Dans l’univers de Dominique Hé, la bande dessinée est une véritable évasion – d’un point de vue graphique mais également au sein du récit. Alex Lechat, Marc Mathieu, Tanatha, Sophaletta,… Les personnages nous entraînent dans des aventures trépidantes, exotiques et fantastiques. Dessinateur des magazines mythiques Rock & Folk et Métal Hurlant, Dominique Hé est également un disciple de Jean Giraud alias Moebius. Tout s’explique.

La vie de ce dessinateur mérite d’être contée.

Entretien avec Dominique Hé, dessinateur aventurier.

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Alors que vous faisiez des études d’agronomie, vous devenez finalement dessinateur. Pourquoi un tel choix ?
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Comme je n’étais pas trop mauvais en mathématiques (sport que je pratique toujours, d’ailleurs), on (les profs) m’a poussé vers la carrière d’ingénieur. J’ai donc fait Math Sup puis Math Spé. Mais je commençais déjà à en avoir un peu marre des études (je rêvais plutôt de devenir peintre, à défaut, décorateur de théâtre ou de cinéma), aussi je suis entré à la première école d’ingénieurs où j’avais été reçu au concours (Strasbourg). Et ça m’a plu de moins en moins. Il était préférable que ça s’arrête. Donc, adieu les châteaux d’eau, direction Paris et l’aventure. Ma route a alors croisé celle de la BD et d’un certain Jean Giraud.

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Malgré la fin de vos études en agronomie, la nature a-t-elle continué à être une fascination ?

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La nature n’a jamais été pour moi une fascination (rires). J’ai vécu 50 ans au cœur de Paris. Maintenant je vis en pleine campagne (commune de 150 habitants et 3 000 chevaux). Changer, c’est bien.

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Quelle fut l’influence graphique du professeur Jean Giraud ? Était-il un scénariste exigeant (avec Serge le Tendre) ?

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Jean ne cherchait pas à influer sur le dessin. Il voulait qu’on dessine à notre façon. Son enseignement était avant tout basé sur la mise en image. Parfois, il cherchait avec nous quelle était la meilleure façon de représenter quelque chose, comment donner du punch à une scène, comment subjectivement impliquer le lecteur. Et là, il était génial.

En tant que scénariste le mot « exigeant » laisse entendre une certaine autorité (genre cours magistral). Ce n’était pas le cas. Il cherchait avant tout, comme je l’ai dit, à représenter son idée, le mieux possible.

Quant à Serge Le Tendre, on était tous les deux débutants. On est vite devenus copains et on essayait de faire du mieux qu’on pouvait, tout en nous amusant.

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Que retenez-vous de votre expérience Métal Hurlant ? Avez-vous apporté une « touche d’opéra » (la passion commune avec Jean-Pierre Dionnet) ?

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Métal, c’était un bouillon de culture et c’était génial. Et j’ai eu la chance d’y rencontrer des gens hyper créatifs et, par là même, passionnants. Lors des réunions communes hebdomadaires organisées par Jean-Pierre Dionnet, les idées fusaient dans tous les sens. Je n’aurais manqué une seule de ces réunions pour rien au monde.

Je n’ai pas apporté quoi que ce soit de particulier à Métal, j’ai juste participé avec mes moyens et mes goûts. La majorité d’entre nous étions jeunes et débutants avec une très forte envie de créer des choses. Pour l’opéra, Jean-Pierre Dionnet n’avait pas besoin de moi, étant un fin connaisseur du répertoire.

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Comment avez-vous eu l’idée des aventures de l’archéologue Marc Mathieu ?

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J’ai rencontré un égyptologue professionnel de la mission française à Saqqarah. Il m’a enthousiasmé et j’ai eu envie de faire quelque chose sur l’Egypte. Pour ne pas tomber dans le dépliant touristique, j’ai donc pensé à un archéologue aventurier. L’idée ne devait pas être trop mauvaise parce qu’elle a été, je crois, reprise par un certain Spielberg (rires).

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En 1989, vous devenez le dessinateur de la série Alex Lechat. Qu’avez-vous apporté à ces histoires de métamorphoses félines ?

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Pour être honnête, cela m’a surtout appris à dessiner. Ce n’était pas vraiment mon univers, même si, comme à chaque fois que j’ai eu à dessiner, j’ai pris plaisir à le faire.

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Le personnage de Tanatha a-t-il évolué au fil du temps ?

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Oui, bien sûr, parce que Patrick Cothias et moi, avons nous-même évolué et aussi, appris à mieux nous connaître, ce qui influait sur le personnage.
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Pour la série Sophaletta, vous avez retranscrit en dessin les architectures et paysages russes. Pour « Jan Van Eyck », vous avez dessiné l’Europe du nord au XVème siècle. Jadis, l’Egypte ancienne. Avez-vous eu parfois le travail d’archéologue dans votre carrière ?
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Comme je vous ai dit, j’ai rencontré un égyptologue éminent de la mission française en Égypte.

Mais, ce n’est pas lui qui m’a donné le goût de l’architecture, je l’ai toujours eu, surtout celui de celle des civilisations anciennes (ou, pour moi, exotiques dans le temps ou dans l’espace). Quant à être archéologue, non, il faut des connaissances scientifiques que je n’ai pas. Le plaisir de revisiter de splendides monuments, c’est tout.

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Avec les albums écrits par Noël Simsolo, avez-vous apporté le cinéma au monde de la bande dessinée ?

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Vous voulez absolument que j’apporte quelque chose d’essentiel à la BD (rires). Eh bien, je crois que le cinéma n’a pas eu besoin de moi pour arriver dans le 9ème art. Si quelqu’un, en revanche, a vraiment apporté quelque chose d’important, c’est Noël Simsolo. C’est une encyclopédie vivante et qui a côtoyé de près des très grands du cinéma et connaît donc parfaitement ce monde-là. Il suffit de lire ses scénarios ou ses bouquins pour s’en rendre compte.

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La bande dessinée connaît une époque de grandes productions (des dizaines d’albums sortent chaque semaine). Avez-vous un regard positif sur les dernières sorties ?

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Je suis comme tout le monde, je ne peux pas tout voir. Je constate toutefois qu’il y a des choses magnifiques et c’est très enthousiasmant. En tout cas, je trouve que le « niveau » des débutants d’aujourd’hui est de beaucoup supérieur au nôtre (au mien, du moins), quand ma génération a elle-même débuté.

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Que voulez-vous dessiner à présent ?

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Les éditions Glénat, par l’intermédiaire de Franck Marguin, m’ont suggéré d’écrire et dessiner une autobiographie de mes débuts (de mon arrivée à Paris (1971), à la sortie de mon premier album (1977).

Au début, j’étais plutôt réticent (parler de moi n’a jamais été mon fort et, en plus, ma mémoire est partie en retraite définitivement), mais finalement, en ne me concentrant pas sur moi, mais sur l’époque et surtout sur tous les grands de la BD que j’ai rencontrés, le tout sur un ton plutôt humoristique, le challenge devient amusant (et j’espère en intéressera d’autres). Malheureusement, certains des plus importants ne sont plus là, mais j’espère avoir la collaboration des Le Tendre, Dimberton, Juillard, Margerin et Dionnet (accords donnés en tout cas). Ce qui serait vraiment bien.

J’en ai réalisé 36 pages, il devrait y en avoir plus d’une centaine. Encore pas mal de boulot, donc.

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