Titan disparu des mers, le mégalodon fascine. Certains imaginent, à l’instar du calamar géant, qu’il existe encore de telles espèces vivant dans les abysses. Symbole de l’horreur de l’océan, le requin est pourtant un prédateur indispensable à l’écosystème. Sa possible disparition dans les prochaines années pourrait en effet créer un véritable désordre écologique. Le squale est par conséquent un monstre indispensable.
Cette ambivalence est notamment traitée dans la série de bande dessinée Carthago. Imaginée par le scénariste Christophe Bec depuis plus d’une dizaine d’années, les lecteurs ont pu suivre les aventures des mégalodons et les liens qu’ils entretiennent avec les humains.
Avec « Courbée je me redresse » – Tome 14 – le chaos est de plus en plus présent. La beauté également.
Entretien avec Christophe Bec sur ce nouveau volet BD.
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Comment est née la série Carthago en 2007 ? Devait-elle avoir une espérance de vie aussi longue avec notamment des diptyques ?
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Elle est en fait née quelques années avec une première version du scénario série B. L’histoire se déroulait essentiellement sur une plateforme pétrolière. Mon éditeur m’a incité à élargir l’intrigue. Il souhaitait même une dimension feuilletonnante. J’ai alors retravaillé sur le sujet.
La série ne devait pas dépasser plus de 8 albums. L’arc narratif s’est étendu à 10 tomes plus les dytiques.
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Longtemps dessinateur, vous êtes avant tout à présent scénariste. Le fait de confier le dessin à un autre rend-il l’exercice plus captivant ?
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Lorsque vous êtes à la fois dessinateur et impliqué sur le scénario, vous avez une maîtrise totale de l’album. Lorsque vous êtes juste le scénariste, vous devez vous adapter aux défauts et aux qualités du dessinateur. Je vous rassure en général il a plus de qualités que de défauts.
Au départ, nous avions choisi des dessinateurs mais les essais n’ont pas été concluants. J’ai alors fait appel à Éric Henninot qui était alors un jeune artiste. Il a proposé son dessin à la fois réaliste et très ligne claire. Éric a alors réalisé le dessin des deux premiers tomes.
Je suis resté très vigilant par rapport à la narration mais je laisse beaucoup de liberté aux dessinateurs.
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Vous n’avez jamais imaginé dessiner un album de Carthago ?
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Non. J’ai probablement été effrayé à l’idée de dessiner la plateforme pétrolière (rires).
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Éric Henninot, Milan Jovanovic, Ennio Bufi. Tous ces dessinateurs ont su nourrir l’univers de Carthago. Qu’est-ce que chacun à apporter à la saga ?
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Éric a apporté un côté précis et détaillé notamment à propos des décors. Lorsqu’il a décidé d’arrêter la série, je me suis tourné alors vers Milan. Ce dernier est un dessinateur qui a eu plus de sensibilité envers les personnages de « Carthago ». Après le Tome 5, Milan a jugé que l’histoire se dirigeait trop vers la science-fiction. Il voulait revenir à l’historique. J’ai alors fait le choix d’engager Ennio, dessinateur virtuose. Il dessine avec une rapidité et une efficacité incroyable. Ennio est aussi à l’aise avec les personnages qu’avec les décors. Ennio sait tout dessiner.
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La couleur est réalisée par Andréa Meloni. Carthago s’est-il italianisé ?
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Ennio avait déjà travaillé avec Andréa et il était donc logique que l’on travaille ensemble à partir du second album d’Ennio.
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Vous apportez une grande attention concernant les couvertures ?
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Oui. J’ai moi-même travaillé avec le dessinateur sur les couvertures. A présent, Ennio propose plusieurs versions et nous choisissons la meilleure.
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Monstres, titans, mégalodons,… Carthago est une bande dessinée qui impressionne le lecteur par son format et par ses grands dessins. La taille compte ?
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Le mégalodon est avant tout une façade pour parler de la sauvegarde des grands prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire. Les requins la régulent. S’ils disparaissent totalement, ce sera une grande catastrophe naturelle.
Il faut voir au-delà de l’histoire de requins tueurs.
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Quels sont les objectifs des diptyques (L’albinos, le bagarreur) ?
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L’éditeur a souhaité la réalisation de ces diptyques. En nous lançant dans l’écriture, nous voulions tout de même réaliser des cycles moins longs. J’ai d’abord imaginé un diptyque sur Kane, le père adoptif de Lou et hybride humain.
Le second cycle était postapocalyptique. Il s’agit d’un monde où les humains ont perdu leur repère et où le mégalodon est considéré comme un dieu. J’aime cette idée de grand délire avec des moines regroupés sur une plateforme pétrolière désaffectée.
Il y aura un troisième dytique (tomes 15 et 16) qui se centrera sur les retrouvailles entre Kane et Lou.
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« Courbée, je me redresse » mélange l’occulte, la prédation, le lien avec la nature, la technologie… Est-il un album à part ?
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Oui. J’imagine chaque diptyque comme un long métrage. Celui sur Kane était une chasse à l’homme. Le deuxième voit l’affrontement entre deux factions de moines. J’ai imaginé ce diptyque comme s’il s’agissait d’une série B réalisée par John Carpenter.
Face à la folie des moines, Lou s’interroge sur sa place. Ayant le don de respirer sous l’eau, est-elle finalement plus à l’aise dans l’océan entourée par ces créatures ancestrales ?
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Avez-vous déjà imaginé la fin ?
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Tout est en effet acté. Un autre diptyque va être réalisé et le Tome 16 sera le dernier. Je n’ai pas du tout envie que quelqu’un d’autre reprenne la suite. C’est une série qui est trop personnelle.
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