inspirer du décor et des rues du village. Mais je compte bien m’y rendre un jour.
PLOY : J’aurais préféré faire mes croquis et repères sur place mais je n’étais pas en Suisse pour la réalisation de l’album.
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La question des cheveux bouclés d’Heidi était-elle une évidence ?
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Elmax : Au début non. Ma vision d’Heidi était une jeune enfant au cheveux blonds avec des tresses. Mais après la lecture du récit original, il me semblait clair et évident qu’il fallait s’en tenir à la description de l’autrice suisse: Heidi a les cheveux bouclés et foncés!
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Avez-vous ajouté une part de vous chez Heïdi ?
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PLOY : Je pense que oui. Les personnages sont inévitablement façonnés par nos ami.es, nos proches et nous-mêmes.
Elmax : Je ne me rends pas forcément compte si mes personnages me ressemblent lorsque je les dessine, mais c’est surtout après la lecture que mes amis me disent à quel point ils ont la même manière de s’exprimer que moi. Ça doit être naturel.
Ce sont surtout des détails que j’ai inclus dès le départ dans mon histoire. Par exemple, Heidi est fumeuse dans mon récit, mais il s’agit d’un outil graphique plus que d’une simple décision narrative. Un personnage est selon moi plus intéressant graphiquement avec une cigarette à la main qu’avec les bras croisés.
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Heidi reviendra-t-elle à Maienfeld ?
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PLOY : Je pense que oui :).
Elmax : Très certainement pour ma part. Non pas pour tenir sa promesse à Peter qu’est de revenir à Maienfeld, mais surtout car elle a redécouvert la vie paisible du village qui lui permet de se sortir d’une pression qu’est la vie en société. Cela peut aussi s’apparenter à un exutoire, dans lequel on retrouve une sorte de racine qui ne change que très peu avec le temps, à laquelle on peut toujours se raccrocher. Mais sans suite de prévue, c’est dans la tête du lecteur que cela se passera.